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28/03/2014 | FRANCE | N°13NT01755

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 mars 2014, 13NT01755


Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me Ousseni, avocat au barreau de Mayotte, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106613 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2011 ;

3°) d'ordonner au ministre de l'inté

rieur de faire droit à sa demande de naturalisation ou, à défaut, de la réexaminer...

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par Me Ousseni, avocat au barreau de Mayotte, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106613 du 12 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2011 ;

3°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation ou, à défaut, de la réexaminer, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

il soutient que :

- le jugement repose sur des erreurs de droit et de fait ;

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- le requérant répond parfaitement aux conditions requises pour la naturalisation ;

- la délivrance d'un titre de séjour emporte validation rétroactive de la période antérieure

de séjour irrégulier ; le seul motif tiré d'un tel séjour irrégulier ne peut suffire à lui seul à justifier le refus de nationalité française ;

- son loyalisme est avéré ; le séjour irrégulier entre 1993 et 2003 n'est pas de nature à le remettre en cause ; il est sans rapport avec l'appréciation du loyalisme du postulant ;

- le ministre a commis une erreur de fait en estimant que le postulant est demandeur d'emploi depuis 2010 et que ses ressources ne sont constituées que de prestations sociales ;

- repose également sur une erreur de fait le motif selon lequel l'enfant Rachja Said A...Haykal aurait été introduit en France en dehors de la procédure de regroupement familial ;

- le refus en l'espèce contesté méconnaît l'article 3 § 1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- il s'en remet à l'appréciation de la cour quant à la régularité du jugement ;

- il n'entend pas contester le jugement en ce qu'il a estimé que les motifs tirés de la méconnaissance de la procédure de regroupement familial et de la précarité de la situation économique et matérielle du postulant sont entachés d'erreurs de fait ;

- le moyen tiré d'une erreur de droit sera écarté ;

- le requérant ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 16 octobre 2012 ;

- il a séjourné en France de manière irrégulière entre 1993 et le 19 mai 2003 ;

- pour le surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2014 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, ainsi que le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France ;

2. Considérant que, pour rejeter, par la décision contestée du 26 avril 2011, la demande de naturalisation présentée par M. B... A..., ressortissant comorien, le ministre s'est fondé sur les circonstances, d'une part, qu'il avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français entre 1996 et 2003, d'autre part, qu'il avait introduit en France son enfant Rachfa hors du cadre de la procédure de regroupement familial, et, enfin, qu'il est demandeur d'emploi depuis 2010 et que ses ressources ne sont constituées que de prestations sociales ;

3. Considérant, en premier lieu, que les premiers juges ont estimé que les motifs de la décision contestée tirés de ce que le postulant a introduit en France un enfant mineur sans observer la procédure de regroupement familial et de ce qu'il est demandeur d'emploi depuis 2010, ses ressources n'étant constituées que de prestations sociales, sont entachés d'erreurs de fait ; que, devant la cour, le ministre fait valoir qu'il n'entend pas, sur ces points, contester l'appréciation des premiers juges ;

4. Considérant, en second lieu, que si le ministre peut sans erreur de droit opposer le motif tiré d'un séjour irrégulier pour ajourner ou rejeter la demande de naturalisation du postulant, il ne saurait, en l'absence de toute autre circonstance, retenir ce seul motif lorsque l'ancienneté des faits est telle qu'elle est de nature à entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... A...a séjourné irrégulièrement sur le territoire français entre les mois de septembre 1993 et de mai 2003, soit pendant près de dix ans ; qu'il séjourne régulièrement sur ce territoire depuis le 19 mai 2003 ; qu'eu égard à l'ancienneté de ces faits, dont le terme remonte à près de huit ans à la date de la décision contestée, ils n'étaient pas à eux seuls de nature à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le rejet de la demande de l'intéressée ; qu'ainsi, le troisième motif de la décision contestée n'était pas propre, à lui seul, à la justifier légalement ; qu'en conséquence, le ministre n'aurait pu légalement, en se fondant sur ce seul motif, prendre la même décision, dont, par suite, M. B... A...est fondé à demander l'annulation ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer

sur les autres moyens de la requête, M. B... A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que l'annulation de la décision du 26 avril 2011 n'implique pas nécessairement qu'il soit fait droit à la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B... A... ; qu'il y a lieu d'ordonner au ministre de l'intérieur de réexaminer cette demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... A...d'une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article R. 761-1 du même code ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 mars 2013 et la décision du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration du 26 avril 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de naturalisation présentée par M. B... A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mars 2014.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINE Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01755
Date de la décision : 28/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : OUSSENI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-03-28;13nt01755 ?
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