Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1510159 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 15 octobre 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. D...contre la décision du 11 juin 2015 du consul général de France à Douala refusant de délivrer à M. D... un visa de long séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mai 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. et MmeD... ;
5°) de mettre à la charge de M. et Mme D...une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a dénaturé les faits ; il existe un doute sérieux sur l'identité du demandeur de visa ;
- une erreur de fait a été commise dès lors que le mariage est entaché de fraude ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est régulière.
Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2018, M. et Mme A...D..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
- de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ;
- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent qu'aucun moyen n'est fondé.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter des conclusions.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Brisson.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...D..., ressortissant camerounais, né en 1986, a épousé à Rennes, le 18 janvier 2014, une ressortissante française, MmeE.... Les autorités consulaires françaises ont refusé, par une décision du 11 juin 2015, de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, le 15 octobre 2015, explicitement rejeté le recours formé par l'intéressé contre la décision consulaire. Saisi d'une demande d'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Nantes y a fait droit aux termes du jugement du 6 mars 2018 dont le ministre relève appel.
2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, sur la base d'éléments précis et concordants, que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.
3. Pour refuser à M. D...le visa de long séjour sollicité en qualité de conjoint de ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que son mariage avec Mme C...E..., célébré à Rennes le 18 janvier 2014, présente un caractère frauduleux et a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter son établissement en France.
4. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, que la réalité du lien matrimonial est établie eu égard aux éléments caractérisant une vie commune, en particulier le projet des époux d'avoir un enfant, une gestion en commun des affaires du couple révélés en particulier par les attestations de tiers ou le maintien de la relation entre les époux après le départ du territoire de M. D...en 2015, ce en dépit des imprécisions entachant le jugement supplétif du tribunal de grande instance de Douala-Wouri du 7 août 2015 ordonnant la reconstitution de l'acte de naissance de M. D...ou de la circonstance que l'orthographe du nom de l'intéressé figurant sur le passeport délivré en avril 2013 comporte une inversion de lettres s'agissant de son prénom.
5. Si le ministre soutient de nouveau en appel que la réalité de l'intention matrimoniale et le maintien des relations entre le requérant et son épouse française ne sont pas établis, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la fraude dont serait entaché le mariage de l'intéressé en réitérant les mêmes arguments et circonstances de fait que ceux insuffisants invoqués en première instance sans apporter au soutien de ceux-ci de nouveaux éléments.
6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 15 octobre 2015. Par suite, les conclusions présentées par le ministre tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B...de la somme de 1500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E:
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A...D...et à Mme C...D....
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 février 2019.
Le rapporteur,
C. BRISSONLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT01819 2
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