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28/06/2017 | FRANCE | N°15NT03518

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 28 juin 2017, 15NT03518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Spie Batignolles Ouest a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2013 par laquelle le directeur adjoint du travail de la 17ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a déclaré M. D... C...inapte à tout poste au sein de la société.

Par un jugement n°1304436 du 22 septembre 2015, le tribunal admin

istratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Spie Batignolles Ouest a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 avril 2013 par laquelle le directeur adjoint du travail de la 17ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a déclaré M. D... C...inapte à tout poste au sein de la société.

Par un jugement n°1304436 du 22 septembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2015 la SAS Spie Batignolles Ouest, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 septembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 25 avril 2013 ainsi que l'avis d'inaptitude du 14 mars 2013 qui la sous-tend ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- la décision de l'inspecteur du travail du 25 avril 2013 est insuffisamment motivée tant au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 qu'au regard des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail ; la décision se borne à viser les avis médicaux émis et ne comporte ainsi aucune considération de faits propres à éclairer la société sur les éléments personnellement retenus par l'inspecteur du travail pour confirmer l'avis d'inaptitude ;

- l'avis médical d'inaptitude ne fait état d'aucun élément permettant de justifier le recours à la procédure d'urgence mise en oeuvre par le médecin du travail sur le fondement de l'article R. 4624-31 du code du travail ;

- la décision méconnaît le principe du contradictoire et elle est intervenue en violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " figurant au préambule de la Constitution " ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; l'inaptitude de M. C...a son poste et à tout poste au sein de son entreprise n'est fondée ni sur le plan médical, ni sur le plan de la surcharge de travail alléguée par l'intéressé ;

- l'inaptitude de M. C...est factice et l'utilisation de la procédure d'inaptitude par ce salarié relève d'une stratégie visant à faire prononcer par le juge judiciaire la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'entreprise ;

Une mise en demeure a été adressée le 5 avril 2016 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2016, M. D...C..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Spie Batignolles Ouest la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par la société Spies Batignolles Ouest était tardive et par suite irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le préambule de la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeE..., représentant la société Spie Batignolles Ouest.

1. Considérant que la société Spie Batignolles Ouest a engagé le 9 avril 1987, par contrat à durée indéterminée, M. C...sur un poste de conducteur de travaux ; que l'intéressé a été promu le 1er septembre 2006 au poste de directeur régional adjoint de la société pour la région de Nantes, puis, par avenant en date du 30 août 2007, directeur régional, membre du comité de direction ; qu'à la suite d'un entretien avec le directeur général de la société le 11 février 2013, M. C...a fait parvenir le 14 février 2013 un arrêt de travail établi par son médecin traitant le plaçant en arrêt pour une durée d'un mois à compter du 13 février 2013 et a le même jour, fait parvenir à son employeur une déclaration d'accident du travail ; qu'à l'issue de la visite médicale de reprise du 14 mars 2013, le médecin du travail a déclaré M.C..., dans le cadre de la procédure de danger immédiat prévue par les dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail, inapte à son poste de directeur régional en mentionnant qu'il n'y avait pas lieu à une seconde visite et qu'aucun reclassement n'était envisageable ; que, le 22 mars 2013, la société Spie Batignolles Ouest a contesté cet avis d'inaptitude devant le directeur adjoint du travail de la 17ème section de l'unité territoriale de la Loire-Atlantique de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; que, par une décision du 25 avril 2013, ce dernier, après avoir recueilli l'avis du médecin inspecteur régional, a confirmé l'avis d'inaptitude de M. C...et déclaré ce dernier inapte à tout poste au sein de la société Spie Batignolles Ouest ; que cette dernière relève appel du jugement du 22 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2013 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. C...à la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

