Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012, présentée pour le département du Loiret, représenté par le président du conseil général, par Me Benjamin, avocat au barreau de Paris ; le département du Loiret demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 11-2856 du 16 mai 2012 en tant que par ce jugement le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 1er juin 2011 de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret rejetant la réclamation de Mme A... relative aux attributions de son compte de propriété n° 92 dans le cadre des opérations d'aménagement foncier concernant les communes d'Aschères-le-Marché, Neuville-aux-Bois, Crottes-en-Pithiverais et extensions ;
2°) de rejeter la requête de Mme A... dirigée contre le courrier du président de la commission départementale d'aménagement foncier du 1er juin 2011 ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- à titre principal, que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le courrier du 1er juin 2011 du président de la commission départementale d'aménagement foncier adressé à Mme A... constituait une décision refusant de modifier ses attributions alors qu'il s'agissait d'une simple réponse aux demandes formulées par l'intéressée, que la commission départementale d'aménagement foncier ne pouvait que rejeter ; qu'il a été donné lecture du contenu de ce courrier lors de la séance de la commission départementale d'aménagement foncier du 24 mai 2011, à titre d'information, puisque cette séance n'avait pas pour objet d'examiner les réclamations déposées suite aux décisions rendues par la commission intercommunale d'aménagement foncier n° 8 ; que ces réclamations avaient été examinées lors de la séance du 3 juin 2010, antérieure à la clôture des opérations d'aménagement foncier intervenue le 21 décembre 2010 ; que, Mme A... n'ayant alors présenté aucune réclamation, la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 n'a pris aucune décision relative à ses attributions ;
- à titre subsidiaire, que le département a régulièrement notifié les avis d'enquête publique et les documents relatifs à l'opération d'aménagement foncier à l'adresse de Mme A... connue d'après le cadastre ; que l'intéressée a omis de signaler au département ses changements d'adresse successifs, ne le mettant ainsi pas en mesure de notifier les documents en cause à une adresse certaine ; que Mme A... avait connaissance de l'avancement de cette opération et de l'inclusion de sa propriété dans le périmètre de l'aménagement, puisqu'elle a adressé deux courriers à la commission intercommunale d'aménagement foncier n° 8 en 2008 et 2009, postérieurement à l'arrêté du 28 septembre 2007 ordonnant l'aménagement foncier ; qu'elle n'a été privée d'aucune possibilité de contester cette opération ; que les mesures de publicités ont été régulièrement effectuées ; qu'enfin, la parcelle d'attribution ayant été quasiment réattribuée sur place, la situation de l'intéressée n'a pas été aggravée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le courrier, enregistré le 27 août 2012, du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2012, présenté pour Mme A..., par Me Laval, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010 et de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010, et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge du département du Loiret au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir :
- que le courrier du président de la commission départementale d'aménagement foncier du 1er juin 2011 constitue bien une décision confirmative des refus précédents de lui réattribuer sa parcelle d'apport, décision susceptible de recours ;
- que, l'avis d'enquête publique prévu par l'article R. 123-12 du code rural et de la pêche maritime ne lui ayant jamais été notifié, elle n'a pas pu porter réclamation à la connaissance de la commission intercommunale d'aménagement foncier et de la commission départementale d'aménagement foncier compétentes ; que le département du Loiret ne pouvait ignorer son adresse effective alors qu'elle avait, par deux courriers antérieurs à cet avis d'enquête, informé le département du Loiret de son opposition au remembrement ; que le département ne justifie pas avoir tenté d'envoyer les documents relatifs à l'aménagement foncier à son adresse réelle ; qu'elle a ainsi été privée d'une garantie ;
- que ni l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010, ni la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010, ni le courrier
du 1er juin 2011 ne sont suffisamment motivés ;
- que l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010 prononçant la clôture des opérations de remembrement ne lui a pas été notifié, de même que l'extrait du nouveau parcellaire ;
- qu'elle s'est toujours opposée au remembrement de son unique parcelle ; qu'en l'absence de notification des diverses décisions relatives à l'opération d'aménagement foncier, elle n'a jamais pu faire utilement valoir son opposition à l'échange de terre ; que, sa parcelle n'étant pas une terre agricole mais seulement une terre à usage familial, elle n'avait pas à faire l'objet d'un échange de terre dont le but est d'en améliorer les conditions d'exploitation ; que la parcelle d'attribution est plus petite que sa parcelle d'apport dont la valeur en classe de terre a été sous-estimée ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 janvier 2013, présenté pour le département du Loiret qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans sa requête et soutient en outre :
