Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...G...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 juin 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a maintenu la décision préfectorale du 18 novembre 2013 rejetant sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1407466 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 1er août 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme G...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- l'expression " renseignements défavorables recueillis sur le comportement du demandeur " est suffisamment large pour permettre la prise en considération de faits qui ne constituent pas une infraction pénale ; en l'espèce, il est établi que l'intéressée a admis n'avoir recherché que des avantages financiers auprès de M.C..., égaré par ses mensonges, lequel prétendait à bon droit avoir été trompé sur les qualités essentielles de son épouse ;
- ce comportement, caractérisé dix ans avant la décision de rejet, ne peut être regardé comme étant trop ancien ;
- le détournement de l'institution du mariage suffit à fonder une décision de rejet, compte tenu de son large pouvoir d'appréciation, en dépit des circonstances tenant à l'évolution de la situation matrimoniale et de l'insertion professionnelle de la postulante à la naturalisation.
Un courrier a été adressé à Mme E...G...le 3 novembre 2016, la mettant en demeure de produire ses conclusions en réponse en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993,
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme G..., la décision du 30 juin 2014 par laquelle le ministre chargé des naturalisations a maintenu la décision du préfet de l'Orne du 18 novembre 2013 rejetant sa demande de naturalisation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (... ) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation de MmeG..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le fait que son mariage, contracté le 7 juin 2002 à Auxerre avec un ressortissant français, a été annulé par jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre du 22 décembre 2003, confirmé par la cour d'appel de Paris le 21 octobre 2004, dès lors qu'il a été démontré qu'elle avait contracté cette union dans un but étranger à l'institution du mariage, à savoir la recherche d'avantages financiers ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme G...s'est mariée le 7 juin 2002 avec M.C..., ressortissant français, et que ce mariage a été annulé par jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre le 22 décembre 2003, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 octobre 2004, en raison des manoeuvres dolosives de Mme G...pour dissimuler à M. C...sa situation personnelle et le but réel de cette union, entraînant ainsi, pour son conjoint, une erreur sur les qualités substantielles de la personne ; que ces faits, qui révèlent un détournement délibéré de l'institution du mariage, présentaient un caractère de gravité suffisant, alors même qu'ils remontaient à plus de dix ans à la date de la décision contestée ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et alors même que Mme G...vit en France depuis 2002, qu'elle s'est remariée en 2007 avec un ressortissant français puis, depuis le décès de ce dernier, vit en concubinage avec un autre ressortissant français et qu'elle est intégrée professionnellement, le ministre chargé des naturalisations n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de naturalisation de l'intéressée ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 30 juin 2014 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme G... devant le tribunal administratif de Nantes ;
6. Considérant, en premier lieu, que conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, le directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté dispose de la délégation pour signer au nom du ministre chargé des naturalisations, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que, par décret du 3 octobre 2013, publié au Journal officiel de la République française du 4 octobre suivant, Mme B... a été nommée directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité ; que, par décision du 24 octobre 2013, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 27 octobre suivant, Mme B... a accordé à Mme F...D..., signataire de la décision contestée, une délégation de signature à cet effet ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret (...) doit être motivée " ; qu'en indiquant avoir, en application des articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, décidé de rejeter la demande de naturalisation de MmeG..., pour les motifs rappelés au point n°3, le ministre a suffisamment énoncé les circonstances de droit et de fait sur lesquelles reposait sa décision du 30 juin 2014 ; que, par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de la décision contestée ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en dernier lieu, que si Mme G...fait valoir qu'elle remplit les conditions prévues aux articles 21-15 et suivants du code civil, ce moyen est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, laquelle n'est pas fondée sur ces dispositions, mais sur celles de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 30 juin 2014 rejetant la demande de naturalisation présentée par Mme E...G... ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...G...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme E...G....
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2017.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIERLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT02637