Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France portant rejet de la demande de visa de long séjour qu'elle avait déposée pour elle-même et son fils allégué Guy RollA....
Par un jugement n° 1403535 du 22 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 5 août 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande de MmeB....
Le ministre soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une erreur de fait, les motifs de la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ayant été communiqués à l'avocat de la requérante le 9 mai 2014, les documents l'attestant ayant été produits.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2016, Mme B...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer les visas sollicités ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen des demandes déposées, et de mettre 1 500 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B...soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la décision de l'administration, qui ne lui a communiqué qu'a posteriori les raisons de sa décision, n'était pas motivée ;
- l'administration commet une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les actes d'état-civil qui ont été produits ne présentent pas un caractère authentique ;
- les actes d'état-civil qu'elle a produits sont des actes reconstitués du fait des mauvaises conditions de conservation des documents originaux ;
- la déclaration de naissance opérée par M. A...est conforme au droit civil congolais ;
- la mention de la nationalité française de M. A...sur l'acte de mariage résulte d'une simple erreur matérielle ;
- M. A...doit être regardé comme justifiant de l'existence d'une situation de possession d'état ;
- le refus de visa qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de visa qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La demande de sursis à exécution du jugement attaqué a été rejetée par une ordonnance du 2 novembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant de la République du Congo, a obtenu le 30 septembre 2013 une autorisation de regroupement familial au profit de MmeB..., qu'il a épousé le 10 août 2012, et de son enfant allégué né le 26 mai 2011 ; que, toutefois, les autorités consulaires françaises à Brazzaville ont refusé, le 28 octobre 2013, de délivrer aux intéressés les visas de long séjour sollicités ; que le recours formé contre cette décision par Mme B...a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France le 24 février 2014 ; que, suite au recours contentieux formé par Mme B...contre cette décision, le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement en date du 22 juin 2016, annulé cette décision de rejet pour absence de motivation ; que le ministre de l'intérieur relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la copie de l'accusé-réception du courrier du 2 mai 2014 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France informant l'avocate de Mme B...des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de visa que ce courrier, qui constituait sa réponse à la demande de communication de motifs qui lui avait été adressée le 22 avril 2014, a effectivement été notifié au conseil de la requérante le 9 mai 2014 ; que le ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir que, en jugeant que l'administration n'avait pas répondu à la demande de communication des motifs de Mme B...dans le délai imparti, le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de fait et s'est à tort fondé sur ce motif pour annuler la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du rejetant la demande de visa de MmeB... ;
3. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur les autres moyens invoqués par MmeB... :
4. Considérant que Mme B...soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation, tenant à ce que les différentes anomalies relevées par l'administration s'agissant des documents d'état-civil produits ne présentent pas un caractère substantiel et ne remettent pas sérieusement en cause le lien matrimonial et le lien de filiation ;
5. Considérant tout d'abord qu'il ressort des pièces du dossier que, s'agissant de l'acte de naissance produit par MmeB..., si l'intéressée a effectivement produit à l'appui de sa demande de visa un acte de naissance dont il est apparu, suite à la demande de levée d'acte des autorités consulaires françaises de Brazzaville, que l'acte souche concernait une tierce personne, cette circonstance n'apparaît pas imputable à MmeB..., laquelle a reçu, suite à une seconde demande d'acte de naissance, un document en tous points identiques à celui initialement reçu ; que l'administration n'apporte pas la preuve de l'intention frauduleuse poursuivie par Mme B...au travers de la production de ce document, alors même qu'elle ne conteste pas sérieusement, par ailleurs, les mauvaises conditions de conservation des actes d'état-civil en République du Congo, ni même la réalité du lien matrimonial unissant l'intéressée à M.A... ;
6. Considérant qu'il ressort ensuite des pièces du dossier que, s'agissant du lien de filiation entre l'enfant Guy Roll et M.A..., cet enfant est né en dehors de la présence en République du Congo de M.A..., lequel réside en France et n'a donc de ce fait pas pu immédiatement déclarer lui-même, en tant que père, la naissance de son enfant auprès des autorités locales ;
7. Considérant qu'il ressort enfin des pièces du dossier que, s'agissant de l'acte de mariage entre M. A...et MmeB..., l'erreur relative à la nationalité de M. A... qui y figure comme français, ne saurait suffire à elle seule à remettre en cause la validité de ce mariage, ni à faire regarder l'acte de mariage produit comme un document frauduleux ; qu'il ressort au contraire de nombreuses pièces du dossier que ce mariage a effectivement été célébré le 10 août 2012, Mme B...produisant en outre le livret de famille où la naissance des enfants nés de son union avec M. A...a été retranscrite ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à soutenir que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que les documents produits à l'appui des demandes de visas devaient être regardés comme de nature à mettre en doute la réalité du lien matrimonial et du lien de parenté l'unissant à M. A...et à l'enfant Guy Roll ;
9. Considérant, par suite, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de MmeB... ;
Sur les conclusions en injonction :
10. Considérant que le présent arrêt implique, compte tenu de sa motivation, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de sa notification ;
Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre 1 500 euros à la charge de l'Etat au profit de Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B...les visas sollicités dans un délai d'un moins à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et à Mme C....
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 juillet 2017.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
H. LENOIR Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT02721