Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 novembre 2018 par laquelle les autorités consulaires françaises à Lomé (Togo) ont refusé de délivrer un visa de long séjour au jeune F... C... au titre du regroupement familial, ainsi que la décision du 4 avril 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision.
Par un jugement n° 1905865 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2019, M. D... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 4 avril 2019 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ainsi que la décision du 26 novembre 2018 des autorités consulaires françaises à Lomé ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer au jeune F... C... un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ;
la commission n'a pas procédé à un examen approfondi de la demande ;
cette décision est entachée d'un erreur manifeste d'appréciation dès lors que les documents versés permettent d'établir l'identité du demandeur et, par suite, le lien familial allégué ;
la décision de la commission a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en s'en rapportant notamment à ses écritures de première instance, qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C..., né le 31 décembre 1983 à Esse-Ana (Togo) et de nationalité togolaise, est entré le 1er septembre 2011 en France et y réside sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de salarié ingénieur d'études valable jusqu'au 20 mars 2022. Il a déposé, le 8 janvier 2018, une demande de regroupement familial en faveur du jeune F... C..., qu'il présente comme son fils, qui a été accueillie favorablement par le préfet de la Gironde suivant une décision du 4 mai 2018. Cet enfant a déposé une demande de visa de long séjour, le 26 novembre 2018, auprès des autorités consulaires françaises à Lomé (Togo). Cette demande a été rejetée par les autorités consulaires, le 15 janvier 2019. Le recours formé le 11 février 2019 à l'encontre de cette décision a été expressément rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 4 avril 2019. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision des autorités consulaires françaises à Cotonou et celle de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par un jugement du 31 octobre 2019, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".
3. En vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substitué à la décision du 15 janvier 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises à Lomé ont refusé de délivrer le visa sollicité. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions du requérant dirigées contre la décision des autorités consulaires. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'irrégularité sur ce point.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public.
5. Pour refuser de délivrer le visa sollicité au jeune F..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a retenu, d'une part, que la demande de visa n'était accompagnée d'aucun extrait d'acte de naissance, de sorte que l'identité du demandeur, et par suite, le lien familial allégué avec le regroupant n'était pas établi, et d'autre part, que le jugement supplétif établi cinq ans après la naissance, et qui n'a pas été retranscrit dans les registres de l'état civil, ne saurait également établir le lien de filiation.
6. Aux termes de l'article 18 de la loi n°2009-010 relative à l'organisation de l'état civil au Togo : " La déclaration de naissance est obligatoire. Elle est faite dans les quarante-cinq (45) jours qui suivent la naissance de l'enfant au centre d'état civil du lieu de naissance ou dans les représentations diplomatiques ou consulaires du Togo, si la naissance survient à l''étranger ". Au terme de l'article 30 de la même loi : " En cas de déclaration de naissance hors délai, l'acte d'état civil peut faire l'objet d'un jugement supplétif du Tribunal de Première instance dans le ressort duquel se trouve le centre d'état civil où l'acte de naissance aurait dû être dressé. / La requête fait mention de tous les éléments matériels et des témoins pouvant permettre d'établir l'identité de 1'intéressé et celle de ses parents, le lieu et la date de naissance ". Selon l'article 31 de cette même loi : " Le dispositif de tout jugement de reconstitution ou supplétif d'acte d'état civil devenu définitif est transcrit d'office dans les mêmes formes sa date, au dos de la souche sur le registre de l'année en cours, du lieu où a été dressé l'acte détruit ou perdu, ou sur le registre de l'année ou la déclaration aurait dû être faite. "
7. Alors qu'il n'appartient pas aux autorités administratives françaises, hormis les cas de fraude, de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, le jugement supplétif du tribunal de première instance de Lomé, établi le 14 juillet 2010 et présenté à l'appui de la demande de visa, tient lieu d'acte de naissance de l'enfant F... C... alors même qu'il n'aurait pas fait l'objet d'une transcription dans les registres de l'état-civil. Au surplus, M. C... produit l'extrait de l'acte de naissance de l'enfant établi au vu de ce jugement supplétif. Par ailleurs, un jugement supplétif d'acte de naissance n'ayant d'autre objet que de suppléer l'inexistence de cet acte, ainsi que le prévoit au demeurant l'article 30 précité de la loi n°2009-010 relative à l'organisation de l'état civil au Togo, la commission ne pouvait utilement retenir la circonstance que le jugement supplétif a été établi tardivement.
8. Il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le lien de filiation entre le requérant et le jeune F... C... doit être regardé comme établi. La décision contestée de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est, par suite, entachée d'illégalité et doit être annulée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt implique, eu égard à son motif, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune F... C..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, le visa de long séjour sollicité.
Sur les frais liés au litige :
11. Pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 octobre 2019 en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la décision de cette commission du 4 avril 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour au jeune F... C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2020.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT05024