Vu la requête, enregistrée le 25 août 2014, présentée, pour M. E...D..., demeurant..., et Mme F...D..., domiciliée..., par Me Panassac, avocat ;
M. et Mme D...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1209596 du 25 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Dacca du 20 septembre 2011 refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à Mme D...et à leur enfant Jannatul Ferdus ;
2°) d'annuler cette décision du 22 décembre 2011;
3°) d'ordonner à l'Etat, à titre principal de délivrer les visas sollicités, ou à titre subsidiaire de réexaminer les demandes de visa de Mme D...et de l'enfant Jannatul Ferdus, dans les deux cas dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- aucune fraude ne justifie les refus de visas ; ainsi que le reconnaît le Conseil d'Etat, les documents d'état civil délivrés par les autorités bangladaises sont souvent entachés d'irrégularités ; l'acte de naissance de MmeD..., qui n'est pas contesté, permet d'établir sa filiation, son identité et sa date de naissance ; la seule erreur relative au numéro d'identification personnel de Mme D...sur sa carte d'identité ne permet pas de regarder l'identité de celle-ci comme n'étant pas établie ; l'acte de mariage produit est authentique ; le mariage a été célébré le 20 juillet 1996, alors que MmeD..., née le 1er janvier 1976, était âgée de vingt ans ; les documents d'identité produits pour les enfants sont authentiques ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'identité et les liens matrimoniaux et de filiation sont établis ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2014, présenté, par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les documents d'identité de Mme A...et les documents afférents à son mariage avec M. D...sont frauduleux ;
- les documents concernant l'enfant sont également entachés de fraude ;
- dans ces conditions, les visas pouvaient légalement être refusés et, les liens de filiation et matrimoniaux n'étant pas établis, la décision attaquée ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2015, le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller ;
1. Considérant que M. E... D..., de nationalité bangladaise, a obtenu le statut de réfugié en France par décision du 16 juin 2009 de la commission de recours des réfugiés ; que son épouse, Mme F...D..., néeA..., et sa fille, Jannatul Ferdus, ont sollicité des autorités consulaires françaises à Dacca la délivrance de visas d'entrée et de long séjour en France sur le fondement de la procédure dite de " famille rejoignante " d'un réfugié ; que ces visas ont été refusés par décision des autorités consulaires du 20 septembre 2011 et le recours introduit contre ce refus devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par décision du 22 décembre 2011 ; que M. E...D...et Mme F...D...relèvent appel du jugement du 25 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision du 22 décembre 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
3. Considérant que, dans le cadre de la procédure de regroupement familial applicable à un réfugié statutaire, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ;
En ce qui concerne l'enfant Jannatul Ferdus :
4. Considérant que ni la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ni le ministre de l'intérieur ne mettent en doute l'identité de l'enfant Jannatul Ferdus et son lien de filiation avec M. E...D...et ne contestent le caractère authentique de l'acte d'état civil produit à l'appui de sa demande de visa ; qu'au regard de l'ensemble des pièces du dossier, le caractère authentique de cet acte d'état civil ne parait pas contestable ; que dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que, s'agissant de l'enfant Jannatul Ferdus, la décision attaquée est entaché d'erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne Mme F...A..., épouseD... :
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la copie de la nouvelle carte d'identité de MmeD..., si elle mentionne que celle-ci est née le 1er janvier 1976, comporte un numéro dont les quatre premiers chiffres, qui doivent correspondre à l'année de naissance selon la législation bangladaise, sont 1987 et non 1976 ; que par ailleurs, cette nouvelle carte indique que Mme D...serait la fille de M. E...D...et non celle de M. B...C...comme mentionné dans l'acte de mariage produit ; qu'au regard de ces irrégularités, il n'est pas possible de déterminer l'identité de la personne qui se présente comme Mme F...A..., épouseD... ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur d'appréciation doit, s'agissant de Mme F...D..., être écarté ;
6. Considérant en second lieu, qu'à défaut d'établissement de l'identité de Mme F...A...épouseD..., le refus de visa qui lui a été opposé ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2011, en tant qu'elle concerne la demande de visa long séjour pour l'enfant Janatul Ferdus ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la demande de visa long séjour de Jannatul Ferdus, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
9. Considérant en revanche, que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre la décision de refus de visa d'entrée en France en ce qui concerne Mme F...A..., épouseD..., n'implique à son égard aucune mesure d'exécution ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 25 juin 2014 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 22 décembre 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre le refus opposé à la demande de visa long séjour de Mme F...D...et de l'enfant Jannatul Ferdus sont annulés en tant qu'ils concernent ce dernier.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de Jannatul Ferdus dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...D..., à Mme F...D...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mai 2015.
Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02261 2
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