Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...et la société Allianz Iard ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement le centre hospitalier du Mans et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours à verser à la société Allianz Iard la somme de 268 310,27 euros en remboursement des sommes allouées à la jeune J...B...et à ses parents à la suite de l'accident de la circulation dont cette enfant a été victime le 26 mai 1996.
Par un premier jugement n° 1300495 du 27 mars 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. C...et a, avant dire droit, ordonné une expertise médicale afin notamment de fixer la date de consolidation de l'état de santé d'J... B...et de déterminer si les soins qu'elle a reçus au centre hospitalier du Mans et au CHU de Tours ont été attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données connues de la science à l'époque des faits.
Par un second jugement n° 1300495 du 1er juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société Allianz Iard.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017 et régularisée le 9 août 2017 M. C...et la société Allianz Iard, représentés par MeI..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 1er juin 2017 ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier du Mans et le CHU de Tours à verser à la société Allianz Iard la somme de 268 310,27 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans et du CHU de Tours la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la consolidation " situationnelle " de la jeune J...B...n'étant intervenue que le 20 juin 2011, c'est à tort que les premiers juges ont opposé la prescription décennale à leurs demandes ;
- le lourd handicap dont souffre J...B...est pour l'essentiel la conséquence des fautes commises par le centre hospitalier du Mans et le CHU de Tours lors de sa prise en charge.
Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2017 la CPAM de la Sarthe, représentée par Me H..., demande à la cour :
1°) de condamner solidairement le centre hospitalier du Mans et le CHU de Tours à lui rembourser la somme de 231 836,27 euros qu'elle a exposée pour la prise en charge d'J... B...au sein de la maison d'accueil spécialisée Basile Moreau de Précigné et la somme en capital de 1 070 642,40 euros au titre des frais futurs, ces sommes devant porter intérêt au taux légal à compter de la date d'enregistrement de son mémoire pour les frais échus et de la date de l'engagement des dépenses pour les frais futurs ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier du Mans et le CHU de Tours à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans et du CHU de Tours la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que la consolidation de l'état de santé de la jeune J...B...n'est intervenue que le 20 juin 2011 et qu'elle a droit au remboursement des frais de santé non pris en charge par l'assureur de M.C....
Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2017 Mme E...B..., en qualité de tutrice d'J...B..., représentée par MeD..., s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant du bien-fondé de la requête de M. C...et de la société Allianz Iard, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour que soit mise à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros au même titre.
Elle soutient que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors même qu'elle établit avoir exposé des frais, notamment à l'occasion des expertises de l'état de santé d'J...B....
Par des mémoires en défense enregistrés le 18 juillet 2018, le CHU de Tours et la SHAM, représentés par MeF..., demandent à la cour de rejeter la requête de M. C...et de la société Allianz Iard ainsi que les conclusions de la CPAM de la Sarthe.
Ils font valoir que :
- M. C...n'a pas qualité pour agir ;
- la prescription décennale a commencé à courir les 17 juin et 3 juillet 2000 pour les époux B...et le 8 janvier 2001 pour J...B... et était donc acquise le 5 décembre 2012, lorsque la société Allianz Iard a formé son recours indemnitaire préalable ;
- la demande de la CPAM de la Sarthe est également prescrite ;
- les moyens soulevés par la société Allianz Iard ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeI..., représentant M. C...et la société Allianz Iard.
