Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2012, présentée pour M. et Mme A... B...demeurant..., par Me Oger, avocat au barreau de Paris ; M. et Mme B... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004311 en date du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2004 et 2005 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ainsi que la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- sur la régularité de la procédure :
. le même agent de l'administration fiscale se retrouve à tous les stades de la procédure précontentieuse et contentieuse, d'où un manque d'indépendance des différents interlocuteurs fiscaux dans ce dossier ;
. l'administration a regardé implicitement l'acte d'acquisition de leur appartement comme constitutif d'un abus de droit, sans leur avoir accordé les garanties attachées à une telle procédure ;
- sur le bien-fondé de l'imposition :
. les travaux se sont achevés le 29 juillet 2005, soit postérieurement à la date du 30 décembre 2004 à laquelle ils ont acquis leur appartement ; la circonstance que l'acquisition et les travaux litigieux n'aient été financés que par un seul prêt est indifférente ;
. le coût des travaux est déductible selon les termes de la réponse ministérielle Poulpiquet n° 39876 du 14 janvier 1978 ;
. l'administration, en estimant déductibles les travaux en cause dans ses propositions de rectification des 15 novembre et 17 décembre 2007, a formellement pris position sur sa situation de fait au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; cette prise de position lui est opposable ;
. la demande de condamnation à titre de dommages et intérêts est justifiée par la poursuite à l'encontre de M. et Mme B... de procédures transgressant les règles les plus élémentaires du droit ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
le ministre soutient que :
. sur la procédure d'imposition, l'administration, qui n'a pas mis en cause la sincérité d'un acte juridique, n'a pas appliqué l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sur la répression des abus de droit ;
. sur le bien-fondé de l'imposition :
- la charge de la preuve incombe au requérant relativement au caractère déductible des travaux ;
- l'essentiel des travaux a été réalisé avant la cession intervenue le 30 décembre 2004, comme il résulte des factures détaillées ainsi que du procès-verbal de réception des travaux sur les parties privatives ; les travaux portant sur les façades et sur les menuiseries extérieures ont été réceptionnés sans réserves le 17 février 2004, ceux concernant les parties communes et privatives de la 7ème rue ont été réceptionnés le 6 juin 2004, les réserves étant levées le 29 juillet 2005 ;
- les travaux litigieux ont été décidés par le vendeur et réalisés par lui, la charge étant transférée aux acquéreurs ; le coût de ces travaux forme donc un élément du prix d'acquisition et non une dépense engagée en vue de constitution ou de la conservation d'un revenu ;
- sur le terrain de la doctrine :
. l'appréciation portée par l'administration sur une situation de fait ne peut être invoquée par un contribuable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales que si elle a été formellement exprimée avant la mise en recouvrement d'une imposition primitive, ce qui n'est pas le cas ;
. la réponse Poulpiquet ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le service a fait application ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;
il ajoute que l'action en dommages et intérêts n'est pas recevable, en premier lieu, en raison de l'absence de demande préalable liant le contentieux, en deuxième lieu en raison de la distinction des contentieux fiscaux et des contentieux indemnitaires et, en troisième lieu en l'absence de motivation de ces conclusions ; l'administration fiscale n'a causé aucun préjudice découlant d'un comportement fautif de sa part ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour M. et Mme B..., qui persistent dans leurs conclusions initiales par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2013 présenté par le ministre de l'économie et des finances qui maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
1. Considérant que l'immeuble dénommé " Unité d'habitation Le Corbusier " à Firminy (Loire) a fait l'objet en 1993 d'une inscription partielle à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ; qu'à la suite de la vente par l'OPHLM de Firminy de 130 des logements de cet immeuble à la société Alvipi Conseils, cette dernière a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage délégué du syndicat des copropriétaires, un programme de travaux qui a comporté, d'une part, des travaux de maçonnerie et de menuiseries extérieures et, d'autre part, des travaux de rénovation portant successivement sur chacun des niveaux habitables de cette copropriété, les logements initiaux étant regroupés en 69 nouveaux lots ; que M. et Mme B... ont, le 30 décembre 2004, acquis de la société Alvipi Conseils le lot n° 207 qu'ils destinaient à la location et ont déduit de leur revenu global des années 2004 et 2005 le montant des travaux payés pour la rénovation de cet appartement ; que l'administration ayant remis en cause cette déduction, M. et Mme B... font appel du jugement en date du 25 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été de ce fait assujettis au titre des années 2004 et 2005 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
