La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2019 | FRANCE | N°18NT00327

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 08 mars 2019, 18NT00327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 61 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à la décision d'opposition à tout séjour de vacances en famille en faveur de mineurs à son domicile de Saint-Hilaire-de-Riez, opposée par un arrêté du préfet de la Vendée pris le 8 juillet 2014.

Par un jugement n° 1505076 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à

sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en raison du pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 61 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à la décision d'opposition à tout séjour de vacances en famille en faveur de mineurs à son domicile de Saint-Hilaire-de-Riez, opposée par un arrêté du préfet de la Vendée pris le 8 juillet 2014.

Par un jugement n° 1505076 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en raison du préjudice moral qu'il lui a reconnu.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 24 novembre 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 51 000 euros au titre de son préjudice matériel et 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- le tribunal s'est mépris sur la nature du préjudice qu'elle invoquait, qui résulte de la privation du flux de trésorerie dont elle a été privée ;

- en matière de service à la personne, les charges d'exploitation présentent avant tout un caractère théorique et le tribunal n'avait pas à lui demander de justifier de telles charges ;

- son préjudice matériel s'élève à 51 000 euros ;

- son préjudice moral a été gravement sous-estimé ;

- elle et son mari ont été victimes d'un comportement discriminatoire de la part de l'Etat ;

- la somme de 10 000 euros qu'elle réclame au titre du préjudice moral est justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les prétentions indemnitaires de Mme B...ne sont pas fondées dès lors qu'elle s'abstient de fournir tout justificatif de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis, et qu'aucune discrimination n'est intervenue à son égard en raison de l'obligation de protection des mineurs incombant au préfet de la Vendée, compte tenu de la suspicion pesant sur M. B...du fait de sa condamnation le 17 avril 2014 par le tribunal correctionnel de Saint-Malo pour des faits de violences sur mineur.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mony,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., qui exerce la profession d'éducatrice spécialisée, a déposé, en application de l'article L. 227-5 du code de l'action sociale et des familles, une déclaration préalable auprès du préfet de la Vendée, en vue de l'organisation, entre le 4 juillet et le 2 septembre 2014, d'un séjour de vacances en famille devant se dérouler à Saint-Hilaire-de-Riez. Par un arrêté du 6 juin 2014, le préfet d'Ille-et-Vilaine a prononcé à l'encontre de M. A... B..., son époux, une mesure de suspension d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles. Par un arrêté du 8 juillet 2014, le préfet de la Vendée, usant des pouvoirs que lui confèrent ces mêmes dispositions, s'est opposé à la déclaration de Mme B...au motif que les conditions dans lesquelles était envisagé le séjour présentaient des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs accueillis. Par courrier du 27 mars 2015, Mme B...a saisi le préfet d'une réclamation tendant à la réparation des préjudices subis consécutivement à cette décision, qui a été rejetée par décision du 22 avril 2015. L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 61 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral. Par jugement du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. Mme B...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Par son jugement du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a estimé que l'arrêté du préfet de la Vendée du 8 juillet 2014 devait être regardé comme reposant sur des faits matériellement inexacts, M. B...ayant été relaxé des poursuites dont il faisait l'objet pour faits de violence par un arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 27 avril 2016. Il a également estimé que l'illégalité de la décision préfectorale constituait une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à justifier l'indemnisation des préjudices résultant de cette décision et entretenant un lien de causalité direct avec cette illégalité.

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pour évaluer le préjudice matériel qu'elle a subi, Mme B...persiste à se fonder sur un chiffre d'affaires prévisionnel résultant de l'application d'un tarif journalier de 150 euros par mineur accueilli, en justifiant des différents accords reçus en vue de cet accueil fournis par le représentant légal du mineur concerné ou le service d'aide sociale à l'enfance dont il relève. Toutefois, les éléments qu'elle produit ne permettent pas de déterminer la perte de bénéfices qui est, seule, susceptible de donner lieu à réparation. En particulier, Mme B...ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance des charges induites par l'accueil des jeunes mineurs en se bornant à invoquer des charges de personnel, sans aucune précision, d'alimentation et de logement, sans autre justificatif que l'indication d'un montant journalier de dépenses d'alimentation par mineur accueilli et un montant correspondant au " loyer de la maison ", charges dont il n'est aucunement justifié. Par suite, MmeB..., qui n'établit pas la matérialité du préjudice financier qu'elle allègue avoir subi, lequel ne peut se réduire à une perte de chiffre d'affaires, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de l'indemniser du manque à gagner qu'elle prétend avoir subi en raison de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 8 juillet 2014.

4. Mme B...soutient, en second lieu, qu'en condamnant l'Etat à lui verser une somme de 1 000 euros en raison du préjudice moral subi du fait de la décision du préfet de Vendée du 8 juillet 2014, le tribunal administratif a sous-estimé l'évaluation de ce préjudice qui résulte selon eux d'un comportement discriminatoire de l'administration.

5. Il résulte de l'instruction que si le préfet de la Vendée s'est fondé sur des faits matériellement inexacts, la condamnation de M. B...pour violence sur mineurs ayant finalement été annulée le 27 avril 2016 par la cour d'appel de Rennes, il n'a pas pour autant adopté un comportement discriminatoire à l'égard de MmeB.... Cette dernière ne peut ainsi ne peut ainsi se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel. Par suite, en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce celui-ci.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes n'a que partiellement fait droit à sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présence instance, la somme dont Mme B...sollicite le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Degommier, président,

M. Mony, premier conseiller,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2019.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00327
Date de la décision : 08/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : SCP GAFFET MADELENNAT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-08;18nt00327 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award