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22/06/2021 | FRANCE | N°20NT00787

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 juin 2021, 20NT00787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1802554, le syndicat des vignerons de l'aire d'appellation de Vouvray a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 24 mai 2018 de la communauté de communes Touraine-Est Vallées validant la déclaration de projet relative à la construction d'une nouvelle brigade de gendarmerie au lieudit " Les Quarts de la Gaudrelle " sur la commune de Vouvray et emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme.

II. Sous le n° 1802596, M. F... et la SCI Mirandole

ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la même délibération ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n° 1802554, le syndicat des vignerons de l'aire d'appellation de Vouvray a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la délibération du 24 mai 2018 de la communauté de communes Touraine-Est Vallées validant la déclaration de projet relative à la construction d'une nouvelle brigade de gendarmerie au lieudit " Les Quarts de la Gaudrelle " sur la commune de Vouvray et emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme.

II. Sous le n° 1802596, M. F... et la SCI Mirandole ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la même délibération du 24 mai 2018 de la communauté de communes Touraine-Est Vallées.

Par un jugement nos 1802554, 1802596 du 29 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 février, 24 juin et 8 septembre 2020, le syndicat des vignerons de l'aire d'appellation de Vouvray, la SCI Mirandole et M. B... F..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 24 mai 2018 de la communauté de communes Touraine Est Vallées ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Touraine Est Vallées une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le syndicat des vignerons de Vouvray justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- la délibération contestée méconnaît les dispositions des articles L. 300-1 et L. 300-6 du code de l'urbanisme, dès lors qu'une gendarmerie n'est pas un équipement collectif et ne relève pas des compétences dévolues à la communauté de communes ;

- les communes limitrophes n'ont pas été consultées, en méconnaissance de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme ;

- l'avis d'enquête publique aurait dû être publié dans toutes les communes concernées par l'opération ;

- les informations sur l'intérêt général du projet d'implantation de logements pour gendarmes sont absentes du dossier soumis à enquête publique ;

- il n'y a pas eu d'étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone ;

- il n'y a pas de véritables mesures compensatoires ;

- la chambre de commerce, les communes limitrophes, la communauté de commune du Vouvrillon responsable du programme local d'habitat, le syndicat intercommunal de transports en commun de l'agglomération tourangelle n'ont pas été associés à l'examen du dossier, en méconnaissance des articles L. 153-54 du code de l'urbanisme et R. 123-8 du code de l'environnement ;

- aucun motif d'intérêt général ne justifie d'installer une brigade de gendarmerie au lieudit choisi ;

- il y a détournement de procédure dès lors que ce projet ne vise qu'à ouvrir à l'urbanisation une zone en entrée de ville et à réaliser un mitage du territoire ;

- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle ;

- le projet porte atteinte au paysage du Val de Loire, patrimoine mondial de l'humanité, et aux paysages viticoles de l'AOC Vouvray, en méconnaissance de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme ;

- il porte atteinte à la zone agricole et aux parcelles classées en AOC, en méconnaissance de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme ;

- il est contraire aux objectifs de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 29 septembre 2020, la communauté de communes Touraine Est Vallées, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant le syndicat des vignerons de l'aire d'appellation de Vouvray, la SCI Mirandole et M. F..., et de Me A..., représentant la communauté de communes Touraine-Est Vallées.

Considérant ce qui suit :

1. En 2012, la gendarmerie nationale a fait part à la commune de Vouvray de son souhait de quitter les locaux de sa brigade de gendarmerie, construits dans les années 1970 et situés en zone inondable, afin de bénéficier de nouveaux locaux plus spacieux et fonctionnels ainsi que de logements en nombre suffisant pour ses militaires. Après avoir envisagé différents emplacements en secteur urbanisé ou à urbaniser, la commune de Vouvray a identifié, au nord de l'agglomération, au lieu-dit " Les Quarts de la Gaudrelle ", trois parcelles cadastrées section BT nos 240 à 242, situées le long de la route départementale no 47. Compte tenu du classement de ces parcelles en zone Avp, à savoir des terres viticoles classées en appellation d'origine contrôlée " Vouvray ", et de l'intérêt général du projet, la commune a lancé, en 2016, une procédure de déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme. Par une délibération du 24 mai 2018, le conseil communautaire de la communauté de communes Touraine-Est Vallées, devenue compétente en lieu et place de la commune de Vouvray en matière d'élaboration du plan local d'urbanisme, a adopté la déclaration de projet relative à la construction d'une nouvelle brigade de gendarmerie au lieu-dit " Les Quarts de la Gaudrelle " et approuvé la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de Vouvray. Le syndicat des vignerons de Vouvray, d'une part, et la SCI Mirandole et M. F..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler cette délibération. Par un jugement du 29 janvier 2020, le tribunal a rejeté leurs demandes. Le syndicat des vignerons de Vouvray, la SCI Mirandole et M. F... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'examen conjoint du projet :

