Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 juillet 2013 par laquelle le centre hospitalier de La Ferté-Bernard (Sarthe) a refusé de lui payer les heures supplémentaires effectuées qu'elle estime lui être dues au titre de la période comprise entre le 1er octobre 2008 et le 30 juin 2012.
Par un jugement n° 1307239 du 23 mars 2016 le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 22 juillet 2013 et a enjoint au centre hospitalier de la Ferté-Bernard de procéder à la liquidation de la somme due au titre des heures supplémentaires effectuées par Mme A... entre le 1er octobre 2008 et le 30 juin 2012 et non rémunérées, dans la limite d'un montant de 73 329,41.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mai 2016 et le 29 décembre 2017, régularisé le 4 janvier 2018, le centre hospitalier de La Ferté-Bernard, représenté par
Me E..., a demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutenait que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les heures de " garde " effectuées par Mme A... entre le 1er octobre 2008 et le 30 juin 2012 ne peuvent être regardées comme du temps de travail effectif ouvrant droit au paiement d'heures supplémentaires mais ont la nature de périodes d'astreinte, au sens des décrets du 4 janvier 2002 et du 11 juin 2003 ;
- le mode de calcul dérogatoire utilisé par le centre hospitalier jusqu'au 30 juin 2012 pour rémunérer les périodes d'astreinte étant plus favorable que celui qui résulte de l'application des dispositions réglementaires, Mme A... ne possède aucune créance à son encontre.
Par des mémoires enregistrés les 8 août 2017, 22 septembre 2017 et 19 janvier 2018, Mme A..., représentée par la SCP Pavet-Benoist-Dupuy-Renou-Lecornue, a conclu au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de la Ferté-Bernard la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle faisait valoir que les moyens soulevés par le centre hospitalier de la Ferté-Bernard ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 16NT01704 du 9 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête du centre hospitalier de La Ferté-Bernard.
Par une décision n° 419638 du 27 décembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt du 9 février 2018 et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 12 février 2020 le centre hospitalier de La Ferté-Bernard, représenté par Me E..., demande à la cour maintient ses conclusions antérieures et demande en outre à la cour d'enjoindre à Mme A... de lui reverser la somme de 9 508,41 euros correspondant au montant de sa créance et de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il invoque les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures et fait valoir en outre que :
- ce n'est que par commodité qu'un logement était fourni gracieusement par le centre hospitalier lors des astreintes des infirmières ; le téléphone portable mis à disposition avait d'une portée classique et un autre téléphone utilisable uniquement dans l'enceinte de l'établissement était à disposition ;
- en période d'astreinte, les interventions des infirmières étaient rares ;
- aucune obligation de porter la tenue de travail ne s'imposait ;
- aucune créance de salaire n'existe au profit de Mme A..., qui est d'ailleurs débitrice d'un trop perçu.
Par un mémoire enregistré le 3 août 2020, Mme A..., représentée par la
SCP Pavet-Benoist-Dupuy-Renou-Lecornue, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de la Ferté-Bernard la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de reversement des sommes en litige est atteinte par la prescription biennale ;
- les moyens soulevés par le centre hospitalier de la Ferté-Bernard ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;
- le décret n° 2002-598 du 25 avril 2002 ;
- le décret n° 2003-507 du 11 juin 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant le centre hospitalier de
La Ferté-Bernard et de Me C..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier de la Ferté-Bernard a relevé appel du jugement du 23 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait annulé la décision du 22 juillet 2013 de sa directrice refusant de payer à Mme A... les heures supplémentaires qu'elle estime avoir effectuées entre le 1er octobre 2008 et le 30 juin 2012 et lui a enjoint de verser à Mme A... les arriérés d'heures supplémentaires auxquels elle a droit en application de la réglementation en vigueur dans la limite de la somme de 73 329,41 euros. Par un arrêt n°16NT01704 du 9 février 2018, la cour a rejeté l'appel qui avait été formé par le centre hospitalier de La Ferté-Bernard. Saisi d'un pourvoi en cassation formé par ce dernier, le Conseil d'Etat, aux termes de sa décision du 27 décembre 2019, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 20NT00058.
