Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2010, présentée pour la société Antea, dont le siège est 8, boulevard Albert Einstein, BP 32345 à Nantes Cedex 03 (44323), par Me Jeambon, avocat au barreau de Paris ; la société Antea demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-3108 du 30 juin 2010 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il l'a condamnée à verser au Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine la somme globale de 280 439,57 euros en réparation des dommages affectant la construction de la station de traitement des lixiviats de la commune du Verger ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par le Smictom et de condamner ce dernier à lui rembourser les sommes, assortie des intérêts et de leur capitalisation, versées en exécution du jugement attaqué ;
3°) de condamner le Smictom, l'Etat (DDAF) et les établissements Théaud à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge du Smictom la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- les observations de Me Bellané, substituant Me Jeambon, avocat de la société Antea ;
- les observations de Me Assouline, avocat du Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine ;
- et les observations de Me Baud, substituant Me Marchand, avocat des établissements Théaud ;
Vu la note en délibéré enregistrée le 14 février 2013 présentée pour le Smictom ;
1. Considérant qu'au cours de l'année 1991, le Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine a décidé d'aménager un centre d'enfouissement technique des déchets au lieu-dit la Bevinais sur le territoire de la commune du Verger, lequel a commencé à être exploité par les établissements Théaud à compter du 2 mai 1994 ; que la lagune d'aération et d'oxygénation attenante a connu des problèmes d'étanchéité qui ont entraîné la fermeture du site en décembre 1994 ; que l'exploitation du centre d'enfouissement technique a redémarré en juin 1997 après d'importants travaux ; que toutefois, dès 1998, l'insuffisance de la lagune a été constatée ; qu'en mars 1998, il a alors été décidé de construire une station de traitement des lixiviats afin de pouvoir rejeter les eaux épurées conformément aux prescriptions préfectorales dans le ruisseau naturel du Rohuel ; que, le 30 juin 1998, une mission de maîtrise d'oeuvre a été confiée à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ; que la société Antea a été retenue dans le cadre d'un marché conclu le 1er juillet 1999 pour la construction des installations, dont l'exploitation a été confiée à compter de leur mise en service en mai 2001 aux établissements Théaud ; que toutefois ces installations n'ont pu fonctionner ; qu'à la demande du Smictom des missions de constat puis d'expertise ont été ordonnées ; que M. Tournaire, expert désigné au titre de ces deux missions, a déposé son rapport final le 23 octobre 2003 ; que le Smictom a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat (DDAF) et de la société Antea puis, à titre subsidiaire, des établissements Théaud à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis ; que par un jugement du 30 juin 2010 le tribunal administratif a condamné la société Antea puis l'Etat à verser au Smictom les sommes respectives de 280 439,57 euros et de 224 351,66 euros ; que la société Antea fait appel de ce jugement ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut, par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement soit réformé en ce qu'il a condamné l'Etat à indemniser le Smictom, lequel demande à la cour de porter le montant des indemnités qui lui ont été allouées par les premiers juges à 1 021 838,53 euros ;
2. Considérant qu'il est constant, ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif, que l'ouvrage litigieux n'a fait l'objet d'aucune réception définitive ; que, par suite, la société Antea, toujours tenue à ses obligations contractuelles, ne peut se borner à soutenir, pour échapper à toute condamnation, que la station de traitement réalisée par elle n'a présenté aucun désordre d'ordre constructif, ni aucune malfaçon ; que, pour les mêmes raisons, le Smictom n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat (DDAF), de la société Antea et subsidiairement des établissements Théaud sur le fondement de la garantie décennale ; qu'enfin, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, la responsabilité de l'exploitant Théaud, même si elle a été expressément relevée par l'expert, ne peut être recherchée dans le cadre du présent litige, lequel ne concerne que l'opération de construction des installations litigieuses ;
3. Considérant que, dans son rapport d'expertise, M. Tournaire a souligné les insuffisances dans la conception de la station de traitement compte tenu de l'évolution prévisible de la charge polluante des lixiviats ; qu'il a notamment relevé l'absence d'étude détaillée portant sur l'opportunité de la construction de la station de traitement et les caractéristiques à long terme des lixiviats à traiter ; qu'il résulte notamment de l'instruction que le marché a été passé dans le cadre d'un appel d'offres ouvert puis d'un marché négocié en raison du caractère infructueux de l'appel d'offres et que le premier critère d'attribution des offres initialement prévu était le " coût d'utilisation des prestations " ; que l'évaluation initiale du marché était de 1 562 700 F HT (238 232,07 euros), alors que le marché a été conclu avec la société Antea pour un montant de 2 158 800 F HT (329 106,93 euros) ; que ces éléments de fait confirment un défaut d'appréciation technique des difficultés de l'opération ; que le permis de construire déposé dans le cadre du projet a été refusé à plusieurs reprises, la première fois en raison du caractère inconstructible de la zone, puis en raison du caractère incomplet du dossier ; que l'ensemble de ces manquements sont imputables tant au maître de l'ouvrage qu'au maître d'oeuvre, qui n'ont pas porté une attention suffisante à la définition du projet ainsi qu'à son suivi ; que si le Smictom, qui était constitué à l'époque de 68 communes, soutient qu'il ne disposait pas des compétences techniques suffisantes pour s'assurer du caractère opportun et proportionné du projet, il n'est pas contesté qu'il disposait, outre des décideurs politiques qui assuraient sa direction, à l'époque d'au moins un technicien ; qu'en outre, il lui appartenait de recruter le personnel nécessaire pour assurer correctement ses missions ; que, pour sa part, la DDAF, qui bénéficiait d'un contrat lui confiant une mission de maîtrise d'oeuvre de type M3, aurait dû préalablement au lancement de la procédure s'assurer de l'état initial du site et tenir compte davantage du caractère évolutif de la pollution des lixiviats, qu'elle ne pouvait ignorer dès lors notamment que la demande d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement qui avait été présentée pour l'exploitation du centre d'enfouissement technique des déchets faisait état d'une demande chimique en oxygène (DCO) pouvant aller jusqu'à 5 000 mg/l ;
