Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, la décision notifiée le 29 décembre 2010 par laquelle le directeur général de l'Agence Régionale de Santé (ARS) Bretagne a prononcé une sanction financière d'un montant de 82 147,20 euros à son encontre et, d'autre part, la décision du 1er février 2011 rejetant le recours gracieux formé par lui contre cette décision.
Par un jugement n° 1101249 du 24 avril 2014 le tribunal administratif de Rennes a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 26 novembre 2014, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 avril 2014 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande du centre hospitalier intercommunal de Cornouaille.
Il soutient que :
- la décision de sanction était suffisamment motivée, contrairement à ce qu'ont estimé les juges de première instance ;
- le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, qui a été destinataire du rapport de contrôle et de la lettre l'informant d'une possible sanction, ne pouvait pas ignorer les motifs de la sanction prononcée ;
- la réduction du montant initialement envisagé de la sanction a été suffisamment expliquée ;
- la décision du 1er février 2011 rejetant le recours gracieux comportait une explication précise du taux de remise.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2015, le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, représenté par MeA..., conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours du ministre est irrecevable ;
- le jugement attaqué est régulier ;
- le contrôle de la tarification à l'activité n'était pas impartial ;
- le principe du contradictoire de la procédure administrative a été méconnu ;
- la décision notifiée le 29 décembre 2010 est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'ont été appliquées des règles édictées postérieurement à la période contrôlée ;
- le taux de surfacturation retenu est erroné ;
- l'assiette de la sanction est erronée ;
- le principe d'égalité entre les établissements de santé a été méconnu.
Les parties ont été informées par une lettre du 27 mai 2016 que l'affaire était susceptible, à compter du 27 juin 2016, de faire l'objet d'une clôture d'instruction à effet immédiat en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 4 juillet 2016 la clôture d'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille.
Une note en délibéré présentée par Me A...a été enregistrée le 25 octobre 2016.
1. Considérant que le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille a fait l'objet, du 5 au 16 octobre 2009, dans le cadre du programme régional de contrôle mis en oeuvre par l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Bretagne, d'un contrôle relatif à l'application, au cours de l'année 2008, de la tarification à l'activité portant sur les séjours avec co-morbidités associées (CMA), sur les séjours 0 jour, sur les séjours pour prise en charge de l'éthylisme et sur les soins palliatifs ; que les contrôleurs ont constaté des séjours injustifiés pour l'ensemble des champs contrôlés ; que, par courrier du 20 septembre 2010, le directeur de l'agence régionale de santé (ARS), qui a succédé à l'ARH, a informé l'établissement qu'une sanction était envisagée en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dont le montant maximal était de 256 710 euros que la commission de contrôle de l'agence proposait de réduire à 128 355 euros ; que le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille a présenté des observations par courriers des 8 et 21 octobre 2010 ; que la décision de sanction définitive du directeur général de l'agence lui a été notifiée le 29 décembre 2010 et a fixé le montant de la sanction à la somme de 82 147,20 euros ; que l'établissement a présenté un recours gracieux le 31 décembre 2010 qui a été rejeté par décision du 1er février 2011 ; que le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes relève appel du jugement du 24 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé ces décisions ;
Sur la recevabilité du recours :
2. Considérant que l'erreur matérielle affectant la date du recours, daté du 27 novembre 2014 alors qu'il a été enregistré le 26 novembre 2014 au greffe de la cour, demeure sans incidence sur sa recevabilité ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 2° Les chefs de service (...) " ; que le recours a été signé par M. C...D..., chef de service, adjoint du directeur de la sécurité sociale ; que, par arrêté du Premier ministre, du ministre de l'économie et des finances et de la ministre des affaires sociales et de la santé en date du 12 février 2014, M. C... D..., administrateur civil hors classe, chef de service, adjoint au directeur de la sécurité sociale (groupe II) à l'administration centrale du ministère de l'économie et des finances et du ministère des affaires sociales et de la santé, a été reconduit dans ses fonctions, à compter du 18 mars 2014, pour une période de trois ans ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du recours manque en fait et doit être écarté ;
4. Considérant que le moyen tiré de la motivation suffisante de la décision contestée est clairement invoqué par le ministre et étayé de plusieurs arguments ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, le recours n'est pas dépourvu de moyen et est, par suite, recevable ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par le directeur général de l'agence régionale de santé, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique, les inspecteurs de l'agence régionale de santé ayant la qualité de médecin ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie en application du programme de contrôle régional établi par l'agence. Le directeur général de l'agence prononce la sanction après avis d'une commission de contrôle composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des organismes d'assurance maladie et du contrôle médical. La motivation de la sanction indique, si tel est le cas, les raisons pour lesquelles le directeur général n'a pas suivi l'avis de la commission de contrôle. La sanction est notifiée à l'établissement. / Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement (...) " ; ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
6. Considérant que la sanction financière prononcée sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale est au nombre des décisions administratives infligeant une sanction au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle doit, par suite, être motivée ;
