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17/01/2014 | FRANCE | N°12NT01618

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 janvier 2014, 12NT01618


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2012, présentée pour la société Finist'Mer compagnie maritime, représentée par son président, dont le siège est situé 1E 1er Eperon quai Est Zone, Port de commerce à Brest (29200), par Me Quimbert avocat au barreau de Nantes ; la société Finist'Mer compagnie maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101759 en date du 27 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2010 par laquelle la région Bretagne a refusé le renouvellement de l

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Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2012, présentée pour la société Finist'Mer compagnie maritime, représentée par son président, dont le siège est situé 1E 1er Eperon quai Est Zone, Port de commerce à Brest (29200), par Me Quimbert avocat au barreau de Nantes ; la société Finist'Mer compagnie maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101759 en date du 27 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2010 par laquelle la région Bretagne a refusé le renouvellement de la convention d'occupation temporaire dont elle bénéficiait pour des locaux d'une superficie de 163 m², situés 1er Eperon, quai est, du port de commerce de Brest, ainsi que de la décision du 2 mars 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre à la région Bretagne de communiquer les charte-parties des navires exploités par la société délégataire Penn Ar Bed, ainsi que les quittances des redevances acquittées pour les bureaux et gares maritimes qu'elle occupe ;

4°) de mettre à la charge de la région Bretagne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la région ayant justifié de la délégation de signature donnée à M. B...par son président, elle abandonne son moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes contestés ;

- les décisions de non renouvellement de l'autorisation d'occupation temporaire (AOT) ont été prises à titre de sanction, sans que l'occupant ait été mis à même de discuter les griefs formulés à son encontre ; le principe du contradictoire a donc été méconnu ;

- les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui interdisent les pratiques anticoncurrentielles au sein du marché commun, ont été méconnus ;

- les activités exercées sur un marché restent en principe réservées aux personnes privées et les modalités de l'action des personnes publiques ne doivent pas fausser le jeu de la concurrence ; en l'espèce, les décisions de non renouvellement de l'AOT visent en réalité à instaurer une situation anticoncurrentielle ; le but poursuivi est de donner à une société subventionnée, bénéficiaire d'un contrat de délégation de service public avec le conseil général du Finistère, l'autorisation d'occuper gracieusement le local commercial permettant l'accueil des voyageurs ; cette mise à disposition gratuite non seulement des locaux, mais de l'ensemble de la flotte de six navires appartenant au conseil général, des gares maritimes et des matériels de manutention ou de bureautique, viole les dispositions de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ainsi que les principes d'égalité et de libre concurrence ; en 2009, seuls 21 % des passagers transportés étaient des insulaires, de sorte que la desserte des îles finistériennes par la société Penn Ar Bed relève de l'exploitation par un transporteur touristique ; la situation constitue un abus de service public et un abus de position dominante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2012, présenté pour la région Bretagne, représentée par son président, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Finist'Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la décision de ne pas renouveler l'autorisation d'occupation temporaire ne correspond pas à une sanction, impliquant le respect d'une procédure contradictoire, mais a été effectuée dans l'intérêt du domaine exclusivement ; en outre, l'occupant ne dispose d'aucun droit acquis au renouvellement de son titre, l'administration appréciant les garanties qu'il présente pour la " meilleure utilisation possible du domaine public " ; or, les locaux n'ont servi que de lieu de stockage et non au transport des passagers ; elle souhaite, au contraire, que les lieux soient utilisés pour permettre la desserte avec les îles et réaménagés pour améliorer la sécurité des passagers et les conditions de travail des salariés de la société Penn Ar Bed ; elle a ainsi décidé d'incorporer en 2011 la dépendance domaniale au terminal passager géré par le conseil général ; l'utilisation de la parcelle litigieuse par Finist'Mer, qui souhaite conserver la dépendance comme siège social avec un poste à quai, ne répond pas aux objectifs de la région en termes opérationnels ; en tout état de cause, la société Finist'Mer a pu faire valoir ses observations ;