2. Aux termes de l'article L. 153-54 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet (...), si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet, et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence ; / 2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du plan ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'État, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou de la commune et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. Le maire de la ou des communes intéressées par l'opération est invité à participer à cet examen conjoint ".

3. Aux termes de l'article L. 132-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'État, les régions, les départements, les autorités organisatrices prévues à l'article L. 1231-1 du code des transports, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de programme local de l'habitat et les organismes de gestion des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux sont associés à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les conditions définies aux titres IV et V. / Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie territoriales, des chambres de métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, des sections régionales de la conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations professionnelles intéressées ". Aux termes de l'article L. 132-9 du même code : " Pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme sont également associés, dans les mêmes conditions : / 1° Les syndicats d'agglomération nouvelle ; / 2° L'établissement public chargé de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation du schéma de cohérence territoriale lorsque le territoire objet du plan est situé dans le périmètre de ce schéma ; / 3° Les établissements publics chargés de l'élaboration, de la gestion et de l'approbation des schémas de cohérence territoriale limitrophes du territoire objet du plan lorsque ce territoire n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale ".

4. Il ressort des pièces du dossier que tant la chambre de commerce et d'industrie que Tours métropole Val de Loire, qui est devenue l'autorité organisatrice des transports à la suite de la dissolution, le 1er janvier 2014, du syndicat intercommunal des transports en commun de l'agglomération tourangelle, ont été invitées à la réunion d'examen conjoint de la déclaration de projet litigieuse par des courriers du maire de Vouvray du 6 octobre 2017, reçus le 10 octobre suivant. La communauté de communes Touraine Est Vallées, issue de la fusion de la communauté de communes de l'Est Tourangeau et de la communauté de communes du Vouvrillon, qui a compétence en matière de plan local de l'habitat, a également été conviée à cette réunion d'examen conjoint et son président s'est excusé par avance de son absence.

5. En revanche, le projet d'implantation d'une brigade de gendarmerie intéresse l'ensemble des communes qui relèvent de son ressort territorial d'intervention. Or il est constant, d'une part, que la brigade de gendarmerie de Vouvray assure la sécurité de plusieurs communes limitrophes de Vouvray et, d'autre part, qu'aucun des maires de ces autres communes n'a été invité à participer à l'examen conjoint sur la déclaration de projet litigieuse.

6. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de correspondances adressées au maire de Vouvray en janvier 2019, que les maires de Rochecorbon, Vernou-sur-Brenne et Parcay-Meslay étaient favorables au projet litigieux d'implantation de la brigade de gendarmerie au lieut-dit " Les Quarts de la Gaudrelle ". Les requérants n'établissent ni même n'allèguent que les maires d'autres communes intéressées étaient défavorables à ce projet. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'absence d'invitation de l'ensemble des communes intéressées à participer à l'examen conjoint sur la déclaration de projet litigieuse ne peut être regardée comme ayant été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ni, en tout état de cause, comme ayant privé les intéressés d'une garantie.

8. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure dans l'examen conjoint du projet doit être écarté.

En ce qui concerne la publicité de l'avis d'enquête publique :

9. Il ressort des pièces du dossier que l'avis d'enquête publique a été affiché en mairie de Vouvray et dans divers endroits de la commune, ainsi que publié dans deux journaux du département d'Indre-et-Loire quinze jours avant l'ouverture de l'enquête publique et dans les huit jours suivant celle-ci. Dans les circonstances de l'espèce, à supposer même que l'autorité compétente aurait dû publier cet avis par voie d'affiches dans toutes les communes limitrophes de Vouvray intéressées par l'opération, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé le public d'une garantie.

En ce qui concerne le contenu du dossier soumis à enquête publique :

10. Aux termes de l'article L. 153-55 du code de l'urbanisme : " Le projet de mise en compatibilité est soumis à une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement (...) ".

