Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 4 mars 2015 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B...A..., et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi.
Par un jugement n° 1502534 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2016, M.E..., représenté par Me Rouillé-Mirza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler la décision du 4 mars 2015 du préfet d'Indre-et-Loire ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;
4°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de son épouse dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée est tardive dès lors qu'elle est intervenue au-delà du délai de six mois imparti au préfet pour statuer sur sa demande de regroupement familial ; ce retard dans l'instruction de cette demande lui a causé un préjudice qu'il évalue à 4 000 euros ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il justifie de ressources suffisantes pour que son épouse puisse venir en France ;
- le préfet a commis une erreur de droit en lui refusant le regroupement familial au seul motif de l'instabilité de ses ressources et en s'abstenant de procéder à un examen de sa situation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2016, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.E..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2015 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B...A..., et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
3. Considérant que si l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il ressort de la décision contestée du 4 mars 2015 que pour refuser à M. E...le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse, le préfet d'Indre-et-Loire s'est fondé exclusivement sur l'instabilité des ressources de l'intéressé ; que si le préfet d'Indre-et-Loire pouvait légalement fonder sa décision sur ce motif, il ne se trouvait pas en situation de compétence liée et il lui appartenait de procéder à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des incidences de son refus sur la situation de M. E...au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en se bornant à énoncer dans sa décision le motif tiré de l'instabilité des ressources, sans autre précision ni élément circonstancié tenant à la situation familiale du requérant, le préfet d'Indre-et-Loire s'est, à tort, estimé lié par cette condition de ressources stables non remplie pour rejeter la demande dont il était saisi ; qu'il a méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigées contre la décision du 4 mars 2015, M. E...est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur de droit et doit être annulée ;
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Considérant que M. E...n'établit pas la réalité du préjudice dont il demande la réparation ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2015 du préfet d'Indre-et-Loire ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet d'Indre-et-Loire accorde à M. E...le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse ; qu'en revanche, il implique que l'administration se prononce à nouveau sur la demande présentée par l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me Rouillé-Mirza, avocat du requérant, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 novembre 2015, en ce qu'il a rejeté la demande de M. E...tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2015 du préfet d'Indre-et-Loire, est annulé.
Article 2 : La décision du 4 mars 2015 du préfet d'Indre-et-Loire est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par M. E...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Rouillé-Mirza, avocat de M.E..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Loirat, président,
- Mme Rimeu, premier conseiller,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2017.
Le rapporteur,
Mme Allio-RousseauLe président,
C. LoiratLe greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16NT002732