Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune d'Arradon à leur verser une somme de 500 000 euros en réparation des préjudices que leur ont causé les irrégularités entachant le protocole transactionnel conclu le 24 mai 2012 avec la commune.
Par un jugement n° 1500789 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2017 et le 30 janvier 2018, M. et Mme E..., représentés par MeC..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2017 ;
2°) de condamner la commune d'Arradon à leur verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices que leur ont causé les irrégularités entachant le protocole transactionnel conclu du 24 mai 2012 ;
3°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme E...soutiennent que :
- le tribunal administratif s'est mépris dans sa qualification juridique des faits de l'espèce ;
- il n'était pas possible au vu du projet d'aménagement du secteur de Pratmer de présumer que la voie de desserte principale du projet serait une voie privée non ouverte à la circulation publique ;
- le règlement de la zone UC du plan d'occupation des sols impose dans le cadre de lotissements et groupes d'habitations présentées dans le cadre d'un schéma directeur que ce schéma directeur assure le désenclavement du reliquat des terrains ne faisant pas partie du schéma directeur ;
- la rue Berthe et Suzanne créée dans le cadre du lotissement Parc Goah Hery devait permettre le désenclavement de leurs terrains ;
- le but qu'ils poursuivaient au travers du protocole transactionnel était précisément d'obtenir ce désenclavement ;
- la commune ne les a pas informés à dessein de ce que l'éloignement du transformateur électrique qu'ils réclamaient impliquait une extension du réseau électrique qui serait à leur charge s'ils voulaient faire aboutir leur propre projet de promotion immobilière ;
- la commune les a pas informés de ce que seule l'AFUL de Pratmer pouvait les autoriser à emprunter la rue Berthe et Suzanne ;
- la commune a manqué à ses obligations de bonne foi et de loyauté et a eu une attitude dolosive à leur égard ;
- la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'accord signé le 24 mai 2012 est un protocole transactionnel au sens de l'article 2044 du code civil dès lors qu'il comporte des concessions réciproques ;
- la commune a commis une autre faute dès lors que le maire a signé ce protocole sans y avoir été préalablement autorisé par son conseil municipal et sans le transmettre ensuite au contrôle de légalité ;
- la possibilité d'utiliser la rue Berthe et Suzanne nécessiterait le paiement à l'AFUL d'une indemnité de 180 000 euros ;
- il est admis par la jurisprudence la possibilité de préciser devant le juge d'appel les conséquences dommageables résultant d'une faute de l'administration et d'invoquer de nouveaux chefs de préjudice dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur que celui qui a été invoqué en première instance ;
- ce sont les concessions obtenues du maire de la commune qui sont à la base de l'échec de la vente projetée de leurs terrains à la société Bouygues Immobilier, l'éloignement du transformateur nécessitant une extension du réseau électrique génératrice d'un coût supplémentaire et le retrait de leur recours aboutissant à un défaut d'accès à la voie de desserte constituée par la rue Berthe et Suzanne, sauf à verser une indemnité à l'AFUL ;
- l'échec du projet Bouygues Immobilier est à l'origine d'un manque à gagner dès lors que le produit de la vente leur aurait permis de placer la somme correspondante et d'obtenir des intérêts, dont le montant peut être estimé à 151 694,02 euros, dont ils sont fondés à réclamer 60 % de ce montant, soit 91 016,41 euros ;
-ils sont également fondés à réclamer 60 % du manque à gagner sur la valeur de leurs terrains, qui ne peuvent plus accueillir d'opération de promotion immobilière, soit 228 000 euros ;
- ils ont également été privés de la possibilité de récupérer le produit de la vente de l'agence immobilière qui avait été négociée avec Bouygues Immobilier, soit 176 610 euros ;
