Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions du 8 août 2016 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1602977 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2016, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 octobre 2016 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, sous astreinte, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou la mention " salarié " ou, à défaut, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- les décisions lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- elles portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort que le préfet a estimé qu'il pouvait bénéficier d'un traitement adapté au Kosovo alors qu'un tel traitement n'existe pas ou seulement de manière aléatoire et que, compte tenu de l'origine de sa pathologie, un traitement médical administré dans ce pays est inadapté ;
- le préfet s'est borné à entériner l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, sans prendre de décision propre ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2017, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine ;
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., ressortissant kosovar né le 5 septembre 1981, est entré en France le 16 janvier 2008 et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade jusqu'au 11 juillet 2009, du 28 septembre 2009 au 27 septembre 2010 et du 10 août 2012 au 9 août 2016 ; que, par un arrêté du 8 août 2016, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande tendant au renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que M. B...relève appel du jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces trois décisions ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet d'Indre-et-Loire :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, relatif aux contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa version alors applicable : " Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...) / Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat. " ;
3. Considérant que le jugement attaqué a été notifié à M. B...le 8 novembre 2016 ; que l'intéressé a formé, le 10 novembre 2016, soit avant l'expiration du délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, une demande d'aide juridictionnelle, laquelle a eu pour effet d'interrompre de délai de recours contentieux ; qu'il a été statué sur cette demande par une décision du 18 janvier 2017 ; qu'ainsi, la requête d'appel, enregistrée au greffe de la cour le 20 décembre 2016, n'est pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet doit être écartée ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Considérant que M.B..., séjournait en France, à la date de la décision contestée, depuis plus de huit ans, dont plus de cinq ans, sous couvert d'un titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier que, souffrant de troubles psychonévropathiques sévères, le requérant a vu son état de santé se stabiliser grâce, notamment, au suivi psychothérapique régulier dont il bénéficie en France ; qu'il a noué sur le territoire français des liens amicaux stables ; qu'il justifie d'une insertion professionnelle et dispose d'un domicile propre, ses revenus d'activité lui assurant, d'ailleurs, une autonomie matérielle ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, alors même que le requérant ne serait pas dépourvu de toute attache familiale au Kosovo, la décision du préfet d'Indre-et-Loire lui refusant le renouvellement de son titre de séjour a porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant que, eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant la situation de M.B..., que le préfet d'Indre-et-Loire lui délivre, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens, sans qu'il soit besoin de l'assortir d'une l'astreinte ;
Sur les conclusions à fin d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B...de la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 octobre 2016 et les décisions du 8 août 2016 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de renouveler le titre de séjour de M.B..., l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de délivrer à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A...la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2017.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT04063