- les articles 101 et 102 du traité de l'Union, qui prohibent les pratiques anticoncurrentielles, ne sont pas applicables au cas d'espèce ; au vu des obligations de service public mises à sa charge, la société Penn Ar Bed répond aux exigences de la réglementation européenne permettant de lui reconnaître la qualité d'entreprise " en charge de la gestion d'un service d'intérêt économique général (SIEG) ", et donc de déroger à l'application des règles communautaires de concurrence, en vertu de l'article 106 2° du TFUE ; la délégation de desserte des îles a été attribuée à l'issue d'une procédure de dévolution prévue par les articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, à la quelle la société Finist'Mer n'a pas participé ; la convention de délégation de service public signée le 22 décembre 2008 impose au délégataire des obligations de desserte des îles de Molène et d'Ouessant, par tous les temps, et toute l'année, " dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix ainsi que de coûts pour la collectivité territoriale " ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2012, présenté pour la société Finist'Mer compagnie maritime qui tend aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- il y a violation du principe de liberté du commerce et de l'industrie ; la délivrance des autorisations d'occupation temporaire du domaine public doit se concilier avec le principe constitutionnel de liberté du commerce et de l'industrie, qui impose de ne permettre une délégation de service public qu'en cas de carence de l'initiative privée ; la décision de non renouvellement de l'AOT a pour conséquence de réduire à néant la concurrence pour le transport des passagers au départ de Brest, en créant un monopole pour la société Penn Ar Bed ;

- il y a violation de la réglementation relative aux aides économiques ; la région Bretagne n'établit pas que le versement d'une subvention de 3,5 millions d'euros, la mise à disposition gracieuse de 6 navires, des gares, des locaux et du matériel constituent seulement la compensation nécessaire à l'exécution du service public, et non un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport aux autres concurrentes, alors au surplus que les contraintes de service public ne représentent que 21 % de l'activité du délégataire ;

- il y aura également lieu d'enjoindre à la région Bretagne de communiquer " tous les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation " ;

Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 12 décembre 2012, présenté pour la société Finist'Mer ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er février 2013, présenté pour la région Bretagne, qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- les conclusions à fins d'injonction et de communication de pièces sont irrecevables ; en dehors des cas prévus aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; il ne peut être adressé des injonctions que pour assurer l'exécution de la chose jugée et pas à titre principal ; la demande de communication de pièces est couverte d'une irrecevabilité manifeste en raison de l'absence de saisine préalable de la commission d'accès aux documents administratifs ;

- la nouvelle AOT a été accordée au département du Finistère à compter du 1er janvier 2012 et non directement à la société délégataire Penn Ar Bed ; Finist'Mer, qui ne s'était pas portée candidate à l'attribution de la délégation de service public de desserte des îles passée par le département, n'a contesté ni la délibération attribuant ce contrat à la société Penn Ar Bed, ni celle autorisant la signature de l'avenant n° 7 qu'elle produit à l'appui de son mémoire du 12 décembre 2012 ; que ces actes sont définitifs et sans lien direct avec la décision contestée du 7 juin 2010 refusant le renouvellement de l'AOT à Finist'Mer ; que les développements relatifs à la délégation de service public au profit de Penn Ar Bred doivent ainsi être écartés comme inopérants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de Me C..., substituant Me Quimbert, avocat de la société Finist'Mer ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Lahalle, avocat de la région Bretagne ;

