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18/06/2019 | FRANCE | N°18NT02593

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 juin 2019, 18NT02593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E..., et Mme C...B..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de leur délivrer des visas d'entrée et de long séjour en France.

Par un jugement n° 1608436 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à leur demande et annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en F

rance.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E..., et Mme C...B..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de leur délivrer des visas d'entrée et de long séjour en France.

Par un jugement n° 1608436 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à leur demande et annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E...et Mme B...devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- M. E...n'a servi comme personnel civil de l'armée française en Afghanistan que durant cinq mois, n'a pas accompagné les forces françaises lors de patrouilles de combat et n'a pas été exposé à un risque ; ses fonctions se sont limitées à participer à la logistique et à la vie courante du camp de Nijrab ; il n'a pas été exposé à la vue du public, ni à une situation de dangers ; il a en outre choisi de démissionner pour suivre ses études, près de cinq ans avant le refus de visa contesté ;

- il n'a fait état d'aucune menace ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, M. A...E...et Mme C...B...concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas de long séjour sollicités, ainsi qu'à leurs trois enfants mineurs, dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 € par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Degommier,

- et les observations de MeF..., substituant MeD..., représentant M. E...et MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...E..., qui a été employé entre avril et août 2011 par l'armée française en Afghanistan comme personnel civil de recrutement local (PCRL), et Mme C...B..., son épouse, ont sollicité le 6 août 2015 la délivrance de visas d'entrée de long séjour en France dans le cadre du dispositif de réinstallation des personnels civils de recrutement local. Cette demande a été rejetée par décision du 24 avril 2016 des autorités consulaires à Kaboul. Les intéressés ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours préalable contre cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.

Sur la légalité de la décision de la CRRV :

2. Pour rejeter la demande de visa de M.E..., la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a considéré d'une part que la situation de l'intéressé ne lui permettait pas de bénéficier d'un visa, d'autre part, qu'aucune demande de visa n'a été présentée au nom de MmeB..., son épouse et de son fils, Aman.

3. En premier lieu, il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ce principe général du droit s'étend aux agents non-titulaires de l'Etat recrutés à l'étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local. La juridiction administrative est compétente pour connaître des recours contre les décisions des autorités de l'Etat refusant aux intéressés le bénéfice de cette protection. Lorsqu'il s'agit, compte tenu de circonstances très particulières, du moyen le plus approprié pour assurer la sécurité d'un agent étranger employé par l'Etat, la protection fonctionnelle peut exceptionnellement conduire à la délivrance d'un visa ou d'un titre de séjour à l'intéressé et à sa famille.

4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. E...a été employé par l'armée française en Afghanistan du 7 avril au 1er septembre 2011et affecté comme interprète au sein d'un groupement tactique interarmées français, dans la vallée de la Kapisa, auprès du major du camp de Nijrab. Le ministre indique que son véritable rôle consistait à participer à la logistique et à la vie courante du camp de Nijrab en étant l'intermédiaire entre le major de ce camp et les divers fournisseurs afghans. S'il n'est pas établi que M. E... a accompagné les forces françaises lors de patrouilles effectuées dans les villages, en revanche, l'intéressé, chargé des traductions lorsque des afghans souhaitaient entrer dans le camp et de toutes les relations avec les fournisseurs du camp, a été dans cette mesure exposé à la vue du public. Nonobstant la brièveté de l'engagement de M.E..., la lettre de recommandation qu'il verse met en évidence des états de service particulièrement élogieux. S'agissant des menaces alléguées depuis la fin de son contrat, M.E..., outre des considérations sur la situation sécuritaire en Afghanistan, a joué un rôle important dans la représentation collective des traducteurs afghans souhaitant bénéficier du processus de relocalisation, a été en contact régulier avec les services de l'ambassade, a témoigné dans les médias sous son vrai nom et s'est affiché sur les réseaux sociaux. Dès lors, compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire en Afghanistan observée à la date de la décision contestée, du rôle qu'il a exercé durant son engagement et depuis lors, M. E...doit être regardé comme exposé à des risques réels et actuels en lien avec son engagement comme personnel civil de recrutement local. Dans ces conditions, la décision de refus de visa le concernant est entachée d'illégalité.

5. En second lieu, la commission de recours s'est également fondée sur des faits matériellement inexacts en indiquant qu'aucune demande de visa n'aurait été identifiée au nom de Mme B...et de l'enfant Aman, ce que le ministre ne conteste pas.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur qui ne fait valoir aucune menace à l'ordre public s'opposant à l'entrée en France des intéressés, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. M. E...et Mme B...demandent à la Cour d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer des visas de long séjour ainsi qu'à leurs trois enfants mineurs. Le jugement attaqué a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M.E..., à Mme B...et à leur fils Aman, né le 9 juin 2013 des visas de long séjour, dans un délai d'un mois. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E...et Mme B...sont dès lors dépourvues d'objet en tant qu'elles tendent à la délivrance de visas pour M.E..., Mme B...et l'enfant Aman. Par ailleurs, la décision implicite de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ne portait nécessairement pas refus de délivrance de visas pour les enfants Asra, née le 16 février 2017, et Elias, né le 24 décembre 2018, dès lors que ces enfants sont nés postérieurement à son édiction. Par suite, même s'il appartient à l'administration de veiller à préserver l'unité familliale, l'annulation de la décision implicite de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'implique pas en elle-même la délivrance des visas sollicités pour les enfants Asra et Elias. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées en ce sens ne peuvent qu'être rejetées.

8. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'absence d'exécution de l'article 3 du jugement du 2 mai 2018 enjoignant au ministre de l'intérieur de délivrer à M. E..., à Mme B...et à leur fils Aman des visas de long séjour dans le délai d'un mois alors même que la Cour a rejeté par ordonnance du 27 juillet 2018 la demande de sursis à exécution présentée par le ministre de l'intérieur, il y a lieu d'assortir l'injonction prononcée par les premiers juges d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. E...et Mme B...et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'injonction prononcée par le tribunal administratif est assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. E...et Mme B...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. E...et Mme B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... E...et à Mme C... B...et à la ligue des droits de l'homme.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller.

Lu en audience publique le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

S. DEGOMMIER

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun

contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18NT02593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02593
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Sébastien DEGOMMIER
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : GARDES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-18;18nt02593 ?
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