Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande présentée le 4 juillet 2013 en vue du raccordement d'une parcelle appartenant à sa mère au réseau d'eau potable.
Par un jugement n° 1302126 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 février 2015 et 29 mai 2015, Mme D... C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2014 ;
2°) de prononcer un non-lieu à statuer au regard de la décision explicite favorable intervenue le 26 juillet 2013 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande présentée le 4 juillet 2013 en vue du raccordement d'une parcelle appartenant à sa mère au réseau d'eau potable ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à la commune de Livry de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Livry le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
6°) de rejeter les conclusions présentées par la commune de Livry au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à la date à laquelle est intervenue la décision implicite de rejet qu'elle conteste, une décision favorable, résultant de la transmission par la commune de sa demande à la société Saur, avait en réalité été prise, rendant sans objet sa requête ;
- la demande de raccordement visait à desservir son exploitation agricole ;
- le refus de raccordement constitue une ingérence de l'autorité publique dans son droit au respect de sa vie privée et familiale reconnu par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les conclusions présentées par la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont sans commune mesure avec ses revenus qui s'élevaient à 620,58 euros en avril 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2015, la commune de Livry, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin de non-lieu à statuer, qui ont été présentées par Mme C...dans une note en délibéré devant le tribunal administratif, doivent être regardées comme nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
- le courrier de transmission de sa demande à la société Saur ne constitue en tout état de cause pas une décision expresse d'autorisation de raccordement au réseau d'eau potable ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public.
1. Considérant que Mme C...exploite depuis plusieurs années une parcelle agricole cadastrée OB n° 154 située au lieu-dit " la Carrosserie " à Livry, appartenant à sa mère, sur laquelle elle a installé un mobil home, une caravane et divers matériels ainsi que quelques animaux ; que le 4 juillet 2013, l'intéressée a sollicité auprès de la commune le raccordement de cette parcelle au réseau d'eau potable ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui est née du silence du maire ; que Mme C...relève appel du jugement du 31 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur l'exception de non-lieu :
2. Considérant que Mme C...soutient qu'à la date à laquelle est intervenue la décision implicite de rejet qu'elle conteste, une décision favorable, résultant de la transmission par la commune de sa demande à la société Saur, avait été prise, rendant ainsi sans objet sa demande ; que, toutefois, la lettre adressée le 16 juillet 2013 par le maire à la société Saur, à qui la gestion du service de l'eau potable a été déléguée, en vue d'évaluer le coût du banchement, ne peut être regardée comme une décision expresse d'autorisation de raccordement au réseau d'eau potable ; que dès lors, l'exception de non-lieu opposée par Mme C... ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, (...), être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. " ; qu'aux termes de l'article R. 111-31 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont regardées comme des habitations légères de loisirs les constructions démontables ou transportables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir. " ; que selon les dispositions de l'article R. 421-2 de ce code : " Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance (...) : (...) Les habitations légères de loisirs implantées dans les emplacements mentionnés aux 1° à 4° de l'article R. 111-32 et dont la surface de plancher est inférieure ou égale à trente-cinq mètres carrés ; (...) " ; que le stationnement pour une durée supérieure à trois mois des caravanes est assujetti à déclaration préalable en vertu de l'article R 421-23 du code de l'urbanisme pris en application des articles L. 421-1 à L. 421-4 de ce code ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors ;
5. Considérant, d'une part, qu'il est constant que Mme C...s'est installée avec son fils depuis plusieurs années et de façon pérenne dans le mobil home et la caravane implantés sur le terrain apparentant à sa mère ; que ces installations qui constituent leur résidence principale ne peuvent être regardées comme des habitations légères de loisirs destinées à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir dispensées de toute formalité au sens des articles R. 111-31 et R. 421-2 du code de l'urbanisme ; qu'il n'est pas contesté que Mme C...n'a sollicité aucune autorisation, ni effectuée aucune déclaration préalable pour ces installations ; que par suite, et alors même que Mme C...soutient que le raccordement qu'elle sollicite est destiné à son exploitation agricole, le maire de Livry a pu se fonder sur les dispositions précitées de l'article L.111-6 du code de l'urbanisme, pour refuser le raccordement définitif de son terrain au réseau d'eau potable ;
6. Considérant, d'autre part, que la décision administrative refusant le raccordement d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone est de nature à constituer une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;
7. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le refus du maire d'autoriser le raccordement définitif au réseau d'eau potable du terrain occupé par Mme C...repose sur les dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ; que si l'intéressée soutient que le refus du maire préjudicie à son droit à mener une vie décente, il ressort des pièces du dossier qu'elle a toujours été informée du non respect des règles d'urbanisme en vigueur interdisant l'implantation dans une zone rurale d'un mobil home et d'une caravane sans autorisation ou déclaration préalable ; que si la requérante soutient qu'elle s'est installée sur ce terrain à la suite d'une séparation et qu'elle a dû élire domicile sur le siège de son exploitation, il n'est pas établi que sa présence quotidienne et constante auprès de ses quelques animaux serait indispensable et qu'elle serait par ailleurs dans l'impossibilité d'implanter son mobil home et sa caravane dans un emplacement prévu à cet effet où elle pourrait bénéficier d'un raccordement à l'eau potable légalement opéré ; qu'il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, l'ingérence du maire dans le droit de Mme C...au respect de sa vie familiale que constitue le refus de raccordement au réseau d'eau potable, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à ce droit au regard du but poursuivi, tenant au respect des règles d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Livry, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme C... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge le versement à la commune de Livry de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Livry tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et à la commune de Livry.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2016.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT00733