Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009, présentée pour M. Jean-François X, demeurant ..., par Me Plateaux, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 09-6618 en date du 19 novembre 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, de l'arrêté du 13 novembre 2009 du préfet de la Sarthe prononçant sa suspension immédiate du droit d'exercer l'activité de psychiatre pour une durée de cinq mois ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la qualité du système de santé ;
Vu le décret n° 2004-1445 du 23 décembre 2004 relatif à la suspension d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste, d'une sage-femme ou d'un pharmacien et pris pour l'application des articles L. 4113-14 et L. 4221-18 du code de la santé publique et modifiant ce code ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2010 :
- le rapport de M. Ragil, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;
- et les observations de Me Plateaux, avocat de M. X ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2010, présentée pour M. X ;
Considérant que le préfet de la Sarthe a pris, le 13 novembre 2009, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, un arrêté prononçant, pour une durée de cinq mois, la suspension immédiate du droit d'exercer l'activité de psychiatre à l'encontre de M. X, médecin psychiatre, directeur de la Maison de l'Elan, établissement médico-social situé à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe) ; que M. X interjette appel de l'ordonnance en date du 19 novembre 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant, sur le fondement des dispositions de ce même article, à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre de la santé et des sports :
Considérant que si le ministre de la santé et des sports fait valoir que l'arrêté du 13 novembre 2009 du préfet de la Sarthe portant, à l'encontre de M. X, suspension immédiate du droit d'exercer l'activité de psychiatre ne produit plus, depuis le 25 janvier 2010, aucun effet juridique, il ne ressort pas des pièces du dossier que ledit arrêté ait été rapporté ; qu'ainsi, les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre de la santé et des sports ne peuvent qu'être rejetées ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique : En cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, le représentant de l'Etat dans le département prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois. Il entend l'intéressé au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension (...) ; que le cinquième alinéa du même article dispose que : Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme dont le droit d'exercer a été suspendu selon la procédure prévue au présent article peut exercer un recours contre la décision du représentant de l'Etat dans le département devant le tribunal administratif, qui statue en référé dans un délai de quarante-huit heures (...) ;
Considérant que les dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, issues de l'article 45 de la loi du 4 mars 2002 susvisée relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ouvrent, en particulier, au médecin à l'égard duquel le représentant de l'Etat dans le département a prescrit, en application du premier alinéa du même article, la suspension immédiate du droit d'exercer, un recours contre la décision de suspension ; que ces dispositions, qui se bornent à indiquer que le recours est formé auprès du tribunal administratif statuant en référé dans les quarante-huit heures et qui, par ailleurs, ne renvoient pas au code de justice administrative, et, notamment pas, à son livre V, ne déterminent ni la nature des mesures provisoires ou, éventuellement définitives, susceptibles d'être prononcées par le tribunal, ni les conditions auxquelles le prononcé de ces mesures est subordonné, ni les modalités de la procédure au terme de laquelle statue le tribunal, ni la voie de recours pouvant être exercée contre sa décision ; que, si le dernier alinéa de l'article L. 4113-14 prévoit que les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat, le décret du 23 décembre 2004 susvisé pris, notamment, pour l'application dudit article et dont les dispositions ont été reprises sous les articles R. 4113-111 et suivants du code de la santé publique, n'énonce aucune règle relative à l'organisation du recours susceptible d'être exercé par le médecin ; que l'application du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 était, dès lors, manifestement impossible à la date du 19 novembre 2009 à laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes a rendu son ordonnance qui rejette la demande présentée par M. X, sur le fondement de cet article, en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe, en date du 13 novembre 2009, décidant que l'intéressé serait suspendu immédiatement du droit d'exercer l'activité de psychiatre pour une durée de cinq mois ; que, dans ces conditions, il appartenait au tribunal administratif, en vue d'assurer le respect du droit à un recours juridictionnel effectif, et compte tenu des termes de la demande de M. X, de se regarder comme saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté contesté ; que, dès lors, le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes ne pouvait, en tout état de cause, rejeter, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, la demande présentée par M. X en faisant application des dispositions des articles L. 522-1 et L. 522-3 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Considérant que l'arrêté contesté du préfet de la Sarthe en date du 13 novembre 2009 a été pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, lesquelles donnent compétence à l'autorité préfectorale pour prononcer, à l'égard d'un médecin, la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;
Considérant que M. X ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté du 13 novembre 2009 du préfet de la Sarthe de ce que, par application des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, son audition aurait dû intervenir au plus tard le 16 novembre 2009 et non le 17 novembre 2009 comme tel a été le cas ; que, par ailleurs, le fait que cet arrêté n'aurait pas été notifié dans des conditions régulières est sans incidence sur la légalité de ce dernier ;
Considérant qu'aucune obligation législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'impose à l'autorité administrative, lorsqu'elle édicte, dans l'urgence, une mesure de suspension sur le fondement des dispositions précitées du code de la santé publique, de communiquer les pièces du dossier au praticien concerné ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que des comptes-rendus de témoignages n'ont pas été transmis à M. X, ne peut qu'être écarté ; que, par ailleurs, l'arrêté contesté n'ayant ni pour objet, ni pour effet d'interdire à M. X d'interroger ou de faire interroger des témoins, le moyen tiré de la violation des stipulations du d) du 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
Considérant que M. X, est devenu, au mois de février 2009, directeur de la maison d'accueil spécialisé de l'Elan, établissement médico-social dans lequel il exerçait précédemment une activité de médecin-psychiatre ; que cet établissement accueillait une trentaine de résidents, parmi lesquels plusieurs de ses patients ; qu'il ressort de la motivation de l'arrêté contesté du 13 novembre 2009 que le préfet de la Sarthe, pour prononcer, à l'encontre de M. X, une mesure de suspension immédiate du droit d'exercer l'activité de psychiatre pour une durée de cinq mois, s'est fondé sur une note du Dr Y, médecin inspecteur régional, en date du 12 novembre 2009, établie consécutivement à l'inspection qui a d'ailleurs eu lieu le 10 novembre 2009 à la maison d'accueil spécialisée de l'Elan ; que cette note indique que la pratique professionnelle de M. X expose les résidents à des ruptures de soins ainsi qu'à des modifications non justifiées de leur traitement et met en exergue l'absence de suivi médical des résidents, pour lesquels le médecin inspecteur régional souligne qu'aucun dossier n'était tenu ; que ce même document relève, en outre, l'absence de tout document médical permettant de cerner la situation de départ des résidents et leur évolution et mentionne que la sécurité des patients et des salariés était compromise tant en raison de l'absence de repères institutionnels que pour des raisons matérielles ; que de tels griefs, qui reposaient sur des faits présentant un caractère de vraisemblance suffisant, étaient de nature à fonder légalement l'arrêté de suspension pris par le préfet, au vu de ladite note, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique ; que M. X ne saurait utilement faire valoir que ces griefs concernaient non seulement son activité médicale, mais aussi l'exercice de ses fonctions de directeur de la maison d'accueil spécialisé de Sablé-sur-Sarthe, dans la mesure où ces deux fonctions, qu'il exerçait conjointement, ne peuvent, en l'espèce, être regardées comme dissociables, dès lors, en particulier, que l'intéressé était le médecin traitant de plusieurs résidents ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. X doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. X de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 09-6618 du 19 novembre 2009 du juge des référés du Tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-François X et au ministre de la santé et des sports.
Une copie sera adressée au préfet de la Sarthe.
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N° 09NT02693
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