Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour la société ERDF, dont le siège social est situé 102 Terrasse Boieldieu Tour Winterthur à Paris La Défense (92085), représentée par MeA... ; la société ERDF demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire d'un montant de 56 582,79 euros émis à son encontre par le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire le 4 octobre 2012 correspondant à l'application de pénalités et de le décharger de l'obligation de payer cette somme ;
2°) d'annuler ce titre exécutoire et de lui accorder la décharge de l'obligation de payer la somme de 56 582,79 euros ;
3°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le tribunal, qui a interprété les stipulations contractuelles sans rechercher la commune intention des parties, n'a pas suffisamment motivé son jugement ;
- les pénalités dont il a admis le bien-fondé ont été appliquées dans un cas qui n'est prévu ni par l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ni par le contrat ;
- elle n'est tenue de rédiger des fiches que pour les principaux incidents et ne dispose plus des fiches d'incident et des comptes rendus d'intervention portant sur les années 2000 à 2003 ; l'utilité de la communication de ces informations n'est pas démontrée ;
- le titre exécutoire et les documents qui y sont annexés ne permettent pas de déterminer de manière exacte le montant des pénalités ; l'origine de la créance est définie de manière contradictoire par le titre exécutoire et par le procès-verbal du syndicat du 15 avril 2011 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2014, présenté pour le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire, par Me C... ; le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la société ERDF le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le titre exécutoire et les pièces qui y ont été annexées précisent de manière suffisante les bases de liquidation de la créance, lesquelles avaient en outre été portées préalablement à la connaissance de la société ;
- les fiches d'incident et les comptes rendus d'intervention font partie des documents dont la communication peut être demandée sur le fondement de l'article 32 A du cahier des charges ;
- la clarté de cette stipulation fait obstacle à l'interprétation par le juge de la volonté des parties ;
- la communication des documents demandés lui était utile eu égard à la gravité de l'incident à l'origine de sa demande ;
- dans le silence du contrat, l'autorité délégante peut demander la communication de tous les documents nécessaires à l'exercice de son pouvoir de contrôle ;
- la commission d'accès aux documents administratifs a considéré que sont communicables aux tiers certains documents détenus par les organismes privés chargés de la gestion d'un service public ; de tels documents sont donc communicables, par analogie, à l'autorité délégante ;
- l'utilité de la communication résulte du nombre et de la gravité des incidents qui se sont produits et qui lui ont été systématiquement cachés par son cocontractant ;
- la société n'établit pas être dans l'impossibilité de communiquer ceux des documents demandés qui ne l'ont pas été ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2014, présenté pour la société ERDF qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2014, présenté pour le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire qui maintient ses conclusions en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
- les observations de Me A...pour la société ERDF ;
- et les observations de Me C... pour le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire ;
1. Considérant que la société ERDF (Electricité Réseau Distribution France) demande l'annulation du jugement du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire d'un montant de 56 582,79 euros émis à son encontre par le syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire (SIEIL) le 4 octobre 2012 correspondant à l'application de pénalités mises à sa charge sur le fondement de l'article 32 du cahier des charges annexé au contrat de concession qu'elle a conclu avec le syndicat le 25 novembre 1992 et à la décharge de l'obligation de payer cette somme ;
Sur le bien-fondé des pénalités appliquées :
2. Considérant qu'un incident électrique est survenu le 8 février 2011 dans le lotissement le Vert Village sur le territoire de la commune de La Membrolle-sur-Choisille (Indre-et Loire) et a conduit à l'hospitalisation en urgence de deux personnes à la suite de l'émanation de gaz toxique provoquée par un câble électrique souterrain dont l'enveloppe s'est consumée ; qu'à la suite de cet incident, le président du SIEIL a demandé à la société ERDF, par une lettre en date du 21 février 2011, de lui communiquer " toutes les fiches d'incident et les comptes rendus d'intervention de ses services techniques sur cette zone depuis les 10 dernières années " ; que la société ERDF n'ayant pas déféré à cette demande, l'agent du contrôle communal des distributions d'énergie a demandé, par lettre du 16 mars 2011, que ces documents lui soient fournis dans un délai de deux semaines et a indiqué qu'à défaut il pourrait être amené à dresser un procès-verbal de constat d'entrave à l'exercice du contrôle ; que la société ERDF n'ayant toujours pas déféré à cette demande, un tel procès-verbal a été dressé le 15 avril 2011 ; que le 30 juin 2011, la société ERDF a indiqué au SIEIL qu'elle ne pouvait pas lui transmettre ces documents sous forme papier, dans la mesure