Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... et autres ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 27 juillet 2016 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 26 mars 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Kinshasa ont refusé de délivrer à Mmes Charlène J..., Valérie C... et Noella Kunda L... des visas de long séjour en qualité d'enfants majeurs à charge d'une ressortissante française.
Par un jugement n° 1608119 du 27 juin 2019 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2019 sous le n° 19NT03600, Mme B... D..., Mme Noella Kunda L..., P... J... et Q... C... L..., représentées par Me Aucher-Fagbemi, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 27 juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois suivant la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- aucune violation des articles 106 et 656 du code de la famille congolais n'a été commise ;
- une erreur d'appréciation a été commise eu égard au lien de filiation entre Mme D... et ses trois filles adoptives ; la possession d'état doit être constatée ;
- une erreur manifeste d'appréciation a été commise et les articles L. 314-11-2° du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ainsi que les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante française, née le 20 décembre 1959, s'est vu accorder en vertu d'un jugement rendu le 20 décembre 2004 par le tribunal de paix de Kinshasa-Assossa (République démocratique du Congo) l'adoption des enfants P... J..., née le 8 mars 1989, Q... C... L... née le 25 juin 1995 et R... S... L... née le 24 décembre 1996, eu égard au décès de leur père, M. A... Nkunda, et au fait que leur mère, Mme G... K... ne dispose pas de ressources suffisantes pour les prendre en charge. L'exequatur de ce jugement a été prononcé le 10 janvier 2006 par le tribunal de grande instance de Melun. Par une décision du 27 juillet 2016, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté par Mme D... à l'encontre de la décision du 26 mars 2016 par laquelle les autorités consulaires françaises à Kinshasa ont refusé de délivrer à Mme Charlène J..., à Mme Valérie Mongi L... et à R... S... L... des visas de long séjour en qualité d'enfants majeurs à charge d'une ressortissante française. Par un jugement n° 1608119 du 27 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée par Mme D... tendant à l'annulation de cette décision. Cette dernière relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'article L. 111-6 du même code prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Ces articles posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
3. Le caractère apocryphe des actes de naissance des enfants résulte notamment, selon la commission de recours, de la méconnaissance par les autorités congolaises de l'article 106 du code de la famille congolais qui prévoit que le défaut d'acte d'état civil, devant normalement être dressé dans les 90 jours de la naissance d'un enfant en vertu de l'article 116 de ce code, peut être suppléé par un jugement rendu par le tribunal de paix ou le tribunal pour enfants sur simple requête présentée par toute personne intéressée ou le ministère public.
4. Il est vrai, comme le soutient la requérante, que les circonstances tenant à ce que les actes de naissance des trois enfants ont été établis le 22 décembre 2004 ou que leurs passeports ont été délivrés le 11 juin 2015 deux mois avant la présentation des demandes de visas ne sont pas, à elles seules, de nature à démontrer le caractère inauthentique de ces actes de naissance. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'aucun jugement supplétif ou acte de notoriété n'a été pris afin de suppléer à l'absence d'établissement dans les délais requis de ces actes de naissance. Par ailleurs, si les actes de naissance du 22 décembre 2004 font mention du jugement d'adoption rendu le 20 décembre 2004, ce dernier, alors même que l'exequatur lui a été conféré par un jugement du tribunal de grande instance de Melun le 10 janvier 2006, ne constitue ni un jugement supplétif ni ne peut avoir objet ou pour effet de suppléer à l'absence d'un tel jugement. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu se fonder sur la circonstance que les actes de naissance des trois demanderesses, qui ont été établis en l'absence de tout jugement supplétif, sont dépourvus de caractère probant.
5. En deuxième lieu, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est également fondée sur le fait que le jugement d'adoption ne mentionne pas la dispense requise par l'article 656 du code de la famille de la République démocratique du Congo qui ne permet l'adoption par une personne qui, au jour de l'adoption, a au moins trois enfants en vie que si une dispense lui est accordée par le Gouverneur de province ou de la ville de Kinshasa. Toutefois, la méconnaissance des dispositions de l'article 656 du code de la famille congolais, si elle est susceptible de vicier le jugement d'adoption, n'est pas, à elle seule, de nature à en démontrer le caractère frauduleux et par voie de conséquence l'absence de lien familial entre Mme D... et les jeunes P... Diakese, Q... C... L... et R... S... L....
6. En troisième lieu, si Mme D... qui a effectué des voyages en République démocratique du Congo en 2009, 2016 et 2017, produit des photographies en présence des trois jeunes filles et justifie avoir, depuis septembre 2016, fait régulièrement parvenir des fonds à Mme G... K..., mère des jeunes P..., Q... et R..., ces circonstances, eu égard en particulier au caractère relativement récent de la prise en charge de ces dernières, ne peuvent suffire à établir une possession d'état entre les intéressées.
7. En quatrième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment des avis d'imposition sur le revenu de Mme D... au titre des années 2016 et 2017 que cette dernière, divorcée, n'a pas d'enfants à charge. Si au regard de son acte notarié d'acquisition, son logement d'une superficie de 75 m2 dispose de 2 chambres, d'un bureau et d'une pièce à aménager, il ressort des photographies fournies par l'intéressée qu'une de ces deux dernières pièces a été transformée en chambre de sorte que l'habitation de la requérante doit être regardée comme disposant en réalité de 3 chambres permettant ainsi l'accueil dans des conditions satisfaisantes des trois jeunes. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et en particulier des bulletins de salaire de Mme D... que celle-ci a perçu au cours de la période de mai 2015 à mai 2016 un revenu salarial net moyen de 1 845 euros mensuels lui permettant ainsi de disposer de ressources suffisantes pour prendre en charge les adoptées.
8. En cinquième lieu, compte tenu de l'absence de caractère d'authenticité des actes de naissance de P... Diakese, Q... C... L... et R... S... L..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision si elle ne s'était pas méprise sur la portée de l'article 656 du code de la famille congolais et sur la capacité de l'intéressée à prendre en charge ses trois filles adoptives.
9. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent dès lors être rejetées.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Mme I... J..., à Mme M... L... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme F..., président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 2 avril 2020.
Le rapporteur,
C. F...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT03600