11. L'article R. 122-5 du code de l'environnement régit le contenu de l'étude d'impact. Aux termes de l'article R. 123-8 du même code : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsqu'ils sont requis, l'étude d'impact et son résumé non technique, le rapport sur les incidences environnementales et son résumé non technique, (...) ainsi que l'avis de l'autorité environnementale (...) / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme ; (...). "

12. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette enquête, que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou, si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

13. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de déclaration de projet comportait un exposé des motifs d'intérêt général présidant à l'opération. En particulier, après avoir rappelé, en pages 3 à 5, les différentes démarches entreprises en vue d'identifier d'autres sites que celui finalement retenu, ce dossier exposait, en pages 17 à 19, les conditions d'implantation actuelles de la brigade de gendarmerie - dans des locaux inadaptés aux normes actuelles, vétustes, situés en zone inondable et ne permettant pas de loger sur place l'ensemble des militaires -, les difficultés liées à l'identification d'un site répondant à l'ensemble des exigences du cahier des charges de l'État, ainsi que la teneur et l'intérêt général de l'opération visant à regrouper sur un même site les locaux de la brigade et les logements des militaires pour nécessité de service, en dehors d'une zone exposée à des risques naturels ou technologiques et à proximité d'axes routiers de transit intercommunal afin d'assurer la continuité et la réactivité du service public. Ce dossier précisait également que le maintien d'une brigade de gendarmerie au sein du canton de Vouvray, dont cette commune est le chef-lieu, permettait d'assurer un maillage cohérent du territoire national au regard de l'implantation d'autres brigades à Amboise, Monnaie, Montlouis et Tours.

14. En deuxième lieu, aucun texte ne faisait obligation au ministre de l'intérieur de verser directement des informations au dossier, alors que celui-ci incluait un dossier de présentation du projet et une évaluation environnementale qui devaient comporter l'ensemble des informations à porter à la connaissance de la population.

15. En troisième lieu, l'évaluation environnementale de la déclaration de projet examine, sous l'intitulé " potentiel énergétique " (pages 75 à 78), le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone, conformément aux exigences du troisième alinéa de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

16. En quatrième lieu, l'évaluation environnementale comporte, en pages 91 à 101, une analyse des incidences notables du projet sur l'environnement ainsi que les mesures envisagées pour réduire l'impact des incidences négatives ou, le cas échéant, pour les compenser lorsque cela est possible.

17. En cinquième lieu, il résulte des articles L. 153-54 à L. 153-59 et R. 153-14 à R. 153-17 du code de l'urbanisme que si les personnes publiques associées doivent être averties de la procédure et invitées à une réunion d'examen conjoint dont le procès-verbal devra figurer au dossier d'enquête publique, elles n'ont pas à formuler de surcroît un avis séparé à joindre à ce dossier. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le dossier d'enquête publique ne comportait pas les avis de certaines des personnes publiques associées, en méconnaissance de l'article R. 123-8 du code de l'environnement.

18. Il résulte de ce qui précède que les moyens relatifs à l'irrégularité de l'enquête publique doivent être écartés.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application des dispositions des articles L. 300-1 et L. 300-6 du code de l'urbanisme :

19. Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. / (...). "

20. Aux termes de l'article L. 300-6 du même code : " L'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction. Les articles L. 143-44 à L. 143-50 et L. 153-54 à L. 153-59 sont applicables sauf si la déclaration de projet adoptée par l'État, un de ses établissements publics, un département ou une région a pour effet de porter atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durables du schéma de cohérence territoriale et, en l'absence de schéma de cohérence territoriale, du plan local d'urbanisme. / (...) / Les adaptations proposées sont présentées dans le cadre des procédures prévues par les articles L. 143-44 à L. 143-50 et L. 153-54 à L. 153-59, auxquelles les autorités ou services compétents pour élaborer les documents mentionnés à l'alinéa précédent sont invités à participer. / (...) "

21. Il résulte de ces dispositions qu'une collectivité locale ou un établissement public de coopération intercommunale peut, dans le cadre de ses compétences, conduire ou autoriser des actions ou des opérations d'aménagement, notamment en mettant en compatibilité son plan local d'urbanisme avec une telle action ou opération par la procédure de la déclaration de projet.