- que les conclusions incidentes de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010 et de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 ne sont pas recevables faute d'avoir été formées dans le délai de l'appel principal ;
- que le courrier du 1er juin 2011 ne peut en aucun cas être considéré comme une décision puisqu'à cette date, la commission départementale d'aménagement foncier n'avait plus compétence pour statuer sur le compte de propriété de Mme A... dès lors que les opérations d'aménagement en cause avaient été clôturées par un arrêté du 21 décembre 2010 ; que compte tenu du délai de 6 mois fixé par l'article R. 121-12 du code rural et de la pêche maritime, et courant à compter du 17 mai 2010 pour statuer sur les réclamations présentées au cours de l'enquête publique, la commission départementale d'aménagement foncier ne pouvait plus prendre de décision sur une réclamation émise par l'un des propriétaires ;
- que conformément aux dispositions des articles D. 127-2 et D. 127-3 du même code, toutes les correspondances relatives à l'aménagement foncier ont été faites en fonction des éléments obtenus à la suite des réquisitions hypothécaires ;
- qu'en tout état de cause, la décision du 1er juin 2011 n'est entachée d'aucune illégalité ;
- que Mme A... n'est pas recevable à contester la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 qui ne la concerne pas ;
- que l'arrêté de clôture des opérations d'aménagement foncier du 1er décembre 2010 n'avait pas à être notifié aux propriétaires concernés par le remembrement ; que Mme A... n'a pas contesté cet arrêté dans les délais prévus ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 août 2013, présenté pour Mme A..., qui conclut aux mêmes fins que dans son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2013 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me Benjamin, avocat du département du Loiret ;
1. Considérant que, dans le cadre des opérations d'aménagement foncier et agricole liées à la réalisation de l'autoroute A19 et concernant les communes d'Aschères-le-Marché, Neuville-aux-Bois, Crottes-en-Pithiverais et extensions, Mme A..., propriétaire, s'est vu attribuer la parcelle YA 18 à Aschères-le-Marché en échange de son unique parcelle cadastrée ZD30 située sur le territoire de la même commune ; que, le 4 mai 2011, postérieurement à la décision du 3 juin 2010 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret avait statué sur l'ensemble des réclamations formées devant elle contre les décisions de la commission intercommunale d'aménagement foncier n° 8 concernée, Mme A... sollicitait de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret la réattribution de sa parcelle d'apport ; que, par un courrier du 1er juin 2011, le président de cette commission l'informait de ce que la commission départementale, faute d'avoir été saisie d'une réclamation par l'intéressée, n'avait pas statué sur les attributions de son compte de propriété ; que Mme A... a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans afin d'obtenir l'annulation de l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010 portant clôture de l'opération d'aménagement foncier en litige, l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 ayant statué sur l'ensemble des réclamations dont elle avait été saisie dans les délais, ainsi que l'annulation de la décision du 1er juin 2011 du président de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret dont elle estime qu'elle vaut refus de lui réattribuer sa parcelle d'apport ; que, par un jugement du 16 mai 2012, le tribunal administratif d'Orléans a partiellement fait droit à cette demande en annulant la décision du 1er juin 2011 du président de la commission départementale d'aménagement foncier, et a rejeté les conclusions de Mme A... dirigées contre les deux autres décisions ; que le département du Loiret demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision précitée du 1er juin 2011 ; que, par la voie de l'appel incident, Mme A... demande l'annulation du même jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010 et de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 précités ;
En ce qui concerne la décision du président de la commission départementale d'aménagement foncier du 1er juin 2011 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-16 du code rural et de la pêche maritime : " Sous réserve des droits des tiers, tout propriétaire ou titulaire de droits réels, évincé du fait qu'il n'a pas été tenu compte de ses droits sur des parcelles peut, pendant une période de cinq années à compter de l'affichage en mairie prévu à l'article L. 121-12, saisir la commission départementale d'aménagement foncier aux fins de rectification des documents de l'aménagement foncier agricole et forestier. " ; que les dispositions de l'article L. 121-12 de ce code sont relatives aux effets, après règlement des contentieux en cours, de l'affichage en mairie, par le président du conseil général, de l'arrêté portant clôture des opérations d'aménagement et du plan parcellaire définitif en résultant ;