Considérant ce qui suit :
1. J...B..., alors âgée de six ans, a été renversée le 26 mai 1996 à Mayet (Sarthe) par un véhicule conduit par M.C.... Elle a été soignée sur place et transportée en urgence au CHU de Tours, où elle est restée intubée pendant cinq jours. Le 10 juin 1996, elle a quitté cet établissement et a été transférée vers le centre hospitalier du Mans. Elle a regagné son domicile le 19 juin 1996. Cependant, le maintien en place pendant 5 jours d'une canule d'intubation dont le diamètre n'était pas adapté a provoqué chez l'enfant une lésion du larynx et une sténose glotto-sous-glottique dont le traitement supposait la réalisation d'une trachéotomie, qui était programmée le 23 juillet 1996. Mais, le 13 juillet 1996, l'enfant J...a présenté subitement un tableau d'asphyxie aigue. Elle a été transférée en urgence au centre hospitalier du Mans où une trachéotomie a été réalisée. Un scanner du 22 juillet 1996 a révélé de multiples lésions du cerveau. J...B...présente depuis lors de lourdes séquelles et est gravement handicapée. Le 3 juillet 2000, M. et Mme B...ont signé des procès-verbaux d'accord transactionnel avec la société d'assurances AGF (nouvellement dénommée Allianz Iard), assureur de M.C..., aux termes desquels une somme de 12 195,92 euros leur a été versée à chacun au titre de leur préjudice moral. Le 8 janvier 2001, ils ont également accepté de cet assureur une somme de 243 918,43 euros en réparation des différents préjudices subis par leur fille. Par un jugement avant dire droit du 27 mars 2014, le tribunal administratif d'Orléans, saisi par M. C...et la société Allianz Iard a, après avoir rejeté la demande de M. C...comme irrecevable, ordonné avant dire droit une expertise médicale dans le but de déterminer, notamment, la date de consolidation de l'état de santé d'J...B.... Le rapport d'expertise a été déposé au greffe du tribunal le 6 juillet 2016. Par un jugement du 1er juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société Allianz Iard au motif que son action était prescrite, ainsi que l'action subrogatoire exercée par la CPAM de la Sarthe. M. C...et la société Allianz Iard et la CPAM de la Sarthe relèvent appel de ce jugement. MmeB..., en sa qualité de tutrice légale d'J...B..., demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande qu'elle avait présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CHU de Tours et le centre hospitalier du Mans concluent au rejet des requête et conclusions énoncées ci-dessus.
Sur la recevabilité de la requête de M.C... :
2. Comme l'a jugé le tribunal administratif d'Orléans, la société Allianz Iard est, en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, subrogée dans les droits et actions de M.C..., son assuré, contre le tiers co-auteur du dommage. M. C...n'a donc pas d'intérêt pour agir dans le cadre de la présente instance. Sa requête est, par suite, irrecevable.
Sur les conclusions présentées par la société Allianz Iard :
3. D'une part, l'article L. 1142-28 du code de la santé publique, applicable en l'espèce, prévoit que les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.
4. D'autre part, la consolidation de l'état de santé de la victime d'un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l'ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s'est trouvée acquise, présentent un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Si l'expiration du délai de prescription est sans incidence sur la possibilité d'obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d'une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation, elle fait en revanche obstacle à l'indemnisation des préjudices déjà acquis et certains à cette date.
5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert judiciaire, que la consolidation de l'état de santé d'J... B...en lien avec l'accident respiratoire dont elle a été victime le 13 juillet 1996 doit être fixée au 1er mars 1999, date à laquelle l'ensemble des préjudices présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l'avenir. Le point de départ du délai de prescription de dix ans prévu par les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique doit donc être fixé à cette date. La circonstance que l'expert judiciaire a également évoqué dans son rapport une date de consolidation " situationnelle ", fixée au 20 juin 2011, correspondant à la prise en charge d'J... B...par une maison d'accueil spécialisée pour adultes, est sans incidence sur la date de consolidation devant être retenue pour l'application des dispositions de l'article L. 1142-28 précité du code de la santé publique. Dans ces conditions, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif d'Orléans, l'action engagée par la société Allianz Iard à compter du 10 décembre 2012, date à laquelle elle a notifié pour la première fois une demande indemnitaire au centre hospitalier du Mans et au CHU de Tours, doit être regardée comme prescrite.
Sur les conclusions présentées par la CPAM de la Sarthe :
6. L'action subrogatoire engagée par la CPAM de la Sarthe devant le tribunal administratif d'Orléans le 25 novembre 2016 est, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 5, également prescrite. Les conclusions présentées par la caisse ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées par MmeB... :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
8. Ces dispositions font obstacle à ce que MmeB..., qui n'était pas la partie gagnante en première instance, demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il ne lui a pas accordé le remboursement de ses frais d'instance.
9. Il résulte de ce qui précède que la société Allianz Iard, la CPAM de la Sarthe et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.
Sur les frais de l'instance :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les demandes présentées par la société Allianz Iard, par la CPAM de la Sarthe et par Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...et de la société Allianz Iard, ainsi que les conclusions présentées par la CPAM de la Sarthe et par Mme B...devant la cour, sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Allianz Iard, à M. A... C..., à Mme E...B..., au CHU de Tours, au centre hospitalier du Mans et à la CPAM de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre
- M. Coiffet, président-assesseur
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2019.
Le rapporteur
E. BerthonLe président
I. PerrotLe greffier
M. G...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02186