où ils n'étaient pas conservés par ses services mais qu'en revanche, tous les incidents faisaient l'objet d'un traitement informatique permettant un stockage des informations dans ses bases de données, ce qui lui a permis de les restituer au syndicat depuis l'exercice 2003 ; que cette lettre précisait que le syndicat avait donc en sa possession sept années d'historique concernant les incidents sur le périmètre de la concession ; que le SIEIL avait émis trois titres exécutoires les 5 mai 2011, 6 juin 2011 et 9 août 2011 par lesquels il avait mis à la charge de la société ERDF les pénalités de retard prévues au D de l'article 32 du cahier des charges annexé au contrat de concession ; que ces trois titres exécutoires ayant été annulés par le tribunal administratif d'Orléans, par un jugement définitif du 8 mars 2012, au motif qu'ils n'indiquaient pas les bases de liquidation des créances revendiquées par le syndicat, celui-ci a émis, le 4 octobre 2012, le titre exécutoire contesté par lequel il met à la charge de la société ERDF sur le même fondement des pénalités s'élevant par jour à 533,80 euros et calculées sur une période allant du 17 mars 2011 au 30 juin 2011 ;
3. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 32 du cahier des charges annexé au contrat de concession conclu entre la société requérante et le SIEIL relatives au " contrôle et compte rendu annuel " : " A - Les agents de contrôle désignés par l'autorité concédante peuvent à tout moment procéder à toutes vérifications utiles pour l'exercice de leur fonction, et en particulier effectuer les essais et mesures prévus au présent cahier des charges, prendre connaissance sur place, ou copie, de tous documents techniques ou comptables./ (...) / D - En cas de non-production des documents prévus au présent article dans les conditions définies par celui-ci et après mise en demeure par l'autorité concédante, (...) le concessionnaire devra verser à celle-ci une pénalité égale, par jour de retard à compter de la date de la mise en demeure, à un millième du montant (...) " ; que les documents demandés à la société ERDF par le président du syndicat par un courrier du 21 février 2011, à la suite de l'émanation de gaz survenue le 8 février 2011, sont les fiches d'incident et les comptes rendus d'intervention de ses services techniques dans cette zone au cours des dix dernières années ; que cette demande, qui a initialement été présentée par le président du syndicat et alors même qu'elle l'a ensuite été par un agent de contrôle, ne s'inscrit pas dans le cadre du contrôle et du compte rendu annuel sur lequel porte exclusivement l'article 32 du cahier des charges mais vise à obtenir de la société ERDF, dans le cadre d'une enquête diligentée à la suite d'un accident, la délivrance de copies de documents qu'elle détient ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme relevant des stipulations précitées du point A de l'article 32 du cahier des charges ; qu'il suit de là que le régime de pénalités prévu par le point D du même article, qui est d'interprétation stricte, ne pouvait être mis en oeuvre pour sanctionner le retard avec lequel les fiches d'incident et les comptes rendus d'intervention ont été communiqués ;
4. Considérant que si le syndicat est en droit d'obtenir la communication de ces documents, dans la mesure où ils existent et s'ils contiennent des informations utiles, sur le fondement de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales qui prévoit notamment que " Chaque organisme de distribution d'électricité et de gaz tient à la disposition de chacune des autorités concédantes précitées dont il dépend les informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique utiles à l'exercice des compétences de celle-ci ", le non respect de l'obligation de communication ainsi prévue par le législateur n'est assorti d'aucune sanction et ne peut donner lieu à l'application des pénalités prévues par le contrat dans des cas limitativement énumérés par ses stipulations ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la société ERDF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 4 octobre 2012 et à la décharge de l'obligation de payer des pénalités d'un montant de 56 582,79 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que soit mis à la charge de la société ERDF, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au SIEIL de la somme qu'il demande à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du syndicat et au même titre le versement à la société ERDF de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire émis à l'encontre de la société ERDF le 4 octobre 2012 et le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 avril 2013 sont annulés.
Article 2 : La société ERDF est déchargée de l'obligation de payer la somme de 56 582,79 euros.
Article 3 : Le syndicat intercommunal d'électricité d'Indre-et-Loire versera à la société ERDF la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du syndicat intercommunal d'électricité d'Indre-et-Loire tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société ERDF et au syndicat intercommunal d'énergie d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Bachelier, président de la cour,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M.B..., faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2014.
Le rapporteur,
S. AUBERTLe président,
G. BACHELIER
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01974 2
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