- ils ont été victimes d'un préjudice moral qui s'élève à 5 000 euros ;
- ces différents chefs de préjudice peuvent être arrondis à hauteur de 500 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, la commune d'Arradon, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Arradon fait valoir :
- qu'elle n'a commis aucune faute ;
- qu'aucune transaction n'a été conclue avec les consortsE..., à défaut de concessions réciproques ;
- qu'aucune manoeuvre dolosive ne saurait lui être reproché dès lors que l'ensemble des points d'intérêt soulevés par M. et Mme E...a trouvé sa réponse ;
- que les conditions d'utilisation de la rue Berthe et Suzanne relèvent de l'AFUL de Pratmer ;
- que M. et Mme E...ont accepté de signer l'accord en toute connaissance de cause ;
- que l'accord du conseil municipal n'était pas requis ;
- que le défaut de consultation du conseil municipal n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision prise et n'a pas privé les intéressés d'une garantie ;
- que les préjudices allégués par les requérants ne sont pas établis ;
- qu'ils ne présentent pas de lien direct avec les termes de l'accord du 24 mai 2012 ;
- que l'issue du recours formé contre le permis d'aménager ne pouvait être tenue pour certaine ;
- que l'échec du projet Bouygues Immobilier ne trouve pas son origine dans les termes de l'accord ;
- que le préjudice allégué tenant à la privation du prix de vente du cabinet immobilier de Mme E...n'est en réalité qu'une perte de chance, aucun certitude n'existant quant à la vente au prix demandé de l'ensemble des terrains détenus en portefeuille ;
- qu'aucun préjudice moral ne peut être allégué dès lors qu'il appartenait aux consorts E...de mieux veiller à la défense de leurs intérêts.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 janvier 2019.
Un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, a été présenté pour M. et Mme E... et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeE..., et de MeB..., représentant la commune d'Arradon.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E...ont acquis en octobre 1998 et en décembre 2001 un ensemble de neuf parcelles (ZI 923, 1030, ZI 1032, 1034, 1062, 1063, 1065, 1067 et 1126) supportant notamment une maison d'habitation en état futur d'achèvement, situées au lieu-dit Pratmer, sur le territoire de la commune d'Arradon. Ces parcelles étaient classées en zone UBb du plan d'occupation de sols de la commune pour 1 264 m² et en zone UCb pour 1645 m². Les parcelles acquises en 2001 ne bénéficiaient pas d'une voie de desserte mais seulement d'une servitude de passage.
2. En 2003, l'association foncière urbaine libre (AFUL) Pratmer Goah Hery s'est constituée en vue de l'urbanisation du quartier de Pratmer voisin. Les requérants ont refusé d'entrer dans cette association. Par délibération du 27 mars 2006, le conseil municipal de la commune d'Arradon a adopté son plan local d'urbanisme qui classait la parcelle 1030 en zone NA. Saisi par M. et MmeE..., le tribunal administratif de Rennes a annulé ce plan, par un jugement du 20 décembre 2010, en se fondant notamment sur la circonstance que le classement en zone NA de la parcelle ZI 1030 était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Le 7 décembre 2011, le maire de la commune a accordé à l'AFUL un permis d'aménager un lotissement de 28 lots sur un terrain situé rue Saint Vincent Ferrier et rue de Pratmer, voisin des parcelles des requérants. Les requérants ont alors formé un recours contentieux contre ce permis d'aménager. A la suite d'un " protocole d'accord " signé le 24 mai 2012 avec la commune d'Arradon, M. et Mme E...se sont désisté de ce recours contentieux, désistement dont le tribunal administratif de Rennes leur a donné acte par ordonnance du 25 septembre 2012.
3. M. et Mme E...ont enfin signé, le 3 juillet 2013, une promesse de vente avec la société Bouygues Immobilier, à la condition suspensive de la délivrance d'un permis de construire un immeuble collectif. Ce permis a été refusé par décision du 18 septembre 2014 du maire de la commune d'Arradon.
