Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...épouse F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours qu'elle a formé, le 25 janvier 2016 contre la décision du 23 décembre 2015 du préfet de la Haute-Garonne constatant l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1605844 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2018, MmeF..., représentée par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2018 ;
2°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
la décision contestée du ministre de l'intérieur est entachée d'un vice de procédure tiré du fait qu'elle a été reçue, non pas par un seul agent, mais par deux agents lors de l'entretien d'évaluation en méconnaissance des dispositions de l'article 41 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'une décision de rejet ou d'ajournement ne peut être motivée par le constat qu'il n'aura pas été répondu de façon exacte à une ou à plusieurs des questions portant sur l'évaluation de la connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises et de l'adhésion aux principes et valeurs essentielles de la République française ;
elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'absence des réponses à certaines questions ne démontre pas un défaut de connaissance de l'histoire et des valeurs de la République française ;
elle est parfaitement assimilée à la société française du fait de sa situation familiale et professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F...ne sont pas fondés.
Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code civil ;
la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;
le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A... 'hirondel,
et les observations de Mme E...pour le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...épouseF..., ressortissante algérienne née le 4 octobre 1981, a sollicité l'acquisition de la nationalité française. Par une décision du 23 décembre 2015, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande en opposant son irrecevabilité sur le fondement des dispositions de l'article 24-21 du code civil. Saisi d'un recours préalable obligatoire, le ministre de l'intérieur a confirmé l'irrecevabilité de la demande de l'intéressée par une décision du 27 mai 2016. Mme F...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 juillet 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 21-24 du même code : " Nul ne peut être naturalisé s'il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l'adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ". Aux termes de l'article 37 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Pour l'application de l'article 21-24 du code civil : (...) 2° Le demandeur doit justifier d'un niveau de connaissance de l'histoire, de la culture et de la société françaises correspondant aux éléments fondamentaux relatifs : / a) Aux grands repères de l'histoire de France : il est attendu que le postulant ait une connaissance élémentaire de la construction historique de la France qui lui permette de connaître et de situer les principaux événements ou personnages auxquels il est fait référence dans la vie sociale ; / b) Aux principes, symboles et institutions de la République : il est attendu du postulant qu'il connaisse les règles de vie en société, notamment en ce qui concerne le respect des lois, des libertés fondamentales, de l'égalité, notamment entre les hommes et les femmes, de la laïcité, ainsi que les principaux éléments de l'organisation politique et administrative de la France au niveau national et territorial (...) ". Aux termes de l'article 41 du même décret : " Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande. / Lors d'un entretien individuel, l'agent vérifie que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l'histoire, la culture et la société françaises, telles qu'elles sont définies au 2° de l'article 37. / A l'issue de cet entretien individuel, cet agent établit un compte rendu constatant le degré d'assimilation du postulant à la communauté française ainsi que, selon sa condition, son niveau de connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française. (...) ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le compte rendu d'entretien d'assimilation a été établi le 7 avril 2015 par Mme H...D.... Si Mme F...soutient que ce compte rendu aurait été effectué par deux personnes, elle n'apporte au soutien de son allégation aucun élément permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut être qu'écarté.
4. En deuxième lieu, pour rejeter, comme irrecevable, la demande de MmeF..., le ministre s'est fondé sur les dispositions de l'article 21-24 du code civil et sur le motif tiré de ce que la requérante avait démontré une méconnaissance manifeste de l'histoire, de la culture et de la société françaises ainsi que des principaux éléments de l'organisation politique et administrative de la France au niveau national et territorial.
5. Il ressort du compte-rendu de l'entretien d'assimilation que Mme F...a manifesté une méconnaissance générale des valeurs essentielles de la République française, ainsi qu'une méconnaissance de l'histoire, de la culture, de la société française. Elle n'a pas été en particulier en mesure de citer correctement la devise de la République française, de définir la notion de fraternité, d'expliquer à quoi correspond la date du 14 juillet, jour de la fête nationale et l'objet des dernières élections qui se sont déroulées en France. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, notamment du compte rendu d'entretien qui note que " la postulante s'exprime bien, normalement, calmement ", que Mme F...aurait ressenti durant l'entretien un état d'anxiété tel qu'elle aurait été empêchée de pouvoir répondre correctement aux questions qui lui ont été posées portant sur des principes essentiels de la République, ni que l'agent chargé de mener l'entretien aurait négligé de tenir compte de son niveau d'instruction, l'intéressée se présentant comme titulaire d'un diplôme universitaire. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu estimer insuffisante l'assimilation de Mme F...à la communauté française, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation.
6. En dernier lieu, la circonstance, que Mme F...serait parfaitement assimilée à la société française du fait de sa situation familiale et professionnelle est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, eu égard au motif qui la fonde.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme F...ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme F...une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...épouse F...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
M. I...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°18NT03426