Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 29 janvier 2018 des autorités consulaires françaises à New Delhi refusant de délivrer un visa de long séjour à Mme E....
Par un jugement n° 1805274 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 octobre 2018, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre à la commission de recours d'émettre un avis favorable à la demande de visa ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour au profit de Mme E... dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a obtenu le statut de réfugié en France ; les réfugiés tibétains sont souvent dans l'impossibilité de fournir un document d'identité officiel chinois ;
- en l'absence d'acte d'état civil, les éléments de possession d'état peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs ; de même l'article 11 de la directive n° 2003/86/CE du 22 septembre 2003 prévoit qu'en l'absence de pièces justificatives officiels, l'Etat tient compte d'autres preuves de l'existence des liens familiaux ;
- la seule absence du " green book " ne suffit pas à justifier un refus ;
- il produit une attestation du " Central Tibetan Tsawa association ", des certificats du bureau du Dalaï-Lama et du " Tibetan settlement office " attestant de la résidence de Mme C... et de son union ;
- il verse de l'argent régulièrement à son épouse depuis son arrivée en France ; il a produit de nombreuses photographies, communique régulièrement avec celle-ci ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;
- le mariage allégué n'a pas été reconnu par l'OFPRA ni formellement enregistré par les autorités locales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a rejeté son recours formé contre la décision du 29 janvier 2018 des autorités consulaires françaises à New Delhi refusant de délivrer un visa de long séjour pour établissement familial à Mme E..., qu'il présente comme son épouse.
Sur la légalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
2. La délivrance des visas d'entrée en France aux membres de la famille d'un réfugié est notamment régie par les dispositions du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi rédigées dans leur rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 : " (...) / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.
5. A l'appui de sa requête, M. C..., qui est réfugié tibétain, fait valoir qu'il est marié, depuis le 1er janvier 2011, avec Mme E.... S'il produit une copie du " livret vert " tibétain sur lequel figure la date de naissance, le 1er janvier 1988, de Mme E..., ainsi qu'une photographie de l'intéressée, ce document, s'il est de nature à établir son identité, ne mentionne pas son mariage et ne permet donc pas d'établir la réalité du lien matrimonial allégué. Le requérant produit une attestation, rédigée en anglais, datée du 7 février 2018, délivrée par l'association dite " Central Tibetan Tsawa Association ", mentionnant le mariage des intéressés selon les rites bouddhistes traditionnels. Toutefois, cette attestation, qui émane d'une instance dont le caractère officiel n'est pas avéré, ne mentionne pas la date et le lieu du mariage en cause. M. C... produit également une attestation du bureau du Dalaï Lama du 12 juin 2017, qui se borne à indiquer que Mme C... est tibétaine et cherche à rejoindre son conjoint, et une attestation du " Tibetan Settlement Office " qui indique que les intéressés se sont mariés le 1er janvier 2011 selon les rites bouddhistes et que M. C... réside en France. Ces seuls documents ne peuvent être regardés comme établissant le mariage des intéressés. Au surplus, l'Office français des réfugiés et des apatrides a indiqué à M. C..., par courrier du 27 septembre 2016, que son mariage n'a pu être pris en compte par l'office, les formes de célébration de ce mariage n'étant pas conformes à la loi chinoise et ne permettant pas de tenir pour établi le caractère opposable de cette union.
6. Par ailleurs, M. C... a produit des justificatifs d'envois d'argent, sur une période allant d'avril 2017 à septembre 2018, ainsi que des photographies. Toutefois, ces documents épars ne suffisent pas à établir le lien matrimonial allégué. Si le requérant soutient appeler régulièrement au téléphone son épouse, il n'en justifie pas.
7. Enfin, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme A..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 octobre 2019.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03713