4. Estimant que le " protocole d'accord " du 24 mai 2012 était irrégulier, M. et Mme E...ont déposé, le 20 octobre 2014, une demande préalable d'indemnisation par laquelle ils réclamaient à la commune d'Arradon le versement d'une somme de 500 000 euros en indemnisation des différents préjudices qu'ils estimaient avoir subis. Cette demande préalable a été expressément rejetée par la commune le 27 novembre 2014. M. et Mme E...relèvent appel du jugement du 27 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur recours indemnitaire.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Il résulte de l'instruction que le détail des conséquences dommageables que M. et Mme E...soutiennent avoir subies du fait du comportement fautif adopté à leur égard par la commune d'Arradon n'a été fourni que devant le juge d'appel. Les différents chefs de préjudice financiers invoqués par les requérants tiennent, en premier lieu, à la privation des produits financiers qu'ils auraient retirés du placement du produit de la vente envisagée de leurs terrains à la société Bouygues Immobilier, qu'ils fixent à la somme de 91 016,41 euros, en deuxième lieu, au manque à gagner provenant du différentiel entre le prix de vente potentiel des terrains de M. et Mme E...dans le cadre de l'aboutissement du projet envisagé par Bouygues Immobilier et le prix de vente de ces mêmes terrains dans le cadre d'un lotissement traditionnel, qu'ils fixent à 228 000 euros, et en troisième et dernier lieu à la privation du produit du rachat par Bouygues Immobilier du cabinet immobilier de MmeE..., fixé à hauteur de 176 610 euros. M. et Mme E...invoquent également l'existence d'un préjudice moral, fixé à 5 000 euros, résultant de l'attitude déloyale de la commune à leur égard et de son opposition systématique à tous leurs projets.
6. L'accord conclu avec la commune le 24 mai 2012 a porté non pas sur une autorisation de construire mais sur la division des terrains de M. et Mme E...en lots à construire devant faire l'objet d'une déclaration préalable. Les différents chefs de préjudice financiers dont se prévalent les intéressés se rattachent à l'échec du projet immobilier porté par la société Bouygues Immobilier qui se proposait de racheter pour 1 180 000 euros les terrains de M. et Mme E...pour y réaliser un projet prenant la forme de deux immeubles d'habitat collectif regroupant 36 logements. Ce projet a échoué du fait du refus de la commune de délivrer le PC sollicité. Le refus du permis de construire opposé à la société Bouygues Immobilier est fondé sur l'absence de desserte interne satisfaisante du projet, faute d'accord quant à l'utilisation de la voie de desserte interne du lotissement privé dit Parc Goah Hery, l'association foncière urbaine libre en ayant assuré l'aménagement n'étant pas parte prenante à l'accord, et celui-ci ne traitant pas de cette question. Par suite, les conséquences de l'échec du projet de cession à la société Bouygues immobilier, tout comme l'absence de rachat du cabinet immobilier de Mme E...dont le principe avait été acté dans l'accord trouvé avec la société Bouygues immobilier, sont ainsi sans lien direct avec les irrégularités alléguées du " protocole transactionnel " conclu le 25 mai 2012 avec la commune d'Arradon, qui, comme indiqué, ne portait pas sur la délivrance d'un tel permis de construire et ne peut donc pas être regardé comme étant à l'origine directe de son refus.
7. S'agissant du préjudice moral invoqué, il appartenait à M. et MmeE..., propriétaires d'un important patrimoine foncier, Mme E...étant en outre à la tête d'un cabinet immobilier, de veiller eux-mêmes à la défense de leurs intérêts patrimoniaux en s'entourant autant que nécessaire des conseils requis par la complexité de la situation née d'une part de l'annulation contentieuse du plan local d'urbanisme communal et par suite de la remise en vigueur du plan d'occupation des sols et d'autre part de la proximité de leurs terrains du projet de lotissement porté par l'AFUL de Pratmer. Les intéressés, qui ont approuvé l'accord dont ils ont été à l'origine, et dont ils n'établissent pas qu'elle est en lien direct avec les échecs de leurs différentes tentatives de valorisation de leur patrimoine immobilier ne démontrent ainsi ni l'existence du préjudice moral dont ils se prévalent, ni en quoi il serait imputable à un comportement insincère ou systématiquement hostile de la commune, lequel n'est pas davantage établi par les éléments apportés par M. et MmeE....
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la commune d'Arradon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à M. et Mme E...la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de même nature déposées par la commune d'Arradon.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la commune d'Arradon sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...et Françoise E...et à la commune d'Arradon.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03880