Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010, présentée pour M. Marc X, demeurant ..., par la SELARL Armen, société inter-barreaux Nantes ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-1445 du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier (CH) de Redon et du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes à lui verser la somme globale de 72 500 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont il a été victime à l'occasion d'une intervention chirurgicale subie au CHU de Rennes le 18 mai 1995, et a mis à sa charge les frais de l'expertise prescrite en référé ;
2°) de condamner le CHU de Rennes et le CH de Redon à lui verser solidairement, ou à défaut l'un ou l'autre, d'une part la somme de 47 623 euros au titre de son préjudice professionnel et, d'autre part, la somme de 72 500 euros au titre de son préjudice personnel, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2004, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) de mettre les frais d'expertise à la charge solidaire du CHU de Rennes et du CH de Redon ou à défaut de l'un ou de l'autre ;
4°) de mettre à la charge solidaire des deux centres hospitaliers ou à défaut de l'un ou de l'autre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2011 :
- le rapport de M. Quillévéré, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bouquet, substituant la SELARL Armen, avocat de M. X ;
Considérant que M. Marc X, alors âgé de quarante-cinq ans, a été hospitalisé dans les locaux du CH de Redon le 2 avril 1995 en raison d'un infarctus du myocarde puis, à nouveau, le 19 avril 1995, en raison d'un malaise avec chute de tension ; qu'à l'occasion de cette seconde hospitalisation un examen complémentaire effectué dans les locaux du CHU de Rennes a mis en évidence des lésions coronariennes bi-tronculaires sévères, une intervention chirurgicale étant alors préconisée ; que, postérieurement à l'opération subie par M. X au CHU de Rennes le 18 mai 1995, des complications pleuro-pulmonaire sont survenues ; que, son état s'étant amélioré, M. X a été transféré le 26 mai 1995 au CH de Redon où s'est déclarée une pleuro-pneumopathie lobaire droite avec syndrome bronchitique diffus ; que l'intéressé, qui avait regagné son domicile le 2 juin 1995, a été à nouveau hospitalisé en urgence au CHU de Rennes le 6 juin pour une pleurésie purulente avec hypoxémie sévère et état de choc initial, et est demeuré hospitalisé jusqu'au 18 septembre 1995, date à laquelle il a seulement pu regagner définitivement son domicile ; que lors d'une expertise effectuée en 2002 à l'occasion d'une procédure devant le tribunal du contentieux de l'incapacité en raison d'un litige opposant l'intéressé à la COTOREP, l'expert alors désigné a fait état de plusieurs manquements commis par le CHU de Rennes et le CH de Redon lors des hospitalisations de l'intéressé en 1995 et en a informé celui-ci ; que l'expert désigné ensuite par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes à la demande de l'intéressé a également conclu à l'existence de fautes commises par les deux établissements hospitaliers ; que M. X relève appel du jugement du 19 novembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à condamner solidairement le CHU de Rennes et le CH de Redon à lui payer la somme de 72 500 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale dont il a été victime à l'occasion de l'intervention chirurgicale subie au CHU de Rennes le 18 mai 1995 et de la mauvaise prise en charge par le CH de Redon dans les suites de cette opération à compter du 26 mai 1995 ; que cette somme a été portée à 120 123 euros en appel ;
Sur les conclusions de M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ; qu'en vertu de ces dispositions la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de la prescription quadriennale ; que le point de départ de cette dernière est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 101 de la même loi, ces dispositions sont immédiatement applicables, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit et sauf en ce qui concerne les créances déjà atteintes par la prescription à la date d'entrée en vigueur de la loi, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement à l'intervention chirurgicale subie par M. X au CHU de Rennes le 18 mai 1995, cinq praticiens hospitaliers ont fait état, dans la période allant du 19 juin 1995 au 4 septembre 1995, soit auprès du médecin traitant de M. X, soit dans des comptes rendus établis par eux et remis à l'intéressé, de la grave complication pulmonaire dont celui-ci a souffert ; qu'en particulier le compte rendu d'hospitalisation établi le 8 août 1995 dans les suites de la nouvelle hospitalisation en urgence de l'intéressé le 6 juin 1995 au CHU de Rennes mentionnait expressément qu'une contamination per opératoire expliquant la pleurésie purulente dont souffrait ce dernier était plausible, les analyses effectuées ayant permis de constater l'existence d'une flore pluri-microbienne, et notamment d'un streptocoque ; que, de la même façon, le courrier du 12 octobre 1995 établi par le professeur Y, qui avait opéré M. X le 18 mai 1995 au CHU de Rennes, courrier adressé au médecin traitant du requérant, indiquait que la complication post-opératoire majeure constatée a été un abcès du poumon droit avec pleurésie purulente et secondairement inondation de l'arbre bronchitique gauche, Nous avons été confrontés à un problème infectieux général scepticémique majeur et à un problème d'hypoxie liée à la dissémination pulmonaire ; qu'enfin, M. X doit être regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du préjudice résultant de l'infection pleurale au plus tard à la date de consolidation de son état le 1er juillet 1997 ; qu'ainsi, l'ensemble des éléments qui viennent d'être rappelés, et notamment les deux documents en date des 8 août 1995 et 12 octobre 1995 informaient le requérant, dès l'année 1995, et, en tout état de cause, au plus tard le 1er juillet 1997, que l'infection pleurale dont il avait souffert pouvait, le cas échéant, trouver son origine dans l'intervention chirurgicale effectuée le 18 mai 1995 au CHU de Rennes, l'aggravation de cette infection s'expliquant par la mauvaise prise en charge dont il avait fait l'objet au CH de Redon à compter du 26 mai 1995, et qu'en conséquence la responsabilité des deux centres hospitaliers était susceptible d'être engagée ; qu'il suit de là que le délai de la prescription quadriennale de la loi du 31 décembre 1968 avait commencé à courir au plus tard au 1er juillet 1997 et qu'en l'absence de toute demande adressée aux centres hospitaliers de Rennes et de Redon ou de tout autre acte interruptif de la prescription, ce délai était expiré au plus tard le 31 décembre 2001 ; qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les centres hospitaliers de Rennes et de Redon étaient fondés à opposer à la créance de M. X la prescription quadriennale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions du régime social des indépendants (RSI) de Bretagne :
Considérant que les dispositions de l'article L. 376 du code de la sécurité sociale qui subrogent le RSI de Bretagne dans les droits et actions dont disposait M. X à l'encontre du CHU de Rennes et du CH de Redon ne sauraient conférer à l'organisme de protection sociale davantage de droits qu'à son assuré ; que, la créance de M. X étant prescrite, les conclusions du RSI de Bretagne tendant au remboursement des débours qu'il avait engagés au bénéfice de M. X, liées à la créance prescrite, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise, taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 27 septembre 2004 à la somme de 1 022,28 euros, à la charge définitive de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le CHU de Rennes et le CH de Redon, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à M. X et au RSI de Bretagne la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X et les conclusions présentées en appel par le RSI de Bretagne sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc X, au régime social des indépendants de Bretagne, au centre hospitalier universitaire de Rennes, au centre hospitalier de Redon et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine.
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N° 10NT00097 2
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