Vu le recours, enregistré le 11 février 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004617 du 11 octobre 2012 en tant que le tribunal administratif de Nantes a prononcé la restitution à M. A...B...d'une somme de 91 777,50 euros résultant du plafonnement des impôts directs à 50 % des produits (183 555 euros) perçus par M. et Mme B...en 2006 du contrat dit Sequoia souscrit auprès de la Banque Nationale de Paris ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme B...la somme de 35 077 euros que l'administration leur a restituée en exécution de ce jugement ;
il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. B...était recevable à effectuer par voie de réclamation des demandes de restitution complémentaires jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant la décision n° 321416 du 13 janvier 2010 du Conseil d'Etat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2013, et les pièces enregistrées le 5 juillet 2013, présentés pour M. A...B...par Me Coste, avocat ; il conclut au rejet du recours et par la voie de l'appel incident demande la réformation du jugement en tant qu'il ne lui a pas donné totalement satisfaction ;
il soutient que :
- c'est à bon droit que les demandes de restitution complémentaires ont été regardées comme recevables ;
- c'est à tort en revanche que le tribunal a estimé que les revenus issus du contrat "Privilège Plus" auprès de la BNP Paribas devaient être pris en compte dans les revenus réalisés pour le calcul du montant à restituer dès lors que ce contrat est un contrat mono-support et non multi-supports ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 août 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut comme précédemment et au rejet des conclusions d'appel incident présentées pour M.B... ;
il soutient que :
- c'est au prix d'une contradiction de motifs que le tribunal a partiellement fait droit à la demande des contribuables alors que ceux-ci n'ont jamais évoqué la restitution au titre du bouclier fiscal de la somme de 183 555 euros correspondant au contrat d'assurance vie Séquoia n° 00313825 souscrit auprès de la Société Générale ;
- les conclusions tendant à la prise en compte de sommes de 35 077,50 euros et 36 503,30 euros au titre des années 2008 et 2009 ne sont pas recevables ;
- les conclusions d'appel incident ne sont pas plus recevables dès lors que les contribuables ont partiellement obtenu satisfaction ;
- en tout état de cause, les conclusions de M. B...ne sont pas fondées dès lors que le contrat BNP "Privilège Plus" est un contrat mono-support ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 octobre 2013, présenté pour M.B... ; il persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
il soutient, en outre, que le recours du ministre n'est pas recevable dès lors qu'il ne peut pas demander au juge d'appel que la somme de 35 077,50 euros qu'il a dégrevée le 8 novembre 2012 soit remise à sa charge ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 22 novembre 2013 présenté par le ministre des finances et des comptes publics ; il persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que :
- son recours est recevable dès lors que le dégrèvement du 8 novembre 2012 est intervenu en exécution du jugement attaqué ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en accordant la restitution à M. B...résultant de l'exclusion dans ses revenus de la somme de 183 555 euros soit le produit du contrat Sequoia souscrit auprès de la société générale dès lors que M. B...n'avait pas saisi le tribunal d'une telle demande ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 14 janvier 2014, présenté pour M.B... ; il persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
il soutient en outre que le moyen tiré de ce que le tribunal a statué ultra petita n'est pas recevable dès lors qu'il a été soulevé au-delà du délai d'appel et n'est pas d'ordre public ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 6 février 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui persiste dans ses conclusions et fait savoir que le dernier mémoire de M. B...n'appelle pas d'observations particulières de sa part ;
Vu le mémoire de production de pièces, enregistré le 14 novembre 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :
- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de Me Lemoine, avocat, représentant M.B... ;
1. Considérant que M. et Mme B... ont demandé, les 29 septembre 2008 et 27 avril 2009, à bénéficier du plafonnement de leurs impôts directs à hauteur de 50 % de leurs revenus au titre des années 2006 et 2007 en application de l'article 1649-0 A du code général des impôts ; que les 18 décembre 2008 et 28 juillet 2009, l'administration fiscale a fait droit à ces demandes en incluant toutefois dans le montant des revenus de l'année 2006 les produits, s'élevant à la somme de 183 555 euros, du contrat d'assurance-vie dit "Sequoia" souscrit par M. B...auprès de la Société Générale et dans les montants des années 2006 et 2007 les produits, s'élevant aux sommes de 70 155 euros et 73 006,71 euros du contrat d'assurance-vie dit "Privilège Plus" souscrit auprès de la BNP Paribas ; qu'après l'annulation, par le Conseil d'Etat, par décision n° 321416, le 13 janvier 2010, des alinéas 2 à 5 du paragraphe 34 ainsi que du paragraphe 38 de l'instruction 13 A-I-08 publiée au bulletin officiel des impôts n° 83 du 26 août 2008 dont l'administration a fait application pour inclure dans leurs revenus les produits de leurs contrats d'assurance-vie, M. et