Sur la légalité de la décision du 22 juillet 2013:
2. L'article 5 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du
9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière définit la " durée du travail effectif " comme étant : " (...) le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. (...) ". L'article 20 du même décret définit par ailleurs la " période d'astreinte " comme étant : " (...) une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. (...) ". Enfin, l'article 24 de ce décret dispose que : " Les agents assurant leur service d'astreinte doivent pouvoir être joints par tous moyens appropriés, à la charge de l'établissement, pendant toute la durée de cette astreinte. Ils doivent pouvoir intervenir dans un délai qui ne peut être supérieur à celui qui leur est habituellement nécessaire pour se rendre sur le lieu d'intervention. (...) " et son article 25 dispose que : " Le temps passé en astreinte donne lieu soit à compensation horaire, soit à indemnisation. / (...) ". La rémunération des agents en fonction dans les établissements publics de santé distingue ainsi notamment les périodes de travail effectif, durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, et les périodes d'astreinte, durant lesquelles les agents ont seulement l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. S'agissant de ces périodes d'astreinte, la seule circonstance que l'employeur mette à la disposition des agents un logement situé à proximité ou dans l'enceinte du lieu de travail pour leur permettre de rejoindre le service dans les délais requis n'implique pas que le temps durant lequel un agent bénéficie de cette convenance soit requalifié en temps de travail effectif, dès lors que cet agent n'est pas tenu de rester à la disposition permanente et immédiate de son employeur et qu'il peut ainsi, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles.
3. Il résulte de l'instruction qu'antérieurement au 1er juillet 2012, le centre hospitalier de La Ferté-Bernard avait mis en place une organisation du temps de travail prévoyant pour les infirmiers-anesthésistes, en sus des horaires habituels prévus dans leur cycle de travail, des " gardes " effectuées durant la semaine entre 15h30 et 8 h le lendemain ainsi que des gardes durant les week-end. Au cours de ces périodes de garde, un studio situé dans l'enceinte de l'établissement était mis à la disposition des agents, qui étaient, en cas de besoin, joints par un bip ou un téléphone sans fil dont la portée n'excédait pas le périmètre de l'établissement, les obligeant ainsi à demeurer à disposition immédiate de leur employeur. Dans ces conditions, les infirmiers-anesthésistes ne pouvaient vaquer librement à leurs occupations et restaient à la disposition permanente et immédiate de leur employeur. Par suite ces périodes devaient être regardées, dans leur intégralité, comme constituant un temps de travail effectif, que le centre hospitalier de la Ferté-Bernard était tenu de rémunérer comme tel.
4. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de la Ferté-Bernard n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur du centre hospitalier du 22 juillet 2013 refusant le versement du solde de rémunération revenant à Mme A....
Sur l'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
6. En premier lieu, le centre hospitalier de La Ferté-Bernard, qui fait valoir que
Mme A... n'est détentrice d'aucune créance de salaire à son encontre, doit être entendu comme contestant l'injonction qui lui a été faite par les juges de première instance de procéder à la liquidation de la somme due au titre des heures supplémentaires effectuées par Mme A... entre le 1er octobre 2008 et le 30 juin 2012 et non rémunérées, dans la limite d'un montant de 73 329,41 euros. Il ressort de pièces du dossier que, compte tenu du mode de rémunération pratiqué jusqu'en 2012 pour ce qui concerne les périodes dites de garde effectuées par les IADE, l'existence d'un surplus de rémunération dont serait redevable le centre hospitalier n'est pas certaine. Il y a donc seulement lieu d'enjoindre à l'employeur de Mme A... de procéder à un nouveau calcul de la rémunération due à l'intéressée, notamment au titre des heures supplémentaires, sur la base du temps de travail effectif tel qu'il est défini au point 3 du présent arrêt et de procéder, le cas échéant, au règlement de la part de rémunération qui dépasserait la rémunération déjà perçue par cette dernière au titre de la période en cause.
7. En second lieu, le centre hospitalier de La Ferté-Bernard demande, dans le dernier état de ses écritures, qu'il soit enjoint à la requérante de lui reverser la somme de 9 508,41 euros qui correspondrait à un trop perçu de rémunération. De telles conclusions ne relèvent pas de l'office du juge dans le présent litige. Il appartient au centre hospitalier d'émettre, s'il s'y croit fondé, un titre de perception afin de recouvrer les sommes qu'il aurait indûment versées à
Mme A.... Dès lors ses conclusions ne peuvent être accueillies
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu'elles demandent sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il est enjoint au centre hospitalier de La Ferté-Bernard de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouveau calcul de la rémunération due à Mme A..., notamment au titre des heures supplémentaires, sur la base du temps de travail effectif et de procéder, le cas échéant, au règlement de la part de rémunération qui dépasserait la rémunération déjà perçue par cette dernière au titre de la période en cause.
Article 2 : Le jugement n° 1307239 du 23 mars 2016 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de
La Ferté-Bernard est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de la Ferté-Bernard et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot président de chambre,
- Mme D..., président-assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2020.
Le rapporteur
C. D...
Le président
I. Perrot
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT00058