2. Considérant en premier lieu, que la circonstance que le conciliateur fiscal départemental qui a examiné le désaccord relatif aux impositions en litige soit le signataire du mémoire en défense de l'administration présenté devant les premiers juges n'est pas, par elle-même, de nature à révéler une méconnaissance du principe d'impartialité et par suite à entacher d'irrégularité la procédure ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas écarté comme ne lui étant pas opposable l'acte de vente de l'appartement à M. et Mme B..., mais s'est bornée, comme elle était en droit de le faire, à vérifier dans quelle mesure les conditions auxquelles est subordonné le bénéfice du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts étaient remplies ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière faute pour l'administration d'avoir assuré aux requérants les garanties applicables en cas de mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " ; qu'aux termes de l'article 31 du même code dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement " ; qu'il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite du caractère déductible de ces charges ;
5. Considérant que les acquéreurs d'immeubles anciens qui procèdent à leur rénovation dès l'acquisition, soit avant toute location, ou les acquéreurs d'immeubles en cours de rénovation peuvent bénéficier de la déduction prévue par les dispositions précitées si les immeubles sont affectés à l'habitation et destinés à la location au moment de l'exécution des travaux ; que toutefois, conformément aux principes qui régissent les revenus fonciers, les dépenses d'amélioration ne peuvent être déduites qu'à la condition, notamment, d'être supportées par le propriétaire lui-même et d'être réellement payées aux entrepreneurs soit par lui, soit pour son compte au cours de l'année de l'imposition ; que par suite, lorsque le vendeur des locaux se propose d'effectuer des travaux de rénovation, la déduction des frais correspondants n'est admise que si ces travaux sont exécutés postérieurement au transfert de propriété, quelles que soient les conditions du contrat de vente ;
6. Considérant que si M. et Mme B... soutiennent que les dépenses déduites par eux correspondraient à des travaux réalisés postérieurement à l'acquisition de l'appartement le 30 décembre 2004, il résulte de l'instruction, non seulement que les travaux en façade de l'immeuble portant sur les parties communes ont été réceptionnés le 17 février 2004, comme le rappellent les requérants, mais encore que les travaux correspondant aux appartements de la 2ème rue, tel celui acquis par M. et Mme B..., ont fait l'objet d'une réception avec réserve selon procès-verbal en date du 24 janvier 2005 ; que M. et Mme B..., auxquels incombent la charge de la preuve, n'établissent pas, en versant en cause d'appel une attestation imprécise de l'architecte établie plusieurs années après les faits, que les travaux réalisés postérieurement à l'acquisition du bien auraient excédé ceux nécessaires à levée des réserves, intervenue selon procès-verbal en date du 29 juillet 2005 ; que ni les plaintes élevées par les requérants ou leur conseil en patrimoine sur la qualité des travaux à l'été 2005, ni la circonstance que les copropriétaires aient décidé lors de l'assemblée générale du 7 juillet 2006 d'un prorata sur les charges de copropriété du 1er trimestre 2005 relativement aux appartements de la 2ème rue, ne suffisent à justifier que les travaux déduits par les requérants auraient été réalisés postérieurement à l'acquisition de l'appartement ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a estimé que les travaux de rénovation litigieux étaient achevés à la date d'acquisition de l'appartement par M. et Mme B..., et par suite que ces derniers ne pouvaient prétendre à la déduction de leur revenu foncier des dépenses correspondantes ;
S'agissant de la doctrine de l'administration :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal " ;
8. Considérant, d'une part, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 14 janvier 1978 au député Poulpiquet, qui ne contient aucune interprétation formelle de la loi fiscale contraire à celle dont il est fait application ;
9. Considérant, d'autre part, que lorsque l'administration procède au rehaussement d'impositions antérieures un contribuable n'est fondé à invoquer l'appréciation portée par l'administration sur une situation de fait que si cette interprétation a été formellement admise antérieurement à la mise en recouvrement de l'imposition primitive ; que par suite M. et Mme B... ne sont pas fondés, en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, à invoquer à l'encontre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2004 et 2005 les termes de propositions de rectification en date des 15 novembre et 17 décembre 2007 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. et Mme B... n'établissent pas avoir subi un préjudice du fait de la poursuite de procédures de rectification irrégulières ; que les conclusions à fins d'indemnisation qu'ils ont présentées sur ce fondement ne peuvent donc, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Piot, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 janvier 2014.
Le rapporteur,
J. FRANCFORT Le président,
J-M. PIOT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT03367
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