1. Considérant que, par une convention de mise à disposition temporaire du 21 janvier 2010, la région Bretagne a autorisé la société Finist'Mer compagnie maritime à occuper des locaux dont la région est propriétaire, d'une superficie de 163 m², situés au droit du quai est du 1er bassin - 1er Eperon du port maritime de Brest dans lesquels la société Finist'Mer compagnie maritime avait fixé son siège social ; que la mise à disposition de ces locaux a pris fin le 31 décembre 2010 ; que, par une ordonnance du 1er août 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, sur la demande de la région Bretagne, enjoint à la société Finist'Mer compagnie maritime de libérer ces locaux dans le délai d'un mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ; que le pourvoi formé contre cette ordonnance a fait l'objet d'un refus d'admission par le Conseil d'Etat le 11 janvier 2012 ; que la société Finist'Mer compagnie maritime interjette appel du jugement en date du 27 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2010 par laquelle la région Bretagne a refusé le renouvellement de la convention d'occupation temporaire des locaux dont elle bénéficiait au 1er Eperon du port de commerce de Brest, ainsi que de la décision du 2 mars 2011 rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'aucun principe n'impose à l'autorité gestionnaire du domaine public, lorsque, comme en l'espèce, elle prend, dans l'intérêt de ce domaine, une mesure qui ne revêt pas le caractère d'une sanction, de respecter une procédure contradictoire ; que, par suite, les décisions par lesquelles la région Bretagne a refusé de renouveler l'autorisation d'occupation du domaine public dont bénéficiait la société Finist'Mer compagnie maritime ont pu légalement être prises sans que cette dernière ait été invitée à présenter ses observations ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les décisions de la région Bretagne auraient été prises selon une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, d'une part, que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine ou à l'utiliser en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation ou cette utilisation soit compatible avec son affectation et sa conservation ; que la décision de refuser une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la dépendance occupée par la société Finist'Mer compagnie maritime n'était pas utilisée conformément à sa destination et à sa vocation opérationnelle, dès lors qu'elle servait de lieu de stockage et n'était pas affectée au transport des passagers et des marchandises ; que la région Bretagne souhaitait valoriser son domaine public, en procédant à une réorganisation du 1er Eperon en incorporant la dépendance domaniale au terminal passager géré par le conseil général du Finistère afin d'assurer une meilleure desserte des îles finistériennes, tout en améliorant la sécurité des passagers et les conditions de travail des salariés du délégataire de service public ; que, par suite, le non renouvellement de l'autorisation d'occupation temporaire consentie à la société Finist'Mer compagnie maritime était justifié par un motif d'intérêt général et proportionné aux objectifs poursuivis par la région Bretagne ; qu'il était ainsi loisible à la collectivité publique, dans le respect du principe d'égalité, de ne pas autoriser un usage privatif du domaine public, sans que puisse être opposé à ce refus aucun droit, fondé sur le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, à exercer une activité économique sur ce domaine ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, que la société Finist'Mer compagnie maritime n'exerçait, depuis 2006, aucune activité de transport de personnes et de marchandises en direction des iles finistériennes depuis le 1er Eperon du port de Brest ; que, dans ces conditions, en l'absence de concurrence effective avec l'activité de la société Penn Ar Bed, qui avait notamment pour mission d'assurer une liaison permanente avec les îles de Molène, Ouessant et Sein, la société Finist'Mer compagnie maritime, qui n'envisage pas de desservir à nouveau cette ligne, n'est pas fondée à soutenir que le refus de renouvellement de son autorisation d'occupation temporaire méconnaitrait les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdisant les pratiques anticoncurrentielles ou porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi ;

6. Considérant, enfin, qu'il est constant que la société Finist'Mer compagnie maritime ne s'est pas portée candidate pour l'attribution de la délégation de service public de desserte des îles de Molène, Ouessant et Sein, ni n'a contesté le contrat attribuant cette délégation à la société Penn Ar Bed ; que si la société critique les conditions d'attribution de la délégation de service public consentie par le conseil général du Finistère au profit de son concurrent, qu'elle estime trop avantageuses, les moyens qu'elle fait ainsi valoir sont inopérants quant à la légalité des décisions lui refusant le renouvellement de sa propre occupation du domaine public ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à la mesure d'instruction sollicitée, que la société Finist'Mer compagnie maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Finist'Mer compagnie maritime demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Finist'Mer compagnie maritime une somme de 2 000 euros au profit de la région Bretagne au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Finist'Mer compagnie maritime est rejetée.

Article 2 : La société Finist'Mer compagnie maritime versera à la Région Bretagne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Finist'Mer compagnie maritime et à la région Bretagne.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2014.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 12NT01618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01618
Date de la décision : 17/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : QUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-17;12nt01618 ?
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