Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Tunis rejetant sa demande de visa de court séjour.
Par un jugement n° 1704529 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2020, M. C..., représenté par la Selarl Pasquier Picchiottino Alouani, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2020 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le visa sollicité, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié d'une délégation de compétence régulière au profit du consul adjoint ;
- en se fondant sur le risque de détournement de l'objet de son visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il dispose de ressources suffisantes pour la durée du séjour qu'il projette en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il indique se référer à ses écritures de première instance.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;
- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la Cour a désigné Mme B..., présidente assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Pérez, président de la 2ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien, né en 1967, a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour. Par une décision du 19 avril 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a maintenu le refus opposé par les autorités consulaires françaises en poste à Tunis à cette demande de visa. M. C... relève appel du jugement du 13 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, en vertu de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) et à l'article 32 du règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas, l'étranger qui souhaite faire un séjour n'excédant pas trois mois doit disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour.
3. Pour confirmer le refus de visa opposé à M. C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur le motif tiré de ce que l'objet du séjour est insuffisamment " probant " et, d'autre part, sur le motif tiré de l'insuffisance des ressources de l'intéressé.
4. En premier lieu, M. C... est marié et père de quatre enfants. Si l'aîné, âgé de 17 ans, est scolarisé en France, l'épouse et les trois derniers enfants, âgés de 14 ans, 9 ans et 6 mois, à la date de la décision en litige, résident en Tunisie. Par ailleurs, le requérant, qui exerce à titre individuel une activité commerciale, justifie être propriétaire d'une maison et de divers autres biens immeubles. Alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... a, par le passé, obtenu des visas de court séjour dont il a respecté la durée de validité, la seule circonstance qu'il aurait motivé sa demande de visa par le souhait de réaliser une visite à caractère touristique sans, à ce stade, faire mention de l'établissement de son fils en France, puis qu'il ait indiqué, devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, souhaiter rendre visite à son enfant ne saurait, en l'espèce, compte tenu de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé, caractériser un risque de détournement de l'objet du visa. Dès lors, en se fondant sur le caractère insuffisamment " probant " de l'objet de la demande de visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
5. En second lieu, lorsqu'un demandeur de visa de court séjour établit qu'il dispose de ressources suffisantes pour son déplacement sur le territoire français, en faisant la preuve du retrait d'une somme significative d'un compte bancaire personnel, il appartient à l'administration, lorsqu'elle soutient que cette somme ne saurait suffire à justifier de revenus stables, de démontrer en quoi, selon elle, cette somme n'est pas véritablement à la disposition de l'étranger.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de visa, présentée en vue d'un séjour de quelques jours en janvier 2017, M. C... a produit une autorisation de sortie de devises en date du 28 décembre 2016. Ce document témoigne de la détention, à cette date, de 2 000 euros. Cette somme permettait d'assurer à l'intéressé des moyens de subsistance suffisants tant pour le séjour, dont il indique sans être contredit être limité à une semaine, que pour le retour. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'origine inconnue de cette somme pour estimer que sa disponibilité effective au moment du séjour n'était pas établie. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... exerce une activité professionnelle dont il tire des revenus réguliers, l'administration n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les fonds mentionnés ci-dessus n'étaient pas véritablement à la disposition du requérant. Le motif de la décision tiré de l'insuffisance des ressources de M. C... procède ainsi d'une inexacte application des dispositions précitées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de court séjour à M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 19 avril 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... un visa de court séjour dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2020.
Le rapporteur,
K. E...
La présidente,
H. B...Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02107