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25/01/2019 | FRANCE | N°18NT03878

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 25 janvier 2019, 18NT03878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...D..., en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, C...G..., a demandé au tribunal administratif de Caen de prescrire une expertise médicale afin de déterminer si la prise en charge de sa fille par le centre hospitalier de l'Aigle (Orne) avait été conforme aux données de la science et de se prononcer sur les préjudices résultant d'un éventuel défaut ou retard de diagnostic.

Par une ordonnance n° 1801967 du 9 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif d

e Caen, après avoir notamment mis hors de cause le centre hospitalier de Lisieux, a o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...D..., en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, C...G..., a demandé au tribunal administratif de Caen de prescrire une expertise médicale afin de déterminer si la prise en charge de sa fille par le centre hospitalier de l'Aigle (Orne) avait été conforme aux données de la science et de se prononcer sur les préjudices résultant d'un éventuel défaut ou retard de diagnostic.

Par une ordonnance n° 1801967 du 9 octobre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Caen, après avoir notamment mis hors de cause le centre hospitalier de Lisieux, a ordonné une expertise qu'il a confiée au docteur Jean-Claude Mselati, pédiatre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 octobre et 10 décembre 2018 le centre hospitalier de l'Aigle, représenté par MeJ..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Caen du 9 octobre 2018 en tant qu'elle n'a pas associé le centre hospitalier de Lisieux à l'expertise prescrite ;

2°) d'étendre l'expertise au contradictoire du centre hospitalier de Lisieux ;

3°) de mettre les frais de l'expertise à la charge MmeD....

Il soutient que :

- dès lors que l'enfant C...G...a été transférée immédiatement après sa naissance, le 14 février 2010, au centre hospitalier de Lisieux et qu'elle y a été de nouveau admise du 27 février au 8 mars 2010, l'expertise doit également porter sur les conditions de sa prise en charge par cet établissement ;

- rien ne permet d'affirmer que l'important retard psycho-moteur dont souffre C...G...relève de sa responsabilité et que les soins prodigués au centre hospitalier de Lisieux y sont totalement étrangers.

Par un mémoire enregistré le 22 novembre 2018 Mme D..., représentée par Me Brodin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Caen du 9 octobre 2018 en ce qu'elle n'a pas associé le centre hospitalier de Lisieux à l'expertise prescrite ;

2°) d'étendre l'expertise au contradictoire du centre hospitalier de Lisieux ;

3°) de lui accorder à titre provisoire le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de réserver les dépens et de mettre à la charge de l'Etat l'allocation provisionnelle de 2 500 euros accordée à l'expert par le président du tribunal administratif de Caen.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier de Lisieux, qui a pris en charge sa fille peu après sa naissance et encore pendant six jours à partir du 27 février 2010, et où sa pathologie a été diagnostiquée, doit nécessairement participer aux opérations d'expertise ;

- l'expert devra dire si les soins dont C...a bénéficié au centre hospitalier de Lisieux ont été conformes aux données acquises de la science et si ces soins auraient dû être prodigués par le centre hospitalier de l'Aigle lorsqu'elle s'est présentée à son service des urgences le 27 février 2010.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2018, le centre hospitalier de Lisieux, représenté par MeF..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que l'expertise soit confiée à un gynécologue et à un pédiatre et à ce que la mission en soit modifiée, enfin à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de l'Aigle la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le centre hospitalier de l'Aigle et par Mme D... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique, à M. B...G...et au docteur L... qui n'ont pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté de la requête de MmeD....

Par des observations enregistrées le 7 janvier 2019, Mme D...a répondu au courrier l'informant qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office par la cour.