22. Les locaux d'une brigade de gendarmerie et les logements de fonction des militaires, destinés à la réalisation de leur mission de sécurité publique, doivent être regardés comme des équipements collectifs au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, bien que la décision d'implanter une brigade de gendarmerie relève des compétences de l'État, la commune de Vouvray puis la communauté de communes Touraine Est Vallées pouvaient légalement, dans le cadre de leur compétence successive en matière de plan local d'urbanisme, mettre en compatibilité celui de Vouvray avec l'action ou l'opération d'aménagement, qui est d'intérêt général, visant à permettre la réalisation des bâtiments de la brigade de gendarmerie. De même, la circonstance que la réalisation de ces bâtiments dépende des compétences de l'État, et donc que l'État aurait pu, sur le fondement de l'article R. 153-17 du code de l'urbanisme, engager la procédure de mise en compatibilité dans le cadre d'une déclaration de projet, de façon concurrente avec la commune de Vouvray puis la communauté de communes Touraine Est Vallées, ne faisait pas légalement obstacle à ce que cette dernière adopte la délibération contestée.

23. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la délibération contestée n'entrerait pas dans les prévisions des articles L. 300-1 et L. 300-6 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme et du détournement de procédure :

24. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les locaux actuels de la brigade de gendarmerie de Vouvray sont inadaptés aux normes actuelles, vétustes et de taille insuffisante pour loger l'ensemble des militaires qui y sont affectés, lesquels bénéficient d'un logement de fonction par nécessité de service. En outre, ces bâtiments sont situés en zone inondable, ce qui présente un risque pour la continuité du service public en cas de crue importante de la Loire. D'autre part, le maintien d'une brigade de gendarmerie à Vouvray permet d'assurer un maillage cohérent du territoire national au regard de l'implantation d'autres brigades à Amboise, Monnaie, Montlouis et Tours. Enfin, l'opération qui fait l'objet de la déclaration de projet vise à regrouper sur un même site les locaux de la brigade et les logements des militaires pour nécessité de service, en dehors d'une zone exposée à des risques naturels ou technologiques et à proximité d'axes routiers de transit intercommunal afin d'assurer la continuité et la réactivité du service public. Dès lors, cette opération d'aménagement répond à un motif d'intérêt général, conformément aux dispositions de l'article L. 300-6 du même code. Le moyen tiré de ce que la délibération contestée serait entachée d'un détournement de procédure ne peut, par suite, qu'être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle :

25. En vertu de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale. L'article L. 101-2 de ce code énumère les objectifs que l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre. L'article L. 141-5 du même code dispose que " Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, le document d'orientation et d'objectifs détermine : / 1° Les orientations générales de l'organisation de l'espace et les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers ; / 2° Les conditions d'un développement urbain maîtrisé et les principes de restructuration des espaces urbanisés, de revitalisation des centres urbains et ruraux, de mise en valeur des entrées de ville, de valorisation des paysages et de prévention des risques ; / 3° Les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers. / Il assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines. "

26. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

27. Le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle comporte plusieurs orientations, dont l'une vise à faire de l'espace agricole un pilier de l'organisation territoriale. Cette orientation se donne notamment pour objectif de " réaliser les extensions urbaines prioritairement dans les secteurs préférentiels de développement en prenant en compte les espaces à enjeux agricoles " et de " Privilégier les zonages "A" pour l'ensemble des secteurs à vocation agricole ". S'agissant du secteur viticole, le document d'orientation et d'objectifs formule une simple recommandation visant à " Protéger le vignoble dans ses dimensions économique et identitaire ", et indique que " autant que possible, les superficies classées en AOC devraient être préservées de l'urbanisation afin de protéger le terroir viticole ".

28. En l'espèce, le projet litigieux concerne une superficie de 6 703 mètres carrés, soit 0,02 % des 3 000 hectares de la superficie de l'AOC Vouvray, qui n'est que l'une des appellations viticoles d'origine contrôlée de l'agglomération tourangelle. Dès lors, la délibération contestée n'est, en tout état de cause, pas incompatible avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération tourangelle.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme :

29. Aux termes de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions ; / (...) / Il précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions, permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. / Il fixe les conditions relatives aux raccordements aux réseaux publics, ainsi que les conditions relatives à l'hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire. / (...) ".

30. Le projet litigieux prend place dans le secteur Avp de la zone agricole, qui correspond aux terres viticoles classées AOC (appellation d'origine contrôlée) qui présentent de surcroît une sensibilité paysagère. La délibération contestée, emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme, délimite, à titre exceptionnel et pour un projet ponctuel, un secteur Ag, limité aux trois parcelles du projet, dans lequel ne sont autorisés que l'édification de locaux accueillant des administrations publiques et leurs logements. Au sein de ce secteur Ag, il est prévu respectivement par les articles A9 et A10 du règlement du plan local d'urbanisme que l'emprise au sol de toutes les constructions ne pourra excéder 60 % de l'unité foncière et que la hauteur maximale y sera de 6 mètres à l'égout de toiture. Une orientation d'aménagement et de programmation spécifique à ce secteur Ag prévoit, notamment, que l'aménagement devra " S'inscrire dans l'environnement naturel, traiter l'interface avec les vignes sur le registre paysager : plantation d'une haie bocagère sur le pourtour du projet (...) et limiter l'imperméabilisation des sols et garantir la régulation des rejets d'eaux pluviale ".

