Vu le recours, enregistré le 4 mars 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105052 en date du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 2 septembre 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. A..., ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ;
il soutient que :
- le jugement, qui ne peut être regardé comme régulier, devra être censuré ; en effet, le caractère ancien des faits reprochés à M. A... n'est pas établi, s'agissant d'un comportement délinquant réitéré qui a perduré sur une période de 17 ans et qui s'est prolongé jusqu'en 2003, puisqu'il ressort d'un procès-verbal du 1er juin 2003 que l'intéressé a également fait l'objet d'une procédure pour circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance à Nanterre ; la cour pourra, le cas échéant, opérer une substitution de motifs en considérant que ce dernier fait était de nature à justifier, à lui seul, les décisions contestées ;
- le comportement de l'intéressé s'est écarté de celui attendu d'un postulant à l'acquisition de la nationalité française sur une période particulièrement longue, sans que puissent y faire obstacles les éléments invoqués par les premiers juges ;
- en regardant comme illégales les décisions contestées, au motif qu'elles procéderaient d'une erreur manifeste d'appréciation, les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur contrôle en la matière et inexactement apprécié les éléments du dossier ;
- il appartiendra à la cour, statuant sur l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter comme non fondés les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2013, présenté pour M. B... A..., demeurant..., par Me Gloaguen, avocat au barreau de Brest, qui conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- l'appel du ministre n'est pas recevable, dès lors que son recours n'a été enregistré que le 6 mars 2013, soit postérieurement à l'expiration du délai d'appel d'un mois ;
- il n'y a pas lieu à opérer une substitution de motifs ; le véhicule qu'il venait d'acheter lui a été volé entre le 7 et le 14 avril 2003 ; il n'a pas cru devoir l'assurer compte tenu de cette soustraction ; la procédure s'est simplement traduite par une ordonnance pénale du 22 février 2004 le condamnant à 650 euros ;
- son comportement est irréprochable depuis 1997 ;
- le centre de ses intérêts matériels et familiaux est situé en France, pays dans lequel il est né et où réside l'ensemble de sa famille, laquelle possède la nationalité française ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui tend aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;
il soutient, en outre, que :
- la requête d'appel a été transmise par fax le 4 mars 2013 et transmise le même jour par courrier postal réceptionné le 6 mars 2013 ; le recours n'est donc pas tardif ;
- M. A... admet qu'il n'avait pas assuré son véhicule avant de se le faire voler ;
- le comportement de l'intéressé, apprécié dans sa globalité et également à l'aune de ses antécédents, est révélateur de sa désinvolture à l'égard du respect des lois françaises et justifie sa décision de rejet ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité,
aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2013 :
- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour M. A... ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 29 novembre 2013, présentée par le Ministre de l'Intérieur ;
1. Considérant que le ministre de l'intérieur interjette appel du jugement en date du 28 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 2 septembre 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté la demande de réintégration dans la nationalité française de M. B... A..., ressortissant algérien, ainsi que la décision du 24 mars 2011 rejetant son recours gracieux ;
Sur la fin de non-recevoir opposée au recours du ministre :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au ministre de l'intérieur le 3 janvier 2013 ; que le délai de recours de droit commun de deux mois expirait, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, le 4 mars 2013 ; que la requête d'appel a été transmise par télécopie le 4 mars 2013, et confirmée postérieurement par le dépôt d'un mémoire signé, enregistré le 6 mars suivant ; que, par conséquent, le recours du ministre n'était pas tardif ; que la fin de non recevoir opposée par M. A... doit, par suite, être écartée ;
Sur la légalité des décisions des 2 septembre 2010 et 24 mars 2011 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; et qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande ; il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ; ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande " ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
4. Considérant que, par sa décision du 2 septembre 2010, le ministre a rejeté la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. A... aux motifs que celui-ci avait fait l'objet de procédures pour violences involontaires et conduite en état d'ivresse le 24 février 1980 à Nanterre, pour complicité de vol simple le 6 décembre 1980 à Courbevoie, pour falsification et usage de document administratif le 15 mars 1982 à Nanterre, pour vol avec effraction le 17 novembre 1985 à Nanterre, pour violences sur personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice de ses fonctions le 31 janvier 1997 à Nanterre et pour trafic de stupéfiants entre le 1er août 2006 et le 27 novembre 2006 à Nanterre ; que si, à l'occasion de sa décision du 24 mars 2011 rejetant le recours gracieux de M. A..., le ministre a abandonné le motif tiré de ce que le requérant avait fait l'objet d'une procédure pour trafic de stupéfiants, il a néanmoins maintenu sa décision initiale sur le fondement des dispositions précitées au regard du comportement général de l'intéressé ; qu'eu égard à la gravité des faits ainsi reprochés et à leur caractère répété sur une période de dix sept ans, et en dépit de leur ancienneté, le ministre a pu rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française de M. A... sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, et ce alors même qu'il ne serait pas tenu compte du défaut d'assurance constaté en 2003 ; que c'est, par suite, à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'existence d'une telle erreur pour annuler les décisions du ministre des 2 septembre 2010 et 24 mars 2011 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant que M. A... ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance qu'il remplirait les conditions de recevabilité prévues aux articles 21-16, 21-23 et 21-27 du code civil, dès lors que les décisions en litige n'ont pas été prises sur le fondement de ces dispositions, mais sur celui des dispositions du décret du 30 décembre 1993 ; que, de même, les circonstances que l'intéressé soit né en France, qu'il y résiderait de manière continue depuis 1960, ainsi que l'ensemble de sa famille, dont la majorité des membres possède la nationalité française, sont sans influence sur la légalité des décisions contestées ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions des 2 septembre 2010 et 24 mars 2011 rejetant la demande de réintégration de M. A... dans la nationalité française ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 décembre 2013.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
B. ISELIN
Le greffier,
C. GOY
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N° 13NT00720