Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les décisions du 22 février 2017 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 1700836 du 16 octobre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 novembre 2017, le 26 février 2018 et le 13 avril 2018, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision portant refus de titre de séjour contestée ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Il soutient que :
- si, en s'estimant saisi d'une demande tendant à l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, le tribunal s'est mépris sur la portée de la demande, l'invitation à quitter le territoire français déférée devant les premiers juges est, elle, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'incompétence ;
- il a droit à la délivrance d'un titre de séjour au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en se fondant, pour considérer que l'atteinte portée à son droit à une vie privée et familiale n'était pas disproportionnée, sur la circonstance que son épouse pouvait former une demande de regroupement familial, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait ; il a également ajouté à la loi en exigeant une condition de continuité du séjour non prévue par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne l'invitation à quitter le territoire français :
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- sa décision portant refus de titre de séjour n'est pas assortie d'une invitation à quitter le territoire français de sorte que tous les moyens dirigés contre une telle décision doivent être écartés comme inopérants ;
- les autres moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les observations de Mbilapindo, représentant M.C....
1. Considérant que M.C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 3 août 1957, est entré en France le 13 octobre 2008 muni d'un visa de court séjour et, selon ses déclarations, s'y est irrégulièrement maintenu depuis lors ; qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa situation privée et familiale ; que, par une décision du 22 février 2017, le préfet du Loiret a, après avoir examiné sa situation au regard des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que M. C...relève appel du jugement du 16 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du préfet du Loiret du 22 février 2017 ;
Sur les conclusions aux fins d'admission au provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Considérant que M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018 ; que, par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué et la recevabilité des conclusions de la demande dirigées contre l'invitation à quitter le territoire français :
3. Considérant, d'une part, que M. C...soutient qu'en statuant sur des conclusions à fin d'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français alors qu'ils étaient saisis d'une demande tendant à l'annulation d'une invitation à quitter le territoire français, les premiers juges se sont mépris sur la portée de sa demande ; qu'il ressort toutefois des écritures de première instance et notamment de celles figurant aux pages 10 et 12 de la requête introductive d'instance que M. C...a expressément demandé l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dont aurait été assortie la décision de refus de titre de séjour ; qu'ainsi, le jugement attaqué, qui, après avoir relevé que la décision en litige " se borne à rappeler au requérant qu'il doit prendre ses dispositions pour quitter le territoire national, ainsi que les risques de poursuites judiciaires et de mesure administrative de reconduite à la frontière auquel il serait exposé en cas de maintien sur ce territoire ", considère que les conclusions dirigées contre une décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'existe pas, sont irrecevables, n'est pas irrégulier ;
4. Considérant, d'autre part, que, dans sa décision du 22 février 2017, le préfet du Loiret a invité M. C...à prendre toutes dispositions utiles pour quitter la France à destination du pays de son choix dans un délai d'un mois et précisé qu'en cas de maintien sur le territoire français l'intéressé s'exposerait à des poursuites judiciaires ainsi qu'à une " mesure administrative de reconduite à la frontière ", en application de " l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", lequel a, au demeurant, été abrogé à compter du 2 janvier 2013 par la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 ; que, toutefois, cette " invitation à quitter le territoire français " ne peut être regardée comme une mesure d'éloignement du territoire français au sens de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, elle ne constitue pas une décision faisant grief ; que dès lors, la demande tendant à son annulation est irrecevable;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, lesquelles, contrairement à ce que soutient le préfet, peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de titre de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant que M. C...est le père du jeune A...né en France le 15 avril 2007 et scolarisé depuis 2010 ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de consultation établi le 3 mars 2014 par le médecin pédiatre suivant le jeuneA..., que l'épouse et mère du fils du requérant est séropositive pour le virus de l'immunodéficience humaine ; qu'elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, en cours de renouvellement à la date de la décision contestée, et d'ailleurs renouvelé, en dernier lieu, pour une période de deux ans, jusqu'au 8 février 2020 ; qu'il ressort en outre du certificat médical du 26 octobre 2017, qui bien que postérieur à date de la décision en litige est de nature à éclairer la situation existant à cette date, que l'état de santé de l'épouse de M. C...nécessite l'assistance d'une tierce personne au quotidien ; qu'il n'est pas contesté par le préfet que le niveau de ressources du couple ferait obstacle à ce qu'il soit fait droit à une demande de regroupement familial ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'état de santé de la mère du fils de M. C...et alors qu'une demande de regroupement familial aurait peu de chances de prospérer, en refusant au requérant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Loiret a méconnu l'intérêt supérieur de son enfant et a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du préfet du Loiret du 22 février 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant que, eu égard au motif d'annulation sur lequel il est fondé, le présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à M.C... ; que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant la situation du requérant, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Loiret d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La décision du 22 février 2017 par laquelle le préfet du Loiret a refusé la délivrance à M. C...d'un titre de séjour ainsi que le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 octobre 2017 en tant qu'il rejette les conclusions de la demande dirigées contre cette décision sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à M. C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 28 août 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03398 2
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