Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 août 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, d'enjoindre au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un jugement n° 1508495 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision du 26 août 2015 et en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 23 juin 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juin 2017 et par effet dévolutif de l'appel d'opérer la substitution de motif refusée par le tribunal et de rejeter comme non fondée la demande de première instance de M.B... ;
Il soutient que sa demande de substitution de motifs est recevable et que M. B...a été par le passé connu défavorablement des services de police et a déjà été condamné plusieurs fois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2017, M. A...B...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n°93-1362 du 30 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Sacher a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant marocain né le 12 mars 1977 à Dkhissa (Maroc), a sollicité l'acquisition de la nationalité française ; que par une décision du 6 février 2015, le préfet de Loir-et- Cher, a rejeté sa demande de naturalisation ; que le ministre de l'intérieur, saisi par M. B...le 1er avril 2015 du recours administratif préalable obligatoire, a, le 26 août 2015, décidé d'ajourner à deux ans sa demande de à compter du 6 février 2015 ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 26 août 2015 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'en vertu de l'article 27 du même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant qu'a été rejetée en première instance la demande du ministre de l'intérieur d'opérer une substitution de motifs tirée de la moralité du postulant ; que pour rejeter cette demande, les premiers juges s'étaient fondés sur le fait que M. B...n'avait pas fait l'objet d'une autre condamnation que celle pour laquelle il a été condamné le 23 juin 2006 et qu'il s'est engagé depuis dans un parcours de formation et à obtenu le diplôme d'éducateur spécialisé et exerce en contrat à durée indéterminée au sein d'une association oeuvrant pour la protection de l'enfance ; que, toutefois, ce même jugement faisait état d'une condamnation le 23 janvier 1997 par la cour d'appel de Bourges ; que, contrairement à ce qu'indique M.B..., il ne ressort pas de la lecture de ce jugement que cette mention serait le fruit d'une erreur matérielle ; que le simple fait que le jugement correctionnel du 1er juin 2011 ne fait pas état de cette condamnation en 1997 n'établit pas que la condamnation du 23 janvier 1997 serait inexistante ; qu'ainsi, M. B...était en état de récidive lorsqu'il a été condamné en 2006 par le tribunal correctionnel de Châteauroux, pour " détention offre ou cession non autorisés de stupéfiants en septembre 2004 et relaxé pour le surplus " à une peine de 18 mois d'emprisonnement dont 14 mois assortis d'un sursis simple ; que le pouvoir d'appréciation dont dispose le ministre en matière de naturalisation lui permettait de prendre en considération ces faits défavorables, en dépit du jugement correctionnel du 1er juin 2011 faisant droit à la demande de M. B...de non inscription au bulletin n°2 de son casier judiciaire de sa condamnation ; qu'à la date de la décision attaquée, les faits remontaient à moins de quinze ans et le dernier jugement condamnant M. B...à moins de dix ans ; qu'ainsi, en dépit de leur ancienneté et eu égard à la récidive et à la nature des faits reprochés, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la naturalisation sollicitée, était fondé à demander une substitution de motifs, alors même que le comportement de M. B...n'aurait plus fait l'objet de critiques depuis 2006, et justifierait désormais d'une insertion professionnelle réussie ; que le ministre aurait pris la même décision d'ajournement s'il s'était fondé sur le seul motif tiré du comportement du postulant ; qu'eu égard au large pouvoir d'appréciation dont il dispose en la matière, le motif invoqué par le ministre suffisait, sans pour autant entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, à fonder sa décision d'ajournement à deux ans, en se réservant la possibilité, à l'issue de cette période, de donner suite à une nouvelle demande de l'intéressé si le comportement de réinsertion de ce dernier était confirmé ; que par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de demandée par le ministre ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens d'annulation soulevés par
M. B...tant en première instance qu'en appel ;
5. Considérant qu'ainsi qu'il a été énoncé au point 3, le ministre pouvait valablement fonder sa décision sur le seul motif tiré du comportement du requérant ; qu'à la date de la décision attaquée, les faits reprochés à M. B...remontaient à moins de quinze ans et le dernier jugement condamnant M. B...à moins de dix ans ; que c'est sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que le ministre, eu égard au pouvoir d'appréciation dont il dispose en la matière, a refusé de faire droit à la demande de M.B..., alors même que le comportement de M. B...n'aurait plus fait l'objet de critiques depuis 2006, et justifierait désormais d'une insertion professionnelle réussie ;
6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé sa décision du 26 août 2015 ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M.B... ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Nantes et rejette la demande de M. B...n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais du litige :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B...demande à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 21 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...B...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 8 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2018.
Le rapporteur,
E. SACHERLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01908