Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2016 par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1604186 du 30 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er mai 2017 et 18 octobre 2017, Mme D..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mars 2017 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Cher de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté et le jugement attaqué sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard aux conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle ;
- cet arrêté méconnait les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est bien intégrée en France et se trouve veuve à la suite du décès accidentel de son mari, dont la succession est en cours ;
- c'est à tort que le préfet s'est fondé sur les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables en cas de demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée à un conjoint de Français.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juillet 2017, le préfet du Cher conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête de Mme D...est irrecevable en application des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, pour se borner à reproduire purement et simplement le texte du mémoire présenté en première instance ;
- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Vu la lettre du 9 octobre 2017 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de ce que l'administration avait méconnu le champ d'application du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme Gauthier, ressortissante chinoise née en 1963, est entrée régulièrement en France le 9 juin 2015 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français valable du 22 mai 2015 au 22 mai 2016, après avoir épousé M. C...D...en Chine le 30 mars 2015 ; que ce dernier est décédé le 28 juin 2015 ; que Mme D...a sollicité le 8 juillet 2016 la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjointe d'un ressortissant français ; que par un arrêté du 6 décembre 2016 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet du Cher a refusé de lui délivrer ce titre de séjour ; que Mme D...relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Cher :
2. Considérant que la requête de MmeD..., à laquelle était joint le jugement attaqué, ne constitue pas la simple reproduction de sa demande de première instance et énonce à nouveau l'argumentation qui lui paraît devoir fonder ses conclusions à fin d'annulation de la décision contestée ; qu'une telle motivation répond aux conditions énoncées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Cher doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; que selon l'article L. 313-12 de ce même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est entrée en France sous couvert d'un visa de long séjour qui lui avait été délivré en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français valant titre de séjour valable du 22 mai 2015 au 22 mai 2016 ; que sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire formée le 8 juillet 2016 devait, par suite, être regardée comme une demande de renouvellement de ce titre de séjour, et non comme une première demande ; qu'un courrier adressé le 16 septembre 2016 à la requérante par le préfet du Cher fait d'ailleurs état d'une demande de renouvellement de ce titre ; que, dans ces conditions, en faisant application à Mme D...des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne réservent pas le cas de la rupture de la communauté de vie du fait du décès du conjoint français contrairement à celles de l'article L. 313-12 de de ce même code applicables en cas de demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au ressortissant étranger marié à un Français, le préfet du Cher a méconnu le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 3 ; que l'arrêté contesté est, dès lors, illégal et doit être annulé ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au préfet du Cher de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de sa notification, et de munir l'intéressée, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604186 du 30 mars 2017 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du préfet du Cher du 6 décembre 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Cher de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, dans l'intervalle, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Cher.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2017, où siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2017.
Le rapporteur,
B. MassiouLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01355