Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... I... et Mme C... E..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, présenté le 21 septembre 2018, dirigé contre la décision de l'autorité consulaire à Oran refusant de délivrer un visa de long séjour à l'enfant D... F....
Par un jugement n° 1900755 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée devant la cour le 26 juillet 2019 sous le n° 19NT03078 et un mémoire du 29 janvier 2020, M. B... I... et Mme C... E..., son épouse, représentés par Me Marmin, concluent :
- à l'annulation de ce jugement du 29 mai 2019 ;
- à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
- à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer un visa de long séjour à l'enfant D... F... ou subsidiairement, de réexaminer la demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
- à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative,
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- la décision de la commission est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de leur situation personnelle ;
- une erreur dans l'appréciation des conditions d'accueil a été commise eu égard à leurs conditions de logement et à leurs ressources ;
- il est porté atteinte à leur liberté d'aller et venir ;
- l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant a été méconnu ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 31 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M et Mme I... ont obtenu par un jugement n°0549/18 du tribunal d'Oran du 1er avril 2018, le droit de recueil légal (kafala) de l'enfant D... F... née le 2 novembre 2005. Par un jugement d'exequatur 18/09699 du 28 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré cet acte de kafala exécutoire sur le territoire français. La demande de visa de long séjour déposée pour établissement familial par M. I... le 1er juillet 2018 a été implicitement rejeté par le consul de France à Alger. Le recours formé par les intéressés le 21 septembre 2018 a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Le 17 décembre 2018, cette commission a porté à la connaissance de M. et Mme I... les motifs du refus qui leur a été opposé. Ces derniers demandent l'annulation du jugement du 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été prise sur le fondement des articles L. 211-1 et L. 211-2-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile et de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, notamment de son article 4 et du titre II du protocole qui lui est annexé. La décision mentionne également qu'elle s'est fondée sur la circonstance que M. et Mme I... ne disposent ni d'un logement ni de ressources suffisantes leur permettant d'accueillir dans des conditions satisfaisantes leur petite-fille. Cette décision, qui se réfère aux éléments propres à la situation des requérants, est ainsi suffisamment motivée en fait et en droit et révèle qu'il a été procédé à un examen particulier de leur situation. Par ailleurs aucune disposition du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile n'impose aux autorités de diligenter des mesures d'instruction complémentaires et, en particulier, de procéder à une visite domiciliaire avant de se prononcer sur la demande de visa dont elles sont saisies.
4. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'acte notarié d'acquisition, que l'appartement dont sont propriétaires M. et Mme I..., d'une surface de 38 m2, bien que rénové et en bon état, ne comporte qu'une seule chambre. La circonstance que, pour l'appréciation des conditions relatives au regroupement familial, une surface moindre que celle dont les intéressés dispose est requise, ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité compétente puisse prendre en considération la configuration de ce logement au regard en particulier des besoins d'une adolescente.
6. Par ailleurs les intéressés ont déclaré disposer en 2016 d'un revenu brut de 11 269 euros. Bien que propriétaires de leur logement, ce montant présente un caractère insuffisant pour pouvoir prendre en charge la jeune D... et permettre de subvenir aux besoins de trois personnes.
7. Enfin si les requérants soutiennent qu'ils sont contraints de résider régulièrement en Algérie lors de courts séjours dans leur maison de famille afin de pouvoir s'occuper de la jeune D..., ils n'en justifient pas. Dès lors le moyen tiré de ce que la décision en litige porte atteinte à leur liberté d'aller et venir ne peut qu'être écarté.
8. Dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions susmentionnées que la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a estimé que les conditions d'accueil n'étaient pas suffisamment satisfaisantes pour permettre la prise en charge de la petite-fille de M. et Mme I....
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de la méconnaissance par la décision en litige des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme I... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... I..., à Mme C... E... épouse I... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 février 2020, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2020.
Le rapporteur,
C. Brisson Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT03078