Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 décembre 2014 par laquelle le préfet du Bas-Rhin a déclaré irrecevable sa demande d'acquisition de la nationalité française ainsi que la décision du 23 avril 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a substitué à cette décision une décision de rejet.
Par un jugement n° 1505812 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2017, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2017 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de réexaminer sa demande de naturalisation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la compétence du signataire de la décision du 23 avril 2015 n'est pas démontrée ;
- le refus opposé à sa demande de naturalisation n'est pas suffisamment motivé ;
- il remplit les conditions de recevabilité fixées par les articles 21-22, 21-23, 21-27 et 21-24 du code civil ainsi que les prescriptions de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993 ;
- en estimant qu'il ne justifiait pas d'une assimilation suffisante à la communauté française, sans considération de sa condition, sociale, culturelle et économique, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions dirigées contre la décision du préfet du Bas-Rhin du 8 décembre 2014 sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant angolais, titulaire de la qualité de réfugié, a sollicité l'acquisition de la nationalité française. Par une décision du 8 décembre 2014, le préfet du Bas-Rhin a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable. Le ministre de l'intérieur, par une décision du 23 avril 2015, a rejeté le recours administratif formé par M. B...contre la décision du préfet et a substitué à cette dernière une décision de rejet. M. B...relève appel du jugement du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions susmentionnées du 8 décembre 2014 et du 23 avril 2015.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du préfet du 8 décembre 2014 :
2. Aux termes de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours (...) constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".
3. La décision du 23 avril 2015 du ministre de l'intérieur, saisi par M. B...du recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions précitées de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993, s'est substituée à la décision du préfet du Bas-Rhin du 8 décembre 2014. Par suite, les conclusions de la requête dirigées contre cette décision préfectorale doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre du 23 avril 2015 :
4. En premier lieu, M. B...réitère en appel le moyen soulevé en première instance et tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 27 du code civil : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret ainsi qu'une autorisation de perdre la nationalité française doit être motivée. ".
6. La décision contestée, qui se réfère notamment aux articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993, fait état des éléments du compte rendu, établi à l'issue de l'entretien destiné à évaluer le niveau de connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française et de l'adhésion de l'intéressé aux principes et aux valeurs essentiels de la République, sur lesquels le ministre s'est fondé pour estimer que M. B... ne justifiait pas d'une connaissance suffisante des grands repères de l'histoire de la France, des règles de vie en société et des principaux droits et devoirs liés à l'exercice de la citoyenneté française. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) / Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation (...). Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...), il prononce le rejet de la demande. (...) ".
8. Le moyen tiré de ce que la demande de naturalisation de M. B...satisfait aux conditions de recevabilité fixées par les articles 21-22, 21-23, 21-27 et 21-24 du code civil ainsi qu'aux prescriptions de l'article 37 du décret du 30 décembre 1993 est inopérant dès lors que, par la décision contestée, le ministre de l'intérieur n'a pas déclaré cette demande irrecevable mais l'a rejetée en se plaçant sur le terrain de l'opportunité.
9. En dernier lieu, en vertu des dispositions précitées de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'assimilation culturelle à la communauté française.
10. Il ressort du compte rendu qui a été établi à l'issue de l'entretien d'assimilation mené le 8 décembre 2014 que M. B...n'a pas été en mesure de citer la devise de la République française ni expliquer les concepts de fraternité et de laïcité. Il n'a pas davantage pu donner le nom du fleuve qui traverse Strasbourg ni mentionner des monuments historiques à l'exception de la Tour Eiffel et de la cathédrale de Strasbourg. Il a montré des lacunes dans sa connaissance de l'histoire de France, s'agissant notamment de l'événement que commémore la fête nationale, ainsi que sur le droit de vote. Dans ces conditions, alors même que M.B..., dont l'adhésion aux principes et valeurs de la République a, par ailleurs, été jugée satisfaisante, a été déscolarisé à l'âge de neuf ans et que, compte tenu de son parcours de vie, il n'a pu accéder à l'enseignement et à la culture, le ministre de l'intérieur a pu, eu égard au très large pouvoir d'appréciation dont il dispose, estimer qu'il n'y avait pas lieu de lui accorder la nationalité française, sans entacher sa décision de rejet d'erreur manifeste d'appréciation.
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
Le rapporteur,
K. BOUGRINELe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03961 2
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