3. Considérant que le 25 avril 2013, le directeur adjoint du travail s'est prononcé sur la contestation par la société Spie Batignolles Ouest de l'avis émis le 14 mars 2013 par le docteur Besneux, médecin du travail, concernant l'inaptitude de M. C... ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette décision a été régulièrement notifiée à la société le 29 avril 2013 avec l'indication des délais et voies de recours ; que le recours de la société à l'encontre de cette décision a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Nantes le 28 mai 2013 ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. C...tirée de la tardiveté de cette demande, ne peut être accueillie ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " et qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen" ;

5. Considérant que la décision contestée se fonde, notamment sur l'avis émis le 16 avril 2013 par le docteur Barrit, médecin inspecteur du travail à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, qui a conclu à l'inaptitude médicale définitive de M. C...à occuper tout poste au sein de l'établissement, de l'entreprise, du groupe ou de ses filiales ; qu'il ressort de la motivation de cet avis qu'une série d'évènements ont pu, selon ce médecin, altérer la santé de M. C...et notamment " un surcroît important de travail sur le dernier semestre 2012 " et qu'il est " raisonnable de penser que la santé de Monsieur C...s'est dégradée de manière progressive au cours du second semestre 2012 avec un arrêt de travail d'une semaine en décembre 2012. Une décompensation plus récente de son état de santé a eu lieu en février 2013 " ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que le soutient la société requérante, que M. C...ait été confronté à la surcharge importante de travail à la fin de l'année 2012 dont il a fait état devant le médecin inspecteur régional du travail ; que si M. C...impute également la dégradation de son état de santé aux agissements de sa direction laquelle aurait ainsi progressivement réduit les responsabilités incombant à son poste de directeur régional, alors qu'il a reconnu lui-même devant la cour d'appel de Rennes que la gestion de la région Centre lui avait également été confiée, accentué ses pressions sur le salarié et refusé la mobilisation de moyens complémentaires, notamment en termes d'encadrement, ces faits, à supposer qu'ils aient eu une incidence sur la reconnaissance de l'inaptitude dont il a fait l'objet, ne sont pas matériellement établis par les pièces du dossier ; que l'incidence de ces différents évènements, et particulièrement de la surcharge de travail invoquée dans l'avis médical du 16 avril 2013, sur l'état de santé du salarié et sur l'épuisement psychologique allégué par M. C...lors des entretiens de pré-visite des 15 et 28 février 2013, ne ressort pas non plus des pièces du dossier ; que les seules mentions dans le dossier médical du salarié d'un arrêt de travail de cinq jours en décembre 2012 pour une " crise d'angoisse ", d'un arrêt de travail délivré le 13 février 2013 par son médecin traitant au motif d'" un conflit au travail allégué par le patient ", pour une durée d'un mois et non renouvelé, et de la prise d'antidépresseurs pendant seulement quatre jours consécutivement à cet arrêt, ne permettent pas d'établir ni de caractériser, par un ensemble de pièces suffisamment circonstanciées, la réalité de l'inaptitude totale et définitive de M. C...au poste qu'il occupait ainsi qu'à tous postes dans l'entreprise et le danger grave sur sa santé que représentait son retour dans l'entreprise ; qu'ainsi le directeur adjoint du travail a commis une erreur manifeste d'appréciation en déclarant M. C...inapte au motif que son état de santé ne lui permettait plus d'exercer ni ses fonctions de directeur régional, ni toute autre fonction au sein de l'entreprise Spie Batignolles Ouest ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Spie Batignolles Ouest est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Spie Batignolles Ouest, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Spie Batignolles Ouest de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304436 du tribunal administratif de Nantes du 22 septembre 2015 et la décision du directeur adjoint du travail du 25 avril 2013 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société Spie Batignolles Ouest une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de M. C...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Spie Batignolles Ouest, à la ministre du travail et à M. D...C....

Délibéré après l'audience du 13 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2017.

Le rapporteur,

V. GELARD

Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°15NT035182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03518
Date de la décision : 28/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme PILTANT
Avocat(s) : AUBRY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-28;15nt03518 ?
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