Vu la requête, enregistrée le 1er août 2012, présentée pour M. B... A..., demeurant ..., par Me Le Guern, avocat au barreau de Lisieux ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200206 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré trois points de son permis de conduire à raison d'une infraction constatée le 6 mai 2011 ;
2°) d'annuler ladite décision ;
Il soutient que la réalité de l'infraction du 6 mai 2011 n'est pas établie dès lors qu'il a formé, en application des dispositions de l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation auprès de l'officier du ministère public à l'encontre du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée émis à la suite de ladite infraction ; la décision contestée est, par conséquent, entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit, d'erreur dans la qualification juridique des faits, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'intéressé n'apporte aucun élément de fait et de droit nouveau par rapport au litige
soumis au tribunal administratif de Caen, devant lequel il a lui-même produit un mémoire en défense en date du 24 février 2012, auquel il entend se référer ;
- il n'est pas contesté que l'officier du ministère public a rejeté la réclamation que M. A... a présentée ; la consignation que l'intéressé avait réglé vaut alors paiement de l'amende forfaitaire majorée ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 avril 2013 présenté pour M. A... qui conclut aux mêmes fins que la requête, et en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il ajoute que :
- le moyen de défense de l'administration n'est pas fondé dès lors qu'il a présenté une requête en exonération en même temps qu'il consignait la somme de 375 euros et que cette consignation ne signifie pas paiement de l'amende valant reconnaissance de l'infraction ;
- il n'a pu faire valoir ses observations devant le juge de proximité, en contrariété avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2013 le rapport de M. Monlaü, premier conseiller ;
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. (...) La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou par l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée (...) " ;
2. Considérant qu'il résulte des articles 529 et 529-1 du code de procédure pénale que, pour les contraventions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire dont le montant doit être acquitté dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction ou de l'envoi d'un avis au contrevenant ; que l'article 529-2 du même code prévoit que, si le contrevenant peut, dans le même délai, former auprès du ministère public une requête tendant à son exonération, " à défaut de paiement ou d'une requête présentée dans le délai de trente jours, l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public en vertu d'un titre rendu exécutoire par le ministère public " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 530 du même code : " Dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant le contrevenant à payer l'amende forfaitaire majorée, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation motivée qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée. Cette réclamation reste recevable tant que la peine n'est pas prescrite, s'il ne résulte pas d'un acte d'exécution ou de tout autre moyen de preuve que l'intéressé a eu connaissance de l'amende forfaitaire majorée " ; qu'enfin, en vertu de l'article 530-1, lorsque le contrevenant a présenté une requête tendant à être exonéré de l'amende forfaitaire ou une réclamation contre le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, le ministère public peut soit renoncer aux poursuites, soit engager une procédure susceptible de déboucher sur le prononcé d'une condamnation par le tribunal de police, soit aviser l'intéressé de l'irrecevabilité de sa requête ou réclamation ;
3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la réalité de l'infraction peut être tenue pour établie lorsque le ministère public a émis un titre exécutoire si et seulement si le titre est devenu définitif, du fait, soit de l'expiration du délai de réclamation prévu par l'article 530 du code de procédure pénale, soit de la notification au contrevenant par le ministère public de l'irrecevabilité de sa réclamation en application du premier alinéa de l'article 530-1 du même code, soit de la décision de la juridiction de proximité statuant sur la contestation de la décision d'irrecevabilité de la réclamation ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une infraction au code de la route commise le 6 mai 2011, M. A... s'est vu infliger une amende forfaitaire majorée en vertu d'un titre rendu exécutoire par l'officier du ministère public le 5 septembre 2011, mise en recouvrement suivant un avis du Trésor public du 29 septembre 2011 ; que M. A... établit avoir formé le 25 octobre 2011 une réclamation transmise par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 28 octobre 2011 par l'officier du ministère public près le tribunal de police de Lisieux ; que l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que cette réclamation aurait été rejetée par l'officier du ministère public compétent ; que, par suite, la réalité de l'infraction du 6 mai 2011 ne peut pas être regardée comme établie par l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Caen en date du 31 mai 2012 et la décision du 16 décembre 2011 du ministre de l'intérieur retirant trois points sur le permis de conduire de M. A... à la suite d'une infraction constatée le 6 mai 2011 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Piot, président de chambre,
- M. Etienvre, premier conseiller,
- M. Monlaü, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 juin 2013.
Le rapporteur,
X. MONLAÜ
Le président,
J-M. PIOT
Le greffier,
C. CROIGER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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