Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... D..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de l'enfant B... A... D..., a soumis au tribunal administratif de Nantes le litige qui l'oppose au ministre de l'intérieur à la suite de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours préalable formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) en date du 2 septembre 2018 rejetant la demande de visa d'entrée et de long séjour en qualité de visiteur présentée pour B... A... D....
Par un jugement n° 1810490 du 15 mars 2019 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2019, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2019 ;
2°) d'annuler cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant B... A... D... un visa de long séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une erreur d'appréciation a été commise dès lors que l'acte de kafala est authentique et que les conditions d'accueil de l'enfant en France sont satisfaisantes ;
- il est porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable car dépourvue de moyens opérants et qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... A... D..., ressortissant français né le 11 mars 1961, a recueilli le 11 décembre 2017 par acte de recueil légal dit de " kafala " l'enfant B... A... D... née le 22 septembre 2016 à Oran (Algérie). Par une décision du 2 septembre 2018 l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) a refusé d'accorder le visa de long séjour sollicité pour cet enfant. Saisie par M. A... D..., le 2 octobre 2018, d'un recours formé contre cette décision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté ce recours. Par un jugement du 15 mars 2019, dont M. A... D... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ". Aux termes du titre II du protocole annexé à cet accord franco-algérien : " Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant ".
3. En premier lieu, l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation par l'administration de l'intérêt de l'enfant.
4. Il ressort des pièces du dossier que les revenus mensuels dont dispose le foyer composé de M. A... D... et de son épouse se composent de l'allocation aux adultes handicapés s'élevant au titre du mois de mai 2018 à 583,80 euros, de l'aide personnalisée au logement de 367 euros et de l'allocation au jeune enfant de 184,62 euros, soit un total de 1 085 euros. A supposer même que ces deux dernières sommes doivent être prises en compte pour l'appréciation du niveau de revenus disponible pour la famille, le montant total des ressources dont dispose M. A... D... présente un caractère trop limité pour permettre d'accueillir, dans de bonnes conditions, un enfant en France. Ainsi, en prenant la décision contestée, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées..
5. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Si la jeune B... a été confiée à M. A... D... par un acte de kafala, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qui est allégué, que les parents de cet enfant seraient dans l'impossibilité de s'en occuper dans de bonnes conditions. En outre, le requérant n'établit pas qu'il subviendrait régulièrement aux besoins de la jeune B... ou serait dans l'impossibilité de lui rendre visite en Algérie. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la validité de l'acte de kafala du 11 décembre 2017, M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant aurait été méconnu.
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté,
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... D..., n'appelle aucune mesure d'exécution Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A... D... sollicite le versement au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez président de chambre,
- Mme E..., président-assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 juillet 2020.
Le rapporteur,
C. E...
Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01443