3. Considérant que, par son courrier du 4 mai 2011, le conseil de Mme A... a saisi la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret sur le fondement des dispositions de l'article L. 123-16 du code rural et de la pêche maritime aux fins d'obtenir la rectification des documents de l'aménagement foncier agricole en cause ; que, saisi sur un tel fondement, le président de la commission départementale d'aménagement foncier était tenu de répondre à la demande de Mme A... ; que, par sa lettre du 1er juin 2011, et alors même qu'il s'y bornait à informer Mme A... des motivations de l'échange de terre relatif à son compte de propriété, il doit être regardé comme ayant rejeté cette demande ; qu'ainsi, ce courrier du président de la commission départementale d'aménagement foncier du 1er juin 2011 constitue, comme l'ont à juste titre estimé les premiers juges, une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
4. Considérant cependant que si, dans son courrier précité du 4 mai 2011, Mme A... invoquait les dispositions de l'article L. 123-16 du code rural et de la pêche maritime, elle sollicitait en réalité, non la rectification d'une éviction, mais l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 et la réattribution de sa parcelle d'apport en invoquant les irrégularités de la procédure d'aménagement qui ne lui auraient pas permis de participer à l'enquête publique et de saisir utilement la commission départementale d'aménagement foncier ; qu'à ce titre, Mme A... fait valoir qu'elle n'a pas eu connaissance du projet d'aménagement foncier, qu'elle n'a jamais été destinataire de l'avis d'enquête publique prévu par l'article R. 123-12 du code rural et de la pêche maritime et que, ces documents ne lui ayant jamais été notifiés, elle n'a pu porter ses réclamations à la connaissance ni de la commission intercommunale d'aménagement foncier qui s'est tenue le 8 mars 2010, ni de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010 ; que, par les moyens ainsi invoqués, Mme A..., qui ne soutient d'ailleurs pas que son droit de propriété aurait été méconnu en tant que tel, n'établit pas qu'elle entrait dans les prévisions de l'article L. 123-16 précité, seules de nature à lui ouvrir droit, alors que les opérations d'aménagement foncier étaient achevées et les transferts de propriété réalisés, à un dernier recours aux fins de rectification ou d'indemnisation ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif d'Orléans, qui sera annulé sur ce point, c'est à bon droit que le président de la commission départementale d'aménagement foncier a, par la décision contestée du 1er juin 2011, rejeté la réclamation de Mme A... ;
En ce qui concerne la recevabilité de l'appel incident :
5. Considérant que, par sa requête, le département du Loiret n'a sollicité l'annulation du jugement attaqué que dans la mesure où il avait annulé la décision précitée du 1er juin 2011 ; que les conclusions de l'appel incident de Mme A... dirigées contre ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 3 juin 2010, qui ne concernait pas l'attribution de terres à l'intéressée, et de l'arrêté du président du conseil général du Loiret du 1er décembre 2010 portant clôture générale des opérations de remembrement, soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal ; que par suite, et faute d'avoir été présentées dans le délai de recours d'appel principal contre le jugement attaqué, ces conclusions ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Loiret est seul fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 1er juin 2011 de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant, en premier lieu, que si le département conteste les frais qui ont été mis à sa charge par les premiers juges, le tribunal n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en condamnant le département du Loiret, partie perdante en première instance, à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros ; que par suite, les conclusions du département du Loiret tendant au reversement de cette somme ne peuvent qu'être rejetées ;
8. Considérant, en second lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Loiret, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le département du Loiret au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 11-2856 du 16 mai 2012 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 1er juin 2011 du président de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation de la décision du 1er juin 2011 du président de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme A... sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du département du Loiret est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département du Loiret, à Mme B... A... et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 octobre 2013.
Le rapporteur,
F. LEMOINE Le président,
I. PERROT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT02052