Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2013, présentée pour la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et le centre départemental des jeunes agriculteurs du Finistère, représentés par leurs présidents en exercice et dont le siège est maison de l'agriculture, 5 allée Sully à Quimper (29322), par Me Barbier, avocat, qui demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003738 du 29 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 par lequel le préfet du Finistère a modifié son arrêté du 28 juillet 2009 relatif au quatrième programme d'action à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre les nitrates d'origine agricole ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Finistère du 21 juillet 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- les dispositions de l'article R. 211-81 du code de l'environnement ne constituent pas la base juridique réelle de l'arrêté du 21 juillet 2010 ;
- ce dernier a été pris pour l'application des 5° et 8° du II de l'article L. 211-3 du code de l'environnement, issus de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ;
- les territoires concernés par l'arrêté attaqué correspondent, non aux zones vulnérables mentionnées à l'article R. 211-75 du code de l'environnement, ni même à des zones d'excédent structurel au sens de l'article R. 211-82, mais à des bassins versants désignés au chapitre 10 du SDAGE Loire-Bretagne où des échouages d'algues vertes sur les plages ont été constatés en 2008 ;
- l'article 7-1 de l'arrêté a pour objet de mettre en oeuvre le dispositif de déclaration annuelle des flux d'azote prévu au 8° de l'article L. 211-3 du code de l'environnement ;
- l'arrêté contesté est intervenu avant l'entrée en vigueur des décrets en Conseil d'Etat mentionnés à l'article L. 211-3 et pris pour l'application des 5° et 8° de son II ;
- cet arrêté va au-delà de ce qu'autorise l'article L. 211-3 dès lors qu'outre la déclaration annuelle des quantités d'azote répandues ou cédées, il prévoit aussi une limitation des apports azotés toutes origines confondues et une réduction des périodes d'épandage autorisées sur les bassins versants concernés ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu l'ordonnance du 19 mai 2014 fixant la clôture de l'instruction au 16 juin 2014 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- il s'en remet tout d'abord aux observations présentées en première instance par le préfet ;
- l'arrêté contesté trouve son fondement dans les dispositions de l'article R. 211-81 du code de l'environnement ;
- les zones définies par cet arrêté font partie des zones vulnérables ;
- la circonstance qu'il vise la loi du 12 juillet 2010 est sans incidence ;
- il a pu être pris sans attendre l'intervention des décrets prévus par l'article L. 211-3 modifié du code de l'environnement et a pu tout aussi légalement prévoir des mesures autres que celles énoncées par cet article ;
- dès lors, les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit ;
Vu l'ordonnance du 16 juin 2014 décidant la réouverture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 91/76/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
Vu l'arrêté du 6 mars 2001 relatif aux programmes d'action à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d'origine agricole ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2014 :
- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Barbier, avocat de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et du centre départemental des jeunes agriculteurs du Finistère ;
1. Considérant que, par un arrêté du 28 juillet 2009, le préfet du Finistère a établi le quatrième programme d'action à mettre en oeuvre dans ce département en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole ; que, par un arrêté du 21 juillet 2010, ce préfet a modifié et complété ce programme, pour y ajouter une partie relative aux actions renforcées applicables en " bassins versants algues vertes ", actions formant l'objet de l'article 7 de l'arrêté du 28 juillet 2009 ainsi complété ; que cet article 7 comporte un point 7.1, relatif à la déclaration des flux d'azote, un point 7.2, relatif à la limitation des apports azotés, toutes origines confondues et un point 7.3, relatif au recul des dates de début de période d'épandage ; que la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et le centre départemental des jeunes agriculteurs du Finistère relèvent appel du jugement du 29 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 21 juillet 2010 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / (...) / 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques (...) / qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; / (...) / II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " I. - Les règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. / II. - Elles fixent : / 1° Les normes de qualité et les mesures nécessaires à la restauration et à la préservation de cette qualité, en fonction des différents usages de l'eau et de leur cumul ; / (...) / 3° Les conditions dans lesquelles peuvent être : / a) Interdits ou réglementés les déversements, écoulements, jets, dépôts directs ou indirects d'eau ou de matière et plus généralement tout fait susceptible d'altérer la qualité des eaux et du milieu aquatique ; / b) Prescrites les mesures nécessaires pour préserver cette qualité (...) " ; que l'article L. 211-3 de ce code, dans sa rédaction à la même date, telle que modifiée notamment par l'article 108 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : dispose : " I. - En complément des règles générales mentionnées à l'article L. 211-2, des prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire sont fixées par décret en Conseil d'Etat afin d'assurer la protection des principes mentionnés à l'article L. 211-1. / II. - Ces décrets déterminent en particulier les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut : / (...) / 5° Délimiter, le cas échéant après qu'elles ont été identifiées dans le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques prévu par l'article L. 212-5-1, des zones où il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur, les bassins versants connaissant d'importantes marées vertes sur les plages, tels que définis par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, et sont dès lors de nature à compromettre la réalisation des objectifs de bon état, tels que prévus par l'article L. 212-1, des eaux côtières et de transition, telles que définies par la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qu'ils alimentent, ainsi que des zones dans lesquelles l'érosion diffuse des sols agricoles est de nature à compromettre la réalisation des objectifs de bon état ou, le cas échéant, de bon potentiel prévus par l'article L. 212-1, et y établir, dans les conditions prévues au 4° du présent article, un programme d'actions à cette fin ; / (...) / 8° Délimiter des bassins connaissant d'importantes marées vertes sur les plages, tels que