Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1500145 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 septembre 2015, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 9 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros au bénéfice de son conseil, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que les premiers juges ont considéré que sa demande de titre de séjour n'avait pas à être examinée au regard des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- ces stipulations ont été méconnues, sa situation le rendant éligible à la délivrance d'un titre de séjour sur leur fondement ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2015, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né en 1981, est entré régulièrement en France en mars 2009, et a bénéficié jusqu'en mars 2013 de titres de séjour en qualité de conjoint de français ; qu'étant en instance de divorce, il a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, qui lui a été refusée par un arrêté du préfet du Calvados du 14 juin 2013 assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. A...a ensuite bénéficié de trois autorisations provisoires de séjour pour raisons médicales, la dernière étant valable jusqu'au 10 décembre 2014 ; qu'il a, parallèlement, sollicité un nouveau titre de séjour en qualité de salarié ; que M. A...relève appel du jugement du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2014 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
3. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis, pour des motifs humanitaires ou exceptionnels, à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, conformément aux stipulations de l'article 9 de l'accord franco-marocain et dès lors que l'article 3 du même accord prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour de cette nature ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile portant sur le même objet ; que, de même, le préfet ne peut légalement se fonder sur les dispositions combinées des articles L. 313-14 et L. 313-10 du même code pour rejeter une demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
4. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, toutefois, dans le cas où l'étranger invoque à l'appui de sa demande des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables dès lors que les conditions d'attribution du titre demandé sont régies par une convention internationale, l'autorité administrative ne peut se borner à écarter les dispositions invoquées mais doit examiner la demande au regard des stipulations de cette convention équivalentes à ces dispositions ;
5. Considérant que bien que l'accord franco-marocain ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;
6. Considérant qu'il est constant que M. A...a sollicité un titre de séjour en qualité de salarié, sans qu'il puisse être établi avec certitude au vu des pièces du dossier si cette demande a été ou non présentée à titre dérogatoire ; qu'en toute hypothèse, les dispositions de l'article
L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers n'étant pas applicables à l'intéressé, il appartenait au préfet, après avoir écarté les dispositions combinées des articles L. 313-14 et
L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'instruire cette demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain, puis d'envisager l'opportunité d'une mesure de régularisation ; que M. A...est, dès lors, fondé à soutenir qu'en se limitant à faire application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans se référer aux stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, le préfet du Calvados a commis une erreur de droit ; que la décision refusant un titre de séjour à M. A...doit, dès lors, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, celle portant obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 octobre 2014 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au préfet du Calvados d'examiner à nouveau la demande de titre de séjour de M.A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 400 euros au bénéfice de MeB..., à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 avril 2015 et l'arrêté du préfet du Calvados du 9 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados d'examiner à nouveau la demande de titre de séjour de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1 400 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
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N° 15NT02887