Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel la préfète du Cher a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1700059 du 13 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2017, Mme C...B..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Cher du 7 décembre 2016 ;
3°) de lui délivrer un certificat de résidence algérien sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont, d'une part, omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit dont est entaché l'arrêté contesté dès lors qu'il ne pouvait lui être opposé, pour l'application des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, l'absence de visa de long séjour et, d'autre part, n'ont pas répondu au moyen relatif à la présence et la résidence habituelle de son mari en France ;
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit car la préfète du Cher ne pouvait lui opposer, pour l'application des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, l'absence de visa de long séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle porte atteinte à son droit ainsi qu'à celui de son époux de mener une vie privée familiale normale, qu'elle justifie de l'intensité des liens et des attaches qu'il a avec la France puisque son époux y a sa résidence habituelle depuis 2012, qu'elle justifie d'une communauté de vie avec son mari depuis cette même année, d'une insertion professionnelle et d'une intégration réussies et de la naissance de son enfant en France en 2016 ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations du 2° de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la décision contestée entraînera de très lourdes conséquences pour la société qu'elle gère, pour ses employés et pour le quartier dans lequel sont implantés ses salons de coiffure alors qu'il ne lui est reproché que l'absence de présentation d'un visa de long séjour ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2017, la préfète du Cher conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M.A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., de nationalité algérienne, est née le 4 novembre 1990 ; qu'entrée en France en novembre 2014 pour y rejoindre son époux, elle a déposé une demande de régularisation de sa situation administrative le 16 février 2015 ; que par un arrêté du 28 octobre 2016, la préfète du Cher a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien et a décidé de la remettre aux autorités italiennes ; que par un nouvel arrêté du 7 décembre 2016, la préfète du Cher a abrogé sa décision de remise aux autorités italiennes, a maintenu son refus de délivrer à Mme B...un certificat de résidence algérien et obligé l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 avril 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté en toutes ses décisions ;
Sur la régularité du jugement attaqué:
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces de première instance que Mme B... n'a pas allégué, pour contester la légalité de cet arrêté, qu'il serait entaché d'une erreur de droit en tant qu'il a été opposé à sa demande de délivrance de certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien le défaut de production d'un visa de long séjour ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer pour ne pas avoir répondu à ce moyen qu'elle n'avait pas opposé et qui n'est pas d'ordre public ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;
4. Considérant que pour répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la préfète du Cher au regard des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien compte tenu des attaches de la requérante en France, les premiers juges, après avoir cité ce texte, ont rappelé la situation administrative, professionnelle et familiale de l'intéressée et de son conjoint, notamment la circonstance que ce dernier est arrivé pour la première fois en France à l'âge de 33 ans et qu'il avait effectué de nombreux allers et retours entre la France et l'Italie où lui avait été délivré un titre de séjour valable du 11 avril 2012 au 7 novembre 2013 ; que les premiers juges, qui n'étaient au demeurant pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments exposés par la requérante dans ses écritures, ont ainsi répondu, de manière suffisamment motivée, à ce moyen ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " (... ) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné de pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " aux ressortissants algériens est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour ;
6. Considérant que si Mme B...soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'un certificat de résidence en qualité de commerçant pour exploiter un salon de coiffure à Bourges, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne justifie pas de l'obtention d'un visa de long séjour, n'ayant bénéficié que d'un titre de séjour délivré par les autorités maltaises qui ne l'autorise pas à séjourner en France plus de trois mois ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'en opposant l'absence de visa de long séjour à sa demande de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, lequel est exigé par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, la préfète du Cher aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
8. Considérant que le préfet peut toujours exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait ; qu'en l'espèce, la préfète du Cher a examiné si la décision contestée était de nature à porter une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale ;
9. Considérant que Mme B...soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète du Cher lui a opposé le défaut de délivrance d'un visa de long séjour et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie être, avec son mari, gérante d'une société et de deux salons de coiffure à Bourges dans un quartier où il n'existe que peu de commerces, que la société emploie régulièrement cinq salariés et qu'elle justifie, ainsi, d'une insertion professionnelle réussie ; qu'elle fait également valoir que son mari a sa résidence habituelle en France depuis 2012, que la communauté de vie avec son conjoint a commencé dès 2012 antérieurement à son arrivée en France en 2014, qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française et qu'elle est la mère d'un jeune enfant né en France en 2016 ; qu'il ressort, toutefois, des énonciations de la décision contestée, que pour examiner les conséquences de la décision sur la situation privée et familiale de l'intéressée, la préfète du Cher n'a pas opposé la circonstance qu'elle ne justifiait pas de l'obtention d'un visa de long séjour ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est arrivée en France sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités maltaises en 2014, alors qu'elle était âgée de 24 ans, pour rejoindre son mari qu'elle a épousé en Algérie en 2012 ; que ce dernier n'est arrivé, quant à lui, pour la première fois en France, qu'en 2012 alors qu'il était âgé de 33 ans sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes valable du 11 avril 2012 au 7 novembre 2013 et a effectué de nombreux allers et retours entre la France et l'Italie ainsi que vers l'Algérie pour rendre visite à la requérante ; que la communauté de vie dont se prévaut Mme B...en France est ainsi récente ; que s'ils sont parents d'un jeune enfant né en France le 24 février 2016, il n'est pas établi, ni même allégué que la vie familiale ne puisse se poursuivre ailleurs qu'en France, notamment en Algérie ; qu'il ressort des énonciations de la décision litigieuse, qui ne sont pas contestées sur ce point, qu'elle a déclaré, ainsi que son mari, avoir des attaches familiales en Algérie (parents, frères et soeurs) ; que, pour l'application des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, la circonstance que l'intéressée et son mari soient gérants de fonds de commerce en France est sans incidence sur la légalité de la décision dès lors que le droit au séjour des ressortissants algériens pour exercer une activité commerciale en France, est prévu par les stipulations de l'article 5 du même accord et nécessite, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, l'obtention préalable d'un visa de long séjour ; qu'il résulte de ce qui précède, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de la requérante et alors même qu'elle serait bien intégrée dans le quartier où elle gère son commerce, que la préfète du Cher, en refusant de délivrer à Mme C...B..., un certificat de résidence n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et n'a pas porté au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien précité ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, la préfète du Cher n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige ; que si Mme B...fait, par ailleurs, valoir que la décision contestée aurait des conséquences économiques disproportionnées pour son commerce, pour le quartier d'accueil dans lequel il est inséré ainsi que pour les salariés que la société emploie, il résulte, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'exercice d'une activité commerciale en France par un ressortissant algérien nécessite, en application des stipulations des articles 5 et 9 de l'accord franco-algérien, l'obtention préalable d'un visa de long séjour par les autorités françaises ; que la nécessité d'obtenir un tel visa constitue une mesure prévue par la loi nécessaire au bien-être économique du pays au sens des stipulations du 2°de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, MmeB..., qui ne justifie pas de l'obtention d'un visa de long séjour pour exploiter son commerce, n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait le 2° de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme B...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise à la préfète du Cher.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2018.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01487