Mme B...ont présenté le 16 mars 2010 deux demandes tendant à la restitution des sommes de 35 077,50 euros et 36 503,30 euros, soit la somme totale de 71 580,80 euros, représentant 50 % des intérêts qu'ils ont perçus du contrat dit "Privilège Plus" ; que ces demandes de restitution ayant été rejetées par l'administration le 6 mai 2010 au motif qu'elles avaient été présentées après expiration du délai de réclamation spécifique prévu par l'article 1649-0 A du code général des impôts, M. B...a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la restitution de cette somme ; que, par l'article 1er du jugement du 11 octobre 2012, le tribunal a considéré que la demande de restitution de M. B... en date du 16 mars 2010 était recevable et a prononcé la restitution résultant de l'exclusion des revenus de l'année 2006 des produits du contrat dit "Sequoia" souscrit auprès de la Société Générale en raison de son caractère de contrat multi-supports ; que le ministre délégué chargé du budget relève appel dans cette mesure de ce jugement ; qu'en revanche, le tribunal, considérant que le contrat dit "Privilège Plus" souscrit auprès de la Société Générale était un contrat mono-support, a rejeté par l'article 2 du même jugement le surplus de la demande de M. B... ; que celui-ci demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de cet article 2 ;
Sur la recevabilité du recours :
2. Considérant que contrairement à ce que soutient M.B..., le dégrèvement que le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire lui a accordé le 8 novembre 2012 est intervenu en exécution du jugement attaqué ; que M. B...n'est en conséquence en tout état de cause pas fondé à soutenir que le ministre n'est pas recevable à demander que la somme qu'il a ainsi dégrevée soit remise à la charge du contribuable ;
Sur le bien-fondé de l'impôt :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : "Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir (...) le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / (...) / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à (...) la réduction d'une imposition (...) fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle (...), l'action en restitution des sommes versées (...) ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision (...) révélant la non-conformité est intervenu[e]. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles (...) les décisions du Conseil d'Etat (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : "Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation / (...)" ;
4. Considérant qu'une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux qui révèle l'illégalité d'une instruction fiscale ne révèle pas la non-conformité d'une règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : "Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. / Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A" ; qu'aux termes de l'article 1649-0 A de ce code, dans sa rédaction alors applicable : "1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. / (...) 4. Le revenu à prendre en compte pour la détermination du droit à restitution s'entend de celui réalisé par le contribuable, à l'exception des revenus en nature non soumis à l'impôt sur le revenu en application du II de l'article 15. (...) / 8. Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4 (...)" ;
6. Considérant qu'une demande de restitution de la fraction des impositions qui excède 50 % des revenus constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que le délai particulier prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts pour formuler une demande de restitution ne fait pas obstacle à ce que soit invoquée, après l'expiration de ce délai, la réalisation d'un événement qui motive la réclamation, au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les demandes de restitution complémentaire de M. et Mme B...ont été présentées le 16 mars 2010, après l'expiration, le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus en cause, du délai prévu par le 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la décision n° 321416 du 13 janvier 2010 du Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pu constituer la réalisation d'un événement ouvrant un nouveau délai de réclamation ; que, les demandes ayant été présentées tardivement à l'administration fiscale, M. B... n'était pas recevable à réclamer au tribunal une restitution complémentaire au titre du plafonnement de leurs impôts directs à 50 % de leurs revenus des années 2006 et 2007 ; qu'il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce que le tribunal a statué au-delà des conclusions présentées, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a accordé à M. B...la restitution correspondant à l'exclusion dans les revenus de l'année 2006 du montant des produits perçus dans le cadre du contrat dit "Sequoia" souscrit auprès de la Société Générale ;
8. Considérant que les conclusions d'appel incident de M. B...ne peuvent, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1004617 du tribunal administratif de Nantes en date du 11 octobre 2012 est annulé.
Article 2 : La somme de 35 077 euros est remise à la charge de M. et Mme B...au titre de l'année 2006.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de M. B...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Etienvre, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2015.
Le rapporteur,
F. ETIENVRELe président,
F. BATAILLE
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT00429