Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville à lui verser la somme de 856 180 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises lors de sa prise en charge par cet établissement à partir du 17 mai 2009.
Par un jugement n° 1600601 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juillet 2017 et régularisée le 24 juillet 2017 M. E... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 mai 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville à lui verser la somme de 856 180 euros au titre du préjudice subi ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Avranches-Granville une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le diagnostic de lithiase vésiculaire aurait dû être fait dès la première intervention chirurgicale le 17 mai 2017 ; cette erreur de diagnostic est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;
- les modalités de la seconde intervention, par voie sous costale, sont également fautives ;
- le syndrome de défaillance respiratoire trouve également sa cause dans un geste médical fautif ;
- l'anormalité des conséquences des actes de soins est également de nature à révéler une faute du centre hospitalier ;
- il a subi des préjudices patrimoniaux d'un montant total de 756 180 euros consistant en une perte de valeur de son fonds de commerce, une perte de revenus professionnels et de revenus fonciers ;
- ses préjudices extra patrimoniaux s'élèvent à 30 000 euros pour la souffrance physique, 30 000 euros pour le préjudice moral et 40 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.
Par un mémoire enregistré le 28 août 2018 le centre hospitalier d'Avranches-Granville, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant M.C....
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 mai 2009, M. E...C..., qui souffrait de douleurs abdominales, a été admis aux urgences du centre hospitalier de Granville, d'où il a été transféré vers le centre hospitalier d'Avranches. Il a été opéré par laparotomie dans la nuit du 17 au 18 mai 2009 sur suspicion d'occlusion intestinale puis a subi le 19 mai 2009 une nouvelle intervention chirurgicale pour ablation de la vésicule biliaire. Il a alors présenté un syndrome de détresse respiratoire aiguë qui a conduit à son transfert en unité de réanimation où il est resté quinze jours. Il a, le 20 juillet 2009, saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Bretagne, Pays de la Loire, Normandie qui, dans un avis du 23 mai 2011, s'est déclarée incompétente en l'absence de gravité du préjudice subi par l'intéressé. Par une ordonnance du 29 janvier 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté la demande d'expertise que M. C...avait sollicitée sur la base d'un avis d'un chirurgien consulté par ses soins. Le 12 janvier 2016, M. C..., estimant que la responsabilité du centre hospitalier d'Avranches-Granville était engagée, a demandé à cet établissement de lui verser une indemnité totale de 856 180 euros en réparation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'il estimait avoir subis en raison de son hospitalisation. M. C...relève appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Avranches-Granville:
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ". (...) ".
3. Il résulte des dispositions ainsi rappelées que la responsabilité d'un établissement hospitalier ne peut être engagée que pour faute, et, qu'en cas de conséquence anormale d'un acte médical non fautif, seul peut être sollicité l'engagement de la solidarité nationale, à condition que les critères de gravité définis à l'article D.1142-1 du code de la santé publique soient réunis.
4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts, chirurgien digestif et spécialiste en infectiologie, missionnés par la CCI, que la première intervention chirurgicale par laparotomie exploratrice, pour suspicion d'une occlusion de l'intestin grêle, a été réalisée en urgence et était justifiée compte tenu des risques de complications susceptibles de mettre en jeu le pronostic vital du patient. Il est par ailleurs établi que la seconde intervention était également justifiée par l'origine biliaire des douleurs, après que les résultats de l'échographie pratiquée le 19 mai avaient mis en évidence une vésicule multilithiasique. Les deux experts ont ainsi estimé que ces deux interventions étaient conformes aux bonnes pratiques.
5. Pour remettre en cause les conclusions de cette expertise contradictoire, M. C...se réfère comme en première instance à l'avis d'un chirurgien sollicité par lui et rendu de manière non-contradictoire. Or cet avis se borne, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, à des hypothèses et suppositions qui ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions des experts judiciaires précédemment désignés. Par ailleurs, le syndrome de défaillance respiratoire survenu après la seconde intervention chirurgicale était difficilement prévisible et évitable selon les premiers experts et a été correctement traité par une antibiothérapie. Les premiers juges ont pu, dans ces conditions, estimer que la responsabilité pour faute de l'établissement de santé n'était pas engagée.
6. Si, par ailleurs, M. C...persiste en appel à soutenir que le dommage qu'il a subi serait la conséquence d'un acte de soin inadapté et serait anormal compte tenu de l'évolution prévisible de son état de santé, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la responsabilité de l'établissement de santé ne pouvait être recherchée que pour faute et de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu'aucune faute n'a été relevée à l'encontre du centre hospitalier d'Avranches-Granville. Enfin, le requérant n'a à aucun moment de la procédure entendu solliciter l'engagement de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions du II de l'article L.1142-1 du code de la santé publique rappelées au point 2. Il s'ensuit que les conclusions présentées par le requérant qui visent à rechercher la responsabilité sans faute du centre hospitalier d'Avranches-Granville ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Granville, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. C...de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...au titre de ces dispositions la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier d'Avranches-Granville.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : M. C...versera la somme de 1 500 euros au centre hospitalier d'Avranches-Granville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à la Caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et au centre hospitalier d'Avranches-Granville.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2019.
Le rapporteur
O. CoiffetLe président
I. Perrot Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02164