31. D'une part, le secteur Ag, prévu par la délibération contestée, sera situé en entrée de bourg, en bordure de la route départementale no 47, principale route d'accès à Vouvray depuis la commune de Monnaie, au sein d'un paysage ouvert à dominante viticole et agricole. Pour autant, eu égard à sa superficie limitée ainsi qu'aux règles de hauteur et de densité des constructions prévues par le règlement et à celles qui figurent dans l'orientation d'aménagement et de programmation, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de création d'une brigade de gendarmerie, bien que constituant un bâtiment susceptible de marquer le paysage, serait, par lui-même, de nature à porter atteinte aux paysages viticoles. En outre, si les requérants font valoir que le projet porte atteinte au paysage du Val de Loire, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction d'une brigade de gendarmerie au sein de la zone du projet, qui ne se trouve pas au sein du site " Val de Loire " mais seulement dans sa zone de protection dite " tampon ", et n'offre aucune covisibilité avec la Loire ou sa vallée, soit de nature à porter atteinte à ce site.

32. D'autre part, si les requérants font valoir que les parcelles du projet litigieux font partie de la réserve foncière de l'AOC Vouvray - dont 19,3 % n'est déjà plus disponible - susceptible d'être utilisée pour accroître la superficie du vignoble, il ressort des pièces du dossier que les parcelles litigieuses représentent moins de 0,03 % de la surface de l'appellation. Par ailleurs, l'implantation d'une brigade de gendarmerie sur ces parcelles de taille limitée, en friche depuis quinze ans et non plantées en vigne depuis 1946, ne sera pas incompatible avec le maintien du caractère viticole et agricole de la zone.

33. Enfin, Le règlement du plan local d'urbanisme prévoit en son article A4, pour toute la zone A, l'obligation de raccordement aux réseaux. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le règlement d'urbanisme applicable en zone Ag ne fixerait pas les conditions de raccordement aux réseaux.

34. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme :

35. Aux termes de l'article L. 101-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / (...) / 3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile ; / 4° La sécurité et la salubrité publiques ; / (...). "

36. Ainsi qu'il a été dit, la délimitation d'un secteur de taille et de capacité limitée pour l'implantation d'une brigade de gendarmerie n'est pas incompatible avec le maintien du caractère viticole et agricole de la zone. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ce projet ne menace pas la pérennité du vignoble classé en AOC Vins de Vouvray. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne les mesures compensatoires :

37. Si les requérants soutiennent qu'aucune mesure compensatoire réaliste n'a été prévue pour la réduction de la zone agricole permise par la délibération contestée, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de compenser les parcelles agricoles ouvertes à l'urbanisation. Au demeurant, il ressort des pages 96 et 97 de l'évaluation environnementale que la commune de Vouvray a indiqué qu'elle envisageait, lors de la prochaine révision de son plan local d'urbanisme, de classer en zone agricole des terrains, aujourd'hui classés en zone d'urbanisation future, qui relèvent du périmètre géographique de l'AOC Vouvray. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de mesures compensatoires doit, en tout état de cause, être écarté.

38. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des vignerons de Vouvray, la SCI Mirandole et M. B... F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

39. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Touraine Est Vallées, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux à l'occasion du litige soumis au juge.

40. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté de communes Touraine Est Vallées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat des vignerons de l'aire d'appellation de Vouvray, de la SCI Mirandole et de M. B... F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes Touraine Est Vallées présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des vignerons de l'aire d'appellation de Vouvray, à la SCI Mirandole, à M. B... F... et à la communauté de communes Touraine Est Vallées.

Copie en sera adressée, pour information, au ministre de l'intérieur, au préfet d'Indre-et-Loire et à la commune de Vouvray.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2021.

Le rapporteur,

F.-X. D...Le président,

T. Célérier

La greffière,

C. Popsé

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT00787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00787
Date de la décision : 22/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL CASADEI-JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-22;20nt00787 ?
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