4. Considérant que l'expert souligne par ailleurs deux incidents majeurs d'exploitation survenus entre la fin de l'année 1999 et l'été 2001, à savoir des arrêts épisodiques du pompage des lixiviats dans les puits prévus à cet effet dans les casiers de stockage des déchets, entraînant une hauteur des lixiviats dans ces casiers d'au moins 3 mètres en juin 2001 alors que l'arrêté préfectoral imposait une norme maximale de 30 cm, ainsi que le re-transfert, en juillet 2001, vers les casiers de réception des balles de déchets d'environ 1 200 m3 d'effluents pollués jusqu'alors stockés dans la lagune ; que ces événements, qui ont eu une incidence certaine sur la concentration des pollutions à traiter au moment où la station de traitement en litige a été mise en service, résultent de décisions prises par le maître de l'ouvrage en concertation avec l'exploitant du centre de traitement des déchets ;
5. Considérant, enfin, qu'il est constant que la société Antea a, en annexe de son acte d'engagement, indiqué que son offre était basée sur les informations fournies par le client en ce qui concernait notamment les caractéristiques des effluents, précisant que si les paramètres de pollution liés au processus de fabrication ou au mode d'exploitation venaient à changer, avant la réalisation ou au cours de la période de garantie, elle serait amenée à revoir l'installation pour l'adapter aux nouvelles valeurs de pollution et que son offre serait alors revue en conséquence, et a mis en avant ses moyens humains et techniques ainsi que ses références et sa spécialisation technique dans le traitement des lixiviats ; qu'en outre il résulte des termes du règlement de la consultation que les concurrents soumissionnaires pouvaient présenter des variantes techniques dérogeant au cahier des clauses techniques particulières (CCTP) afin de proposer d'autres types de traitements respectant le niveau de rejet autorisé ; que le CCTP prévoyait, notamment, en son article 1er que le marché avait pour objet le traitement des lixiviats issus du centre d'enfouissement technique des déchets et que, les lixiviats évoluant dans le temps, le traitement devait être évolutif ; que l'article 4 stipulait également que l'entrepreneur devait se rendre compte de l'état des lieux, de l'importance et de la difficulté des travaux afin d'évaluer et d'établir une offre de prix tenant compte de toutes les sujétions ; qu'ainsi et même si le maître d'ouvrage co-contractant n'a pas relevé le caractère inadapté du projet initial présenté par la société Antea, cette dernière a, contrairement à ce qu'elle soutient, également contribué aux dommages litigieux en n'alertant ni le maître de l'ouvrage ni le maître d'oeuvre, lors de la consultation des entreprises, sur les insuffisances voire les incohérences du projet qu'elle ne pouvait, compte tenu de ses compétences, totalement ignorer ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments ainsi rappelés imputables à chacun des acteurs concernés que la répartition des responsabilités opérée par le tribunal administratif doit être modifiée ; qu'il y a lieu de porter la part de responsabilité du Smictom à 40 %, de maintenir la responsabilité de l'Etat à 40 % et de réduire la part de responsabilité de la société Antea à 20 % des préjudices ;
7. Considérant que si le Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine conclut, par la voie de l'appel incident, à la condamnation conjointe ou solidaire de l'Etat (DDAF), de la société Antea et subsidiairement des établissements Théaud à lui verser la somme globale de 1 021 838,53 euros, et demande notamment à la cour de censurer le tribunal administratif et de prendre en compte la somme de 441 841,19 euros TTC correspondant aux frais supplémentaires qu'il a dû exposer notamment pour les manipulations et transferts des lixiviats dont il a eu l'initiative, il est constant que ces conclusions, qui concernent des faits préjudiciables antérieurs à la construction et à la mise en service définitive de la station de traitement des lixiviats, et relèvent ainsi d'un litige distinct, ne sont pas recevables ;
8. Considérant qu'eu égard au montant total des préjudices indemnisables du Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine évalués à la somme globale de 560 879,14 euros par le tribunal administratif, en tenant compte des frais d'expertise mis initialement à la charge de ce syndicat, la somme que l'Etat a été condamné à verser à ce dernier restera, compte tenu des responsabilités définies au point 6, fixée à 224 351,66 euros ; qu'en revanche la somme de 280 439,57 euros que la société Antea a été condamnée à verser au Smictom sera ramenée à 112 175,82 euros ; que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2005 et de leur capitalisation à compter du 18 avril 2007 ;
9. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit ci-dessus quant aux responsabilités de chacune des parties, il y a lieu, en tout état de cause, de rejeter les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Antea ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Antea n'est fondée que dans la mesure mentionnée ci-dessus à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a retenu sa responsabilité au titre des présents dommages ; que les conclusions d'appel incident présentées, d'une part, par l'Etat (ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt) et, d'autre part, par le Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine seront également rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 280 439,57 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, que la société Antea a été condamnée par le tribunal administratif de Rennes à verser au Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine est ramenée à 112 175,82 euros.
Article 2 : Le jugement n° 05-3108 du tribunal administratif de Rennes du 30 juin 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Antea est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées en appel par l'Etat, les établissements Théaud et le Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Antea, au Smictom du centre ouest de l'Ille-et-Vilaine, aux établissements Théaud et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
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N° 10NT02074