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19/02/2015 | FRANCE | N°13NT00388

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 février 2015, 13NT00388


Vu la requête, enregistrée le 4 février 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Bouchet-Bossard, avocat au barreau de Brest ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202025 du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) d'ordonner avant-dire-droit un

e expertise afin de déterminer les transfusions sanguines reçues par elle l...

Vu la requête, enregistrée le 4 février 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Bouchet-Bossard, avocat au barreau de Brest ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202025 du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) d'ordonner avant-dire-droit une expertise afin de déterminer les transfusions sanguines reçues par elle lors de ses accouchements en 1980 et 1981 et d'évaluer ses préjudices ;

elle soutient que :

- si elle n'est pas en mesure d'apporter la preuve des transfusions qu'elle a reçues en raison de la destruction de ses dossiers médicaux, elle démontre qu'elle a eu plusieurs accouchements difficiles et, en de telles circonstances, les opérations de transfusions sont fréquentes ;

- une expertise serait utile pour apporter les preuves de la vraisemblance des transfusions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2013, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, par Me Joliff, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la demande indemnitaire présentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère le 20 mai 2011, soit après le 1er juin 2010, n'est pas recevable ;

- l'expertise sollicitée est dépourvue d'utilité faute de tout élément médical existant sur lequel l'expert pourrait exercer sa mission ; les attestations de proches établies pour les besoins de la cause sont dénuées de caractère probant ; la réalité des transfusions n'est corroborée par aucun commencement de preuve ;

- l'existence des transfusions n'étant pas démontrée, Mme A... ne saurait invoquer la présomption d'imputabiblité de sa contamination par le VHC énoncée à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ; il appartient en effet au demandeur de rapporter la preuve de la transfusion même en cas de disparition des archives médicales ;

Vu la mise en demeure adressée le 14 juin 2013 à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 15 avril 2013 admettant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Bouchet-Bossard pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., née le 11 novembre 1954, a été identifiée comme porteuse du virus de l'hépatite C en 2008, alors qu'elle était âgée de 54 ans ; qu'elle impute cette contamination aux transfusions qu'elle aurait reçues à l'occasion de deux accouchements en mai 1980 et avril 1981 à la clinique Saint-Louis à Brest d'une part et au centre hospitalier universitaire de Brest d'autre part ; qu'elle a saisi en 2011 l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'une demande d'indemnisation qui a été rejetée ; qu'elle relève appel du jugement du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté à son tour sa demande indemnitaire ;

2. Considérant que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose que : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. (...) " ; que la présomption légale instituée par cette disposition ne s'applique qu'à la relation de cause à effet entre une transfusion et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée, mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion soupçonnée d'avoir causé cette contamination ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il prétend avoir subie, selon les règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour justifier sa demande, Mme A... fait valoir qu'elle a vécu en 1980 et 1981 des accouchements difficiles qui n'ont pu que nécessiter des transfusions de produits sanguins ; que cependant l'intéressée ne peut se prévaloir, à l'appui de cette affirmation, d'aucune archive ou d'aucun dossier médical ; qu'en effet, la clinique où s'est déroulé le premier accouchement a indiqué, par plusieurs courriers, qu'elle ne disposait d'aucune archive antérieure à 1991 et, qu'en tout état de cause, Mme A... ne figurait pas sur le registre des entrées ; que le docteur Salnelle, praticien de cette clinique, a confirmé que le dossier de Mme A... était introuvable dans les fichiers du docteur Drapier qui avait accouché l'intéressée à plusieurs reprises ; que, par ailleurs, le centre hospitalier universitaire de Brest, dans deux courriers adressés les 5 mars et 18 septembre 2009 par son directeur général, affirme quant à lui que les archives médicales de plus de vingt ans, et en particulier le dossier médical de Mme A..., ont été détruites ; que ni le courrier du docteur Drapier daté du 2 octobre 1985 et adressé à un confrère, ni les extraits des carnets de santé des enfants de Mme A... ne font mention d'aucune difficulté à la naissance ni d'éventuelles transfusions ni même de complications faisant supposer que la patiente aurait pu être transfusée à ces occasions ; que si Mme A... produit deux attestations établies en 2012, au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Rennes, par son mari et un proche de la famille qui affirment que la patiente a été transfusée lors des deux accouchements évoqués plus haut, ces témoignages récents et non circonstanciés ne sont corroborés par aucun propos concordant du personnel médical ou soignant qui aurait participé à la prise en charge de Mme A... ni par aucun autre indice ; que, par suite, faute d'apporter la preuve, qui lui incombe, de la réalité des transfusions qui auraient été réalisées en 1980 et 1981, Mme A... ne peut se prévaloir de la présomption légale instituée par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 pour demander l'indemnisation des préjudices résultant de sa contamination ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère nord.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 février 2015.

Le rapporteur,

F. LEMOINELe président,

I. PERROT

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00388
Date de la décision : 19/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCP BOUCHET-BOSSARD et L'HOSTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-02-19;13nt00388 ?
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