L'enfant C...G...représentée par sa mère, Mme H...D..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeI..., représentant le centre hospitalier de Lisieux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H...D...a accouché le 14 février 2010 au centre hospitalier de l'Aigle d'une petite fille prénomméeC.... Celle-ci, qui présentait des vésicules purulentes sur les membres et l'hémi-thorax, a été transférée le même jour vers le service de néonatologie du centre hospitalier de Lisieux. Une incontinence pigmentaire a été diagnostiquée et soignée dans cet établissement. Le bébé a quitté l'hôpital le 20 février 2010. Dans la nuit du 27 février 2010, il a souffert de fortes convulsions qui ont conduit sa mère à le transporter au service des urgences du centre hospitalier de l'Aigle. Le médecin urgentiste, après l'avoir examiné, l'a renvoyé à son domicile en préconisant une consultation pédiatrique. Cette même nuit, MmeD..., constatant que l'état de santé de sa fille ne s'améliorait pas, s'est rendue au service des urgences du centre hospitalier de Lisieux, où son enfant a immédiatement été hospitalisé pour une surveillance et un bilan de son état de santé. Les examens alors réalisés ont permis de détecter l'existence de lésions cérébrales qui sont à l'origine de l'important retard psychomoteur et du déficit moteur des membres inférieurs dont souffre C...aujourd'hui. Sur la demande de MmeD..., le juge des référés du tribunal administratif de Caen a prescrit, par une ordonnance du 9 octobre 2018, une expertise médicale afin de déterminer, notamment, si C...avait été victime d'une faute ou d'une erreur médicale lors de sa prise en charge par le service des urgences du centre hospitalier de l'Aigle le 27 février 2010. Le centre hospitalier de l'Aigle ainsi que Mme D...relèvent appel de cette ordonnance, en tant qu'elle n'a pas associé le centre hospitalier de Lisieux aux opérations d'expertise.

2. Par une décision du 10 décembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour le compte de sa filleC.... Ses conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire sont, par suite, dépourvues d'objet.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'un mesure d'instruction ou d'expertise doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

4. Le juge des référés du tribunal administratif de Caen a écarté la participation du centre hospitalier de Lisieux aux opérations d'expertise au motif que Mme D...n'imputait aucune faute à ce centre hospitalier. Or un tel motif n'est pas de ceux qui peuvent, à eux seuls, justifier l'absence de participation d'une personne physique ou morale à des opérations d'expertise auxquelles elle a été attraite par le demandeur devant le juge du référé expertise. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, la jeune C...ayant été soignée du 14 au 20 février 2010 puis du 27 février au 8 mars 2010 au centre hospitalier de Lisieux, où ont été diagnostiquées les lésions cérébrales à l'origine de son handicap, la participation de cet établissement hospitalier aux opérations d'expertise apparaît utile dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel cette expertise est susceptible de se rattacher. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle n'a pas associé le centre hospitalier de Lisieux à l'expertise prescrite et d'étendre les opérations d'expertise à cet établissement hospitalier. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de modifier la mission d'expertise fixée par le juge des référés du tribunal administratif de Caen, comme le demande le centre hospitalier de Lisieux.

Sur les frais de l'expertise :

5. Aucune des dispositions du code de justice administrative ne confère au juge des référés, que ce soit en première instance ou en appel, compétence pour désigner la partie à qui incombe la charge provisoire des frais de l'expertise qu'il a ordonnée. Par suite, les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier de l'Aigle et par Mme D...ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier de l'Aigle, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au centre hospitalier de Lisieux la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentées par MmeD....

Article 2 : L'ordonnance n° 1801967 du 9 octobre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Caen est annulée en tant qu'elle a écarté le centre hospitalier de Lisieux des opérations de l'expertise.

Article 3 : Les opérations de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1801967 du 9 octobre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Caen sont étendues au centre hospitalier de Lisieux.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par le centre hospitalier de l'Aigle et Mme D...et les conclusions présentées par le centre hospitalier de Lisieux sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de l'Aigle, à Mme H... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados, au centre hospitalier de Lisieux, à M. B... G...et au docteur L....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. PerrotLe greffier,

M. Laurent

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT03878


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03878
Date de la décision : 25/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SIMON ASSOCIES PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-25;18nt03878 ?
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