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25/07/2017 | FRANCE | N°16NT01670

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 juillet 2017, 16NT01670


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...et Françoise D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 26 juin 2015 par lequel le maire d'Anet leur a accordé un permis de construire pour l'édification d'une maison sur un terrain situé rue de la prairie, en tant qu'il est assorti de la prescription leur imposant la pose d'une couverture en petites tuiles plates de terre cuite d'une teinte rouge nuancé brun rouge en évitant un ton uniforme et foncé, ou en tuiles 28/m2 type Elysée Lambert-Terreal, ainsi que

la décision du 18 septembre 2015 rejetant leur recours gracieux.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...et Françoise D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 26 juin 2015 par lequel le maire d'Anet leur a accordé un permis de construire pour l'édification d'une maison sur un terrain situé rue de la prairie, en tant qu'il est assorti de la prescription leur imposant la pose d'une couverture en petites tuiles plates de terre cuite d'une teinte rouge nuancé brun rouge en évitant un ton uniforme et foncé, ou en tuiles 28/m2 type Elysée Lambert-Terreal, ainsi que la décision du 18 septembre 2015 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1503500 du 3 mai 2016, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2016, la commune d'Anet, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 mai 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que le mémoire en réplique produit par les époux D...le 19 février 2016 ne lui a pas été communiqué, alors même que le tribunal s'est fondé sur le contenu de ce mémoire pour statuer ;

- la requête de première instance était irrecevable pour comporter des conclusions tendant à l'annulation partielle d'un permis de construire indivisible ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à la question du caractère indivisible du permis de construire litigieux ;

- il est également entaché d'erreur de fait pour avoir considéré que l'environnement du projet n'était pas homogène en termes de couverture des constructions ;

- ce jugement est entaché d'erreur de droit, les premiers juges ayant effectué un contrôle de l'erreur d'appréciation alors que seul un contrôle restreint était possible s'agissant de prescriptions spéciales assortissant un permis de construire ;

- ce jugement méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dès lors qu'eu égard à la situation du projet et aux lieux avoisinants, elle était en droit de prescrire l'usage de tuiles pour la couverture du projet afin de préserver la cohérence du lotissement La Jonquière, en accord avec l'avis de l'architecte des bâtiments de France.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2016, M. et Mme B...et FrançoiseD..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de

3 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Anet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la commune d'Anet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massiou,

- et les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.

1. Considérant que par un arrêté du 26 juin 2015, le maire d'Anet (Eure-et-Loir) a accordé à M. et Mme D...un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé rue de la prairie, correspondant au lot n°6 du lotissement La Jonquière ; qu'il a toutefois assorti ce permis de construire de trois prescriptions spéciales au titre de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dont celle selon laquelle la couverture du projet devrait être réalisée en petites tuiles plates de terre cuite du coloris Chevreuse ou équivalent, ou en tuiles 28/ m2 type Elysée Lambert-Terreal ; que la commune d'Anet relève appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de M. et MmeD..., annulé cet arrêté en tant qu'il était assorti de cette prescription, ainsi que la décision du 18 septembre 2015 rejetant leur recours gracieux tendant au retrait de cette prescription ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les époux D...ont produit devant le tribunal administratif d'Orléans un mémoire en réplique, enregistré le 19 février 2016, avant la clôture de l'instruction, lequel a été visé et analysé dans le jugement attaqué mais n'a pas été communiqué à la commune d'Anet ; que le jugement attaqué est fondé sur des éléments nouveaux figurant dans ce mémoire qui devait, en conséquence être communiqué à la commune défenderesse ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, la commune d'Anet est fondée à soutenir que ce jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal administratif d'Orléans ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, que l'administration ne peut assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions qu'à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, aient pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect ; que le titulaire d'une autorisation d'urbanisme est recevable à demander l'annulation d'une ou de plusieurs prescriptions dont celle-ci est assortie ; qu'il peut utilement soulever à l'appui de telles conclusions tout moyen relatif au bien-fondé des prescriptions qu'il critique ou au respect des exigences procédurales propres à leur édiction ; que, toutefois, le juge ne peut annuler ces prescriptions, lorsqu'elles sont illégales, que s'il résulte de l'instruction qu'une telle annulation n'est pas susceptible de remettre en cause la légalité de l'autorisation d'urbanisme et qu'ainsi ces prescriptions ne forment pas avec elle un ensemble indivisible ;

6. Considérant que la prescription en cause est uniquement relative au matériau de couverture de la construction projetée, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait structurellement indivisible du reste de ce projet ; que la prescription imposait le choix de ce matériau est, en conséquence, divisible du reste l'autorisation d'urbanisme accordée à M. et Mme D...et peut ainsi faire l'objet d'une demande d'annulation ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " ; qu'il résulte de ces dispositions que si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte aux lieux avoisinants de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité de ces lieux et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur eux ;

8. Considérant que pour prescrire la pose de tuiles d'un certain type et coloris pour la couverture du projet de M. et MmeD..., le maire d'Anet a considéré, sur le fondement des dispositions précitées et au regard de l'avis rendu par l'architecte des bâtiments de France le 27 mai 2017, que ce projet, du fait de sa couverture en ardoise, portait atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet se situe dans le lotissement La Jonquière, dont la plupart des lots comportent des maisons d'habitation couvertes de tuiles ; que certaines constructions du secteur sont toutefois également couvertes d'ardoise, voire de tôle ondulée ; que l'architecte des bâtiments de France, s'il a indiqué sa préférence pour la pose d'une couverture en petites tuiles plates eu égard aux traditions locales et aux constructions avoisinantes, a, pour autant, pris acte de ce que la couverture devait être réalisée en ardoise ; que l'avis qu'il a rendu le 11 août 2005 lors de la création de ce lotissement indiquait également que les couvertures en ardoise classique à pureau droit, telle que celle initialement prévue par les épouxD..., était possible ; que si le projet se situe à environ 300 mètres du château d'Anet, classé monument historique, il ne se trouve pas dans son champ de visibilité, ainsi que cela ressort notamment de l'avis de l'architecte des bâtiments de France ; que ce projet ne se trouve pas, en outre, dans une zone bénéficiant d'une protection particulière ; que, par suite, le maire d'Anet a entaché son arrêté du 26 juin 2015 d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en estimant qu'elles imposaient la réalisation par M. et Mme D...d'une toiture en tuiles ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2015 en tant qu'il comporte une prescription leur imposant le recours à la tuile pour la couverture de leur maison d'habitation, ainsi que de la décision du 18 septembre 2015 rejetant leur recours gracieux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Anet la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme D...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune d'Anet ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 mai 2016 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 26 juin 2015 accordant un permis de construire à M. et Mme D...est annulé en tant qu'il est assorti de la prescription imposant la pose d'une couverture en petites tuiles plates de terre cuite du coloris Chevreuse ou équivalent, ou en tuiles 28/ m2 type Elysée Lambert-Terreal. La décision du 18 septembre 2015 rejetant le recours gracieux de M. et Mme D...tendant au retrait de cette prescription est également annulée.

Article 3 : La commune d'Anet versera à M. et Mme D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune d'Anet tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Anet et à M. et Mme B... et FrançoiseD....

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2017, où siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Mony, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juillet 2017.

Le rapporteur,

B. MASSIOULe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01670
Date de la décision : 25/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SCP VERNAZ AIDAT ROUAULT GAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-07-25;16nt01670 ?
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