Vu la requête enregistrée le 8 mars 2010, présentée pour la société civile d'exploitation agricole (SCEA) GIRARD-SALMON, dont le siège est au lieudit L'Enfer à Nourray (41310), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Trestard, avocat au barreau de Rouen ; la SCEA GIRARD-SALMON demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 08-1121 du 28 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a limité à la somme de 16 466,57 euros le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation du préjudice qui lui a été causé par la délivrance fautive d'un permis de construire deux silos à grain ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 140 038 euros au titre du préjudice matériel et 5 000 euros au titre du préjudice moral ;
3°) de désigner un expert chargé de déterminer le préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2011 :
- le rapport de M. François, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
Considérant que le permis de construire deux cellules de stockage de céréales au lieudit L'Enfer sur le territoire de la commune de Nourray (Loir-et-Cher), délivré le 3 mai 1995 par le maire au nom de l'Etat à la SOCIETE GIRARD-SALMON, a été annulé par jugement du 4 juin 1996 du Tribunal administratif d'Orléans, confirmé par arrêt du 22 juillet 1998 de la présente Cour ; que par un arrêt du 10 juin 2003 confirmant le jugement du 20 décembre 2001 du Tribunal de grande instance de Blois, la Cour d'appel d'Orléans a ordonné la démolition des silos au plus tard le 31 décembre 2003 ; que la SOCIETE GIRARD-SALMON relève appel du jugement du 28 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat à lui verser une somme de 16 466,57 euros qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice consécutif à la délivrance du permis de construire illégal ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la circonstance que le jugement attaqué n'ait pas fait droit à l'intégralité de la réparation demandée par la société appelante n'est pas de nature à entacher d'irrégularité ce dernier ;
Sur le préjudice :
Considérant que la délivrance au nom de l'Etat à la société requérante d'un permis de construire annulé par la juridiction administrative est constitutive d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers la société appelante ; que, toutefois, n'ouvrent droit à indemnisation que les préjudices présentant un lien direct et certain avec le permis de construire illégalement délivré ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société appelante s'est sciemment exposée à un risque en procédant à l'acquisition des deux cellules de stockage d'occasion en cause avant même d'avoir sollicité la délivrance d'un permis de construire ; qu'ainsi, le préjudice né de l'achat prématuré de ces cellules ne saurait donner lieu à indemnisation ; qu'en outre, la SOCIETE GIRARD-SALMON n'établit pas être dans l'impossibilité de réemployer ces dernières ou de les vendre ; que, par suite, seules les factures liées à leur montage ou à leur démontage peuvent être prises en considération ; que, de même, l'acquisition antérieurement à la délivrance de l'autorisation annulée d'équipements et fournitures nécessaires au fonctionnement des silos ne peut donner lieu à dédommagement ; que la société ne saurait enfin prétendre être indemnisée du préjudice résultant de l'achat de fournitures dont le lien avec les cellules de stockage n'est pas établi ;
Considérant que dans ces conditions, sont seules susceptibles d'être indemnisées la note d'honoraires de M. Aubert du 30 mai 1995 ( plans pour la construction des cellules) s'élevant à 3 000 F (457,35 euros), celle de MM. X et Y du 9 mars 1995 (fondation des cellules) arrêtée à 2 000 F (304,90 euros), les deux factures émises par l'entreprise la Soudure Vendômoise des 30 septembre 1995 et 29 juin 1996 (dôme, chapeau et couvercle des cellules), d'un montant respectif de 5 654 F (861,95 euros) et 3 728 F (568,33 euros), les deux factures émises par l'entreprise Favetto le 4 mars 1996 (manutention), arrêtées à 15 000 F (2 286,74 euros) chacune, soit 4 573,47 euros, la facture de 4 500 euros émise par l'entreprise JM Maintenance le 29 novembre 2003 au titre du démontage des cellules et la note de frais de 2400 euros, du 8 décembre 2006, relative aux travaux de démolition des cellules effectués par deux salariés de la SOCIETE GIRARD-SALMON ; que le préjudice dont la SOCIETE GIRARD-SALMON est en droit d'obtenir réparation s'élève ainsi à 13 666,00 euros ; que cette somme est inférieure à celle accordée par le tribunal ; que, toutefois, en l'absence de recours incident du ministre, il n'y a pas lieu de réduire l'indemnité allouée par les premiers juges ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les silos démolis ont été utilisés par la société requérante jusqu'à la fin de l'année 2003, alors même que leur permis de construire avait été annulé dès le 4 juin 1996 ; que, dès lors, la SCEA GIRARD-SALMON n'est pas fondée à demander la réparation des pertes d'exploitation qui résulteraient d'une perte de capacité de stockage ;
Considérant enfin, que le préjudice moral qui résulterait de l'atteinte portée à l'image et à la notoriété des dirigeants de la société n'est pas établi ;
Considérant que, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'expertise sollicitée, la SCEA GIRARD-SALMON n'est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal administratif d'Orléans a condamné l'Etat lui verser une somme de 16 466,57 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à la SCEA GIRARD-SALMON de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCEA GIRARD-SALMON est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) GIRARD-SALMON et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
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N° 10NT00473
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