Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Plouray a demandé au tribunal administratif de Rennes d'ordonner sans délai l'évacuation de la société Enez Gwenva Production du local buvette et de ses abords qu'elle occupe au niveau du plan d'eau Er Lann Vras, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1604569 du 24 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande en enjoignant à la société de libérer sans délai le local qu'elle occupait irrégulièrement sur le site, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à défaut pour elle d'avoir libéré les lieux dans un délai d'un mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2018, la société Enez Gwenda Production, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plouray une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- le local qu'elle occupait n'appartenait pas au domaine public communal ;
- ce local, quoi que situé dans l'enceinte d'un bien communal, constituait une partie divisible du complexe de loisirs Er Lann Vras ;
- ce local constitue un local commercial qui relève de la domanialité privée de la commune, et ce indépendamment de la qualification contractuelle opérée par la commune de Plouray ;
- les lieux mis à sa disposition sont distincts des aménagements réalisés par la commune directement accessibles au public ;
- la buvette a un fonctionnement indépendant et n'est accessible que via le versement du prix des produits commercialisés ;
- le fonctionnement de la buvette est indépendant de l'activité de loisirs en lien avec les aménagements réalisés par la commune ;
- l'exploitation d'une licence de quatrième catégorie de débits de boissons est incompatible avec le caractère d'équipements sportifs revendiqué par la commune ;
- le litige relative aux conditions d'occupation des lieux relevait de la compétence du juge judicaire ;
- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision du 19 mai 2014 du maire de Plouray portant refus de renouvellement de la convention d'occupation temporaire du domaine public communal ;
- le maire ne pouvait pas prendre valablement cette décision dès lors qu'il n'a pas motivé sa décision ;
- le maire aurait dû l'inviter préalablement à présenter ses observations ;
- le principe du contradictoire aurait dû s'appliquer dès lors que la gravité de la décision prise à son encontre l'apparente à une sanction ;
- le maire ne pouvait pas prendre valablement une telle décision dès lors que l'occupation avait été initialement autorisée par le conseil municipal de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, la commune de Plouray, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Plouray fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant la commune de Plouray.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Plouray (Morbihan) a mis en 2011 à la disposition de la SARL Enez Gwenva Production, dans le cadre d'un " contrat d'occupation du domaine public ", un local situé à proximité du plan d'eau dit Er Lann Vras, qui a été aménagé par ses soins, afin d'y exploiter une activité de buvette et de petite restauration, ce contrat s'étant prolongé jusqu'au 30 novembre 2013. Le maire de la commune, par une décision du 19 mai 2014, confirmée le 17 septembre suivant, a demandé à la société de libérer les lieux au plus tard le 30 novembre 2014. La société étant demeurée dans les lieux, la commune de Plouray a demandé au tribunal administratif de Rennes d'ordonner l'évacuation sans délai du local buvette. Par un jugement en date du 24 novembre 2017, dont la société Enez Gwenva Production relève appel, le tribunal administratif a fait droit à cette demande en enjoignant à la société de libérer les lieux.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
2. Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande tendant à l'expulsion d'un occupant d'un immeuble appartenant à une personne publique, il lui incombe, pour déterminer si la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur ces conclusions, de vérifier que cet immeuble relève du domaine public à la date à laquelle il statue. A cette fin, il lui appartient de rechercher si cet immeuble a été incorporé au domaine public, en vertu des règles applicables à la date de l'incorporation, et, si tel est le cas, de vérifier en outre qu'à la date à laquelle il se prononce, aucune disposition législative ou, au vu des éléments qui lui sont soumis, aucune décision prise par l'autorité compétente n'a procédé à son déclassement.
3. Avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance au domaine public d'un bien était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entrainer le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-1.
4. Il résulte de l'instruction que le plan d'eau à vocation touristique Er Lann Vras a été créé et aménagé par la commune de Plouray à la fin des années 1990 dans une perspective de développement local. Outre le plan d'eau lui-même, la commune a ainsi aménagé une plage, un chemin piétonnier faisant le tour du plan d'eau, un parcours de santé, un espace de jeux composé de douze ateliers pour les enfants, des espaces de détente (tables de pique-nique et bancs), identifié une zone réservée aux pêcheurs et également construit un bâtiment d'accueil équipé de sanitaires, destiné à accueillir notamment une buvette. Ces divers aménagements concourant à l'existence d'un espace de détente et de loisirs librement accessible au public et ainsi affecté à son usage direct, qui ont été réalisés avant l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, doivent ainsi être regardés comme ayant été incorporés au domaine public communal. Ils n'ont par ailleurs pas fait l'objet d'une mesure de déclassement. Le local abritant l'activité de buvette, qui a pendant plusieurs années été exploitée en régie, la commune ayant pour cela procédé à l'acquisition d'une licence de débit de boissons, créé une régie de recettes et deux emplois saisonniers, doit lui-même être regardé comme faisant partie intégrante du site, dont il constitue un facteur d'attractivité, étant également équipé comme déjà indiqué de sanitaires accessibles au public. La circonstance que l'usage de la buvette soit payant ne fait pas obstacle au caractère de dépendance du domaine public communal du local qui l'abrite. Il en va de même de la circonstance que ce local est librement accessible en dépit de sa situation au sein même du site. Le tribunal administratif, en jugeant que le local occupé par la requérante appartenait au domaine public communal, n'a pas entaché sa décision d'incompétence en statuant sur la demande d'expulsion dont il avait été saisi par la commune de Plouray.
Sur le bien fondé de la demande d'expulsion :
5. La requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision du 19 mai 2014 non réglementaire par laquelle le maire de la commune a fixé au 30 novembre 2014 le terme de l'occupation du local-buvette qu'elle occupait, faute d'avoir elle-même contesté la légalité de cette décision dans le délai de recours contentieux.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Enez Gwenva Production n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande d'expulsion formée par la commune de Plouray.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Plouray, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à la société Enez Gwenda Production la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de la commune de Plouray.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Enez Gwenda Production est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Plouray relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enez Gwenda Production et à la commune de Plouray.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 juin 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT00425 2