7. Considérant que la décision de sanction contestée, notifiée le 29 décembre 2010, comporte la mention des dispositions applicables du code de la sécurité sociale, en particulier les articles L. 162-22-6, L. 162-22-18 et R. 162-42-13 ; que le directeur de l'ARS Bretagne y rappelle également de manière précise le contenu de son courrier du 20 septembre 2010, lequel indiquait qu'une sanction était envisagée, en précisait le montant de 128 355 euros et comportait en annexe une pièce expliquant le calcul de cette sanction ; qu'il y indique ensuite de manière détaillée les motifs, et notamment celui relatif à l'engagement contractuel de bonnes pratiques souscrit par l'établissement hospitalier à la suite du contrôle, qui le conduisent à minorer la sanction envisagée pour la ramener à 82 147,20 euros ; que si cette minoration représentait un abattement de la sanction initialement envisagée, soit 128 355 euros, supérieur à celui de 20 % annoncé, cette circonstance, alors qu'un tel abattement relevait du pouvoir discrétionnaire de l'administration et, au surplus, que le détail du calcul de la somme de 82 147,20 euros a été explicité dans la décision du 1er février 2011 rejetant le recours gracieux formé par le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille, ne permet pas d'estimer que la décision de sanction contestée était insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé, pour annuler les décisions contestées, sur la circonstance qu'elles auraient été insuffisamment motivées ;
8. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille devant le tribunal administratif de Nantes ;
9. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que siègent au sein de la commission de contrôle des représentants des organismes d'assurance maladie qui se prononcent au vu d'un rapport de contrôle susceptible d'être élaboré par des praticiens-conseils de ces mêmes organismes et des représentants de l'agence régionale de santé désignés par le directeur général de l'agence ne saurait, par elle-même, caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'un ou plusieurs des membres de la commission de contrôle auraient manqué à leur obligation d'impartialité en raison d'un parti pris ou en manifestant une animosité à l'égard de l'établissement ; que celui-ci n'est dès lors pas fondé à soutenir que la procédure suivie à son encontre aurait manqué d'impartialité ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition du code de la sécurité sociale n'impose la communication de l'avis de la commission de contrôle sur la sanction envisagée ;
11. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale alors applicables octroyaient à l'établissement vérifié un délai de 15 jours après réception du rapport de contrôle pour lui permettre de faire connaître ses observations ; que le centre hospitalier, qui a reçu le rapport de contrôle le concernant le 22 octobre 2009, a transmis ses observations par courriers des 27 octobre et 4 novembre 2009 ; que, dans ces conditions, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
12. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les séjours 0 jour ont révélé un grand nombre d'anomalies, les contrôleurs ayant émis un avis défavorable pour 19 séjours ; que le rapport de contrôle a relevé à cet égard que les conditions de facturation énoncées au 10° du I de l'article 6 de l'arrêté du 27 février 2007 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, n'étaient pas remplies ; que si l'établissement a, au cours de la procédure de contrôle, contesté le fait que, pour le traitement de la sclérose en plaque, l'agence avait refusé d'admettre les injections en bolus de Solumedrol par seringue électrique en milieu hospitalier au-delà de la 1ère injection, et s'il soutient à cet égard qu'ont été appliquées des règles édictées postérieurement à la période contrôlée, il n'établit pas toutefois que, comme il le soutient, la pratique d'une poursuite des injections en milieu hospitalier aurait, pour la période vérifiée, été communément admise par les professionnels et que le taux de surfacturation retenu serait erroné ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision notifiée le 29 décembre 2010 serait entachée d'erreur de droit doit être écarté ;
13. Considérant, en cinquième lieu, que si le centre hospitalier reproche au directeur de l'agence régionale de santé d'avoir suivi l'avis de la commission de contrôle quant à la modulation de la sanction, cette autorité disposait en tout état de cause du pouvoir de décider elle-même d'une telle modulation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'agence se serait cru lié par les principes édictés par un autre organisme ;
14. Considérant, en sixième lieu, que, conformément à l'article R. 162-42-11 du code de la sécurité sociale, la base de calcul de la sanction est constituée par les recettes de l'année antérieure à l'année contrôlée, soit en l'espèce les recettes de l'année 2007 ; que si le centre hospitalier fait valoir qu'il est impossible de déterminer si la bonne année de référence a été prise en compte, il n'apporte, alors qu'il est le mieux à même de disposer de l'ensemble des informations comptables nécessaires, aucun élément chiffré de nature à remettre en cause l'assiette de la sanction ;
15. Considérant, enfin, que si la sanction applicable en cas d'anomalies de tarifications est plafonnée par les dispositions du code de la sécurité sociale, le directeur de l'ARS dispose sous ce plafond d'une large marge d'appréciation ; que la sanction contestée en l'espèce, qui tient compte des contrôles antérieurs, des progrès constatés et a fait l'objet d'importants abattements, n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision notifiée le 29 décembre 2010 du directeur général de l'agence régionale de santé de Bretagne et la décision du 1er février 2011 rejetant le recours gracieux ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1101249 du 24 avril 2014 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le centre hospitalier intercommunal de Cornouaille devant le tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par lui devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires sociales et de la santé et au centre hospitalier intercommunal de Cornouaille.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2016.
Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 14NT030002
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