définis par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et qui sont dès lors de nature à compromettre la réalisation des objectifs de bon état des masses d'eau, et y rendre obligatoire une déclaration annuelle des quantités d'azote de toutes origines épandues ou cédées ainsi que des lieux d'épandage. Cette obligation vise tout utilisateur ou producteur d'azote, d'origine organique ou minérale, et notamment les exploitants agricoles exerçant les activités mentionnées à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, les gestionnaires publics et privés d'équipements de traitement d'effluents et de déchets, les utilisateurs d'engrais ou d'amendements azotés dans le cadre de services publics gérés dans les conditions prévues aux articles L. 1411-1 et suivants, L. 1412-1 et suivants et L. 1415-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. / (...) " ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 211-80 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur au 21 juillet 2010 : " Dans chacune des zones vulnérables délimitées conformément aux dispositions des articles R. 211-75 et R. 211-77, ou parties de zones vulnérables, l'utilisation des fertilisants organiques et minéraux, naturels et de synthèse contenant des composés azotés, ci-après dénommés fertilisants azotés, ainsi que les pratiques agricoles associées font l'objet d'un programme d'action. (...) " ; qu'aux termes de l'article 211-81 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le programme d'action relatif à une zone ou partie de zone vulnérable comporte les mesures et actions nécessaires à une bonne maîtrise de la fertilisation azotée et à une gestion adaptée des terres agricoles dans cette zone, en vue de limiter les fuites de composés azotés à un niveau compatible avec les objectifs de restauration et de préservation, pour le paramètre nitrates, de la qualité des eaux superficielles et souterraines. / II. - Ce programme tient compte de la situation locale et de son évolution, notamment de la teneur en nitrates des eaux superficielles et souterraines, des systèmes de production et des pratiques agricoles, du degré de vulnérabilité du ou des aquifères concernés et de la présence de nitrates de provenances autres qu'agricoles. / III. - Il est élaboré à partir d'un diagnostic tenant compte entre autres des données scientifiques et techniques disponibles et des résultats connus du programme d'action précédent. Le choix des modalités envisageables pour chaque mesure ou action tient compte de leur efficacité et de leur coût. / IV. - Il fixe : / 1° Le cas échéant, des prescriptions relatives à l'établissement des plans de fumure et à la tenue par chaque exploitant d'un ou plusieurs cahiers d'épandage des fertilisants azotés ; / 2° La quantité maximale d'azote contenu dans les effluents d'élevage pouvant être épandue annuellement par chaque exploitation, y compris les déjections des animaux eux-mêmes ; cette quantité ne peut être supérieure à 170 kg d'azote par hectare de surface agricole utile, déduction faite des surfaces où l'épandage est interdit ; / 3° Les modalités d'épandage à respecter pour assurer l'équilibre de la fertilisation azotée de chaque parcelle, y compris les adaptations liées à la présence de cultures irriguées ; / 4° Les périodes d'interdiction d'épandage de fertilisants azotés ; / 5° Les conditions particulières de l'épandage des fertilisants azotés, liées à la proximité des eaux de surface, à l'existence de fortes pentes, à des situations où les sols sont détrempés, inondés, gelés ou enneigés ; / 6° Les prescriptions relatives à la capacité de stockage des effluents d'élevage, qui doit être suffisante pour que soient respectées en toutes circonstances les prescriptions relatives à l'épandage de ces effluents, compte tenu des possibilités de les traiter et de les éliminer ; / 7° Les modalités relatives à une gestion adaptée des terres, si nécessaire ; / 8° Toute autre mesure utile répondant aux objectifs et aux critères ci-dessus, notamment la limitation des apports azotés minéraux ; / 9° Les actions renforcées prévues aux articles R. 211-82 et R. 211-83, le cas échéant. / V. - Un arrêté pris conjointement par les ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé précise la méthodologie d'élaboration et le cadre technique des programmes d'action " ;
4. Considérant qu'il ressort de l'arrêté du préfet coordinateur du bassin Loire-Bretagne du 27 août 2007 portant délimitation des zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole dans le bassin Loire-Bretagne que les bassins versants à algues vertes du Finistère énumérés à l'annexe 16 de l'arrêté du 28 juillet 2009 modifié par l'arrêté contesté ainsi que cartographiés à l'annexe 17 sont au nombre des zones de ce département vulnérables à ces nitrates ; que, dès lors, l'arrêté contesté du 21 juillet 2009 trouve sa base légale dans les dispositions précitées de l'article R. 211-81 du code de l'environnement, lesquels, contrairement à ce que soutiennent les requérants, autorisaient le préfet, dans le cadre du programme d'action, d'une part, à fixer les périodes d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés et ainsi à reculer les dates de début des périodes d'épandage et, d'autre part, à fixer toutes autres mesures utiles répondant aux objectifs et aux critères énoncés aux I à III de cet article, notamment la limitation des apports azotés minéraux, et, à cette fin, à instituer une obligation de déclaration annuelle des quantités d'azote produites et échangées comme à limiter les quantités d'apports azotés, toutes origines confondues ; que la circonstance que l'arrêté contesté vise la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ainsi que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne, auquel l'inventaire des zones vulnérables est d'ailleurs annexé conformément à l'article R. 211-77 du code de l'environnement, est sans influence sur la légalité de cet arrêté ; que, dès lors, le moyen selon lequel il ne pourrait trouver son fondement dans les dispositions précitées du 5° et du 8° du II de l'article L. 211-3 du code de l'environnement, dans leur rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010, ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et le centre départemental des jeunes agriculteurs du Finistère ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'en outre, il y a lieu de laisser les dépens de l'instance à la charge des requérants ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère et du centre départemental des jeunes agriculteurs du Finistère est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère, au centre départemental des jeunes agriculteurs du Finistère et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Piltant, premier conseiller,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 décembre 2014.
Le rapporteur,
A. DURUP de BALEINELe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01521 2
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