Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2015, présentée pour Mme B... épouseA..., demeurant..., par Me Ilanko, avocat, qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1202978 du 6 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
le jugement attaqué et la décision contestée sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de droit et méconnaissent les dispositions de l'article 21-24 du code civil et de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993 dès lors que la connaissance suffisante de la langue française doit être appréciée selon sa condition, que le ministre est en situation de compétence liée pour apprécier cette connaissance, que sa langue maternelle est très différente du français, qu'elle n'a pas fait d'études, qu'elle est issue d'un milieu défavorisé, qu'il lui est difficile d'apprendre le français et que l'appréciation faite par l'administration à l'aide d'un simple formulaire est défaillante ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 34 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
Vu le jugement attaqué et la décision contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2015, présenté pour le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 21-24 est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui a été prise sur le fondement des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ;
- la requérante ne conteste pas sérieusement le motif de la décision contestée dès lors qu'il ressort du procès-verbal d'assimilation du 2 juin 2010 qu'elle ne sait que très peu lire et écrire le français, que son niveau de communication est très difficile et qu'elle ne comprenait pas les questions ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 34 de la convention de Genève est inopérant ;
- il s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 mai 2015, présenté pour MmeA..., qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;
elle soutient en outre que le procès-verbal d'assimilation dressé le 2 juin 2010 est dépourvu de force probatoire dès lors qu'il n'est pas possible de connaitre la qualité de son auteur, qu'elle ne l'a pas signé et qu'il n'est donc pas contradictoire, qu'il est contredit par les attestations qu'elle produit et que les attestations de stages produites démontrent sa volonté d'apprendre le français ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2015, présenté pour le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2015 :
- le rapport de Mme Piltant, premier conseiller ;
1. Considérant que MmeA..., ressortissante sri lankaise, relève appel du jugement du 6 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que les stipulations de l'article 34 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, selon lesquelles les " Etats contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les faits de cette procédure ", ne créent pas l'obligation pour les Etats signataires d'accueillir les demandes de naturalisation présentées par les personnes bénéficiant du statut de réfugié ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-24 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue (...) françaises (...) " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du même code : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 37 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : / 1° Tout demandeur doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques " écouter ", " prendre part à une conversation " et " s'exprimer oralement en continu " du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008 (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 du même décret : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'assimilation linguistique du postulant ;
4. Considérant que, pour ajourner à deux ans, par la décision contestée du 26 janvier 2012, la demande de naturalisation de Mme A..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle avait une connaissance insuffisante de la langue française ;
5. Considérant qu'il ressort du procès-verbal d'assimilation du 2 juin 2010 versé au dossier que Mme A..., réfugiée sri-lankaise entrée en France en octobre 1989, mariée et mère de trois enfants, communique très difficilement en français, ne comprend pas les questions qui lui sont posées et ne sait que peu lire et écrire le français ; qu'ainsi elle ne remplit pas les conditions posées par les dispositions précitées ; que les circonstances que la langue maternelle de la requérante est très différente du français, qu'elle n'a pas fait d'études, qu'elle est issue d'un milieu défavorisé et que l'administration utilise un formulaire pour apprécier le niveau de connaissance du français par les postulants à la nationalité française sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; que, par suite, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour accorder ou refuser la nationalité à l'étranger qui la sollicite, le ministre chargé des naturalisations, qui n'est pas en situation de compétence liée, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ajournant à deux ans la demande de naturalisation de Mme A... ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions présentées par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Piltant, premier conseiller,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2015.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
Ch. GOY
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N°15NT00831 2
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