Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Les Mouettes du Bois Marin, la SCI la Tourmentine, M. B... A... et la société Les Essarts Property Limited ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a approuvé le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Saint-Briac-sur-Mer.
Par un jugement n° 1501551 du 15 décembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 4 février 2015 en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées BA n° 121, 122, 129 et 130 et a rejeté le surplus de la demande.
Par un arrêt n°18NT00698 du 18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a admis l'intervention de l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, de l'association Dinard côte d'Émeraude Environnement et du cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'Émeraude, et rejeté la requête de M. A...,
Par une décision n° 434118 du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de l'arrêt de la cour et a renvoyé à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le n°20NT01817, dans la mesure de la cassation prononcée.
Procédure devant la cour :
Avant cassation :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 février 2018, 26 novembre 2018 et 11 juin 2019, M. B... A..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 décembre 2017, en tant que ce jugement a rejeté le surplus de la demande dont il était saisi ;
2°) d'annuler en totalité l'arrêté du 4 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a approuvé le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Saint-Briac-sur-Mer ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, dans le dernier état de ses écritures, d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en raison d'omission de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral modifiant la servitude ;
- le jugement n'est pas suffisamment motivé en tant que l'irrégularité relevée par le tribunal a conduit ce dernier à n'annuler que partiellement l'arrêté critiqué ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le mémoire régularisé le 31 octobre 2017 par les exposants en première instance, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le dossier soumis à enquête publique était insuffisant et comportait des erreurs ;
- l'arrêté du 4 février 2015 n'est pas suffisamment motivé ;
- la méconnaissance des dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme justifiait une annulation totale de l'arrêté attaqué ;
- s'agissant de la propriété A..., aucun obstacle n'a été relevé par les auteurs du projet de servitude, susceptible de fonder une suspension ou une autre modification du tracé, alors pourtant que le passage de la servitude se trouve exactement à l'endroit de la piscine réalisée sur cette propriété, qui aurait été édifiée il y a près de vingt ans ; le tracé porte atteinte à son droit de propriété, en méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- il existe un danger réel qui découle de l'usage du sentier en falaise dans sa conformation actuelle.
Par des mémoires en intervention enregistré le 27 septembre 2018 et le 8 juin 2019, l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, l'association Dinard côte d'émeraude environnement et le cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'émeraude, représentés par Me Busson, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du requérant le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- leur intervention est recevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 novembre 2018 et le 7 juin 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de la cohésion des territoires concluent au rejet de la requête en s'en rapportant au mémoire de première instance du préfet d'Ille-et-Vilaine.
Après cassation :
Par des mémoires, enregistrés les 6 novembre 2020, 5 janvier 2021 et 12 janvier 2021 (non communiqué), M. A..., représenté par la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 décembre 2017, en tant que ce jugement a rejeté le surplus de la demande dont il était saisi ;
2°) d'annuler en totalité l'arrêté du 4 février 2015 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a approuvé le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral de la commune de Saint-Briac-sur-Mer ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, dans le dernier état de ses écritures, d'une somme de 10 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en raison d'omission de répondre moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral modifiant la servitude ;
- le jugement n'est pas suffisamment motivé s'agissant de l'annulation seulement partielle de l'arrêté ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le mémoire régularisé le 31 octobre 2017 par les exposants en première instance, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le dossier soumis à enquête publique était insuffisant et comportait des erreurs ;
- l'arrêté attaqué n'était pas suffisamment motivé ;
- la méconnaissance des dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme justifiait une annulation totale de l'arrêté attaqué ;
- s'agissant de la propriété A..., aucun obstacle n'a été relevé par les auteurs du projet de servitude, susceptible de fonder une suspension ou une autre modification du tracé, alors pourtant que le passage de la servitude se trouve exactement à l'endroit de la piscine réalisée sur cette propriété, alors même qu'elle aurait été édifiée il y a près de vingt ans ; le tracé porte atteinte à son droit de propriété, en méconnaissance de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il existe un danger réel qui découle de l'usage du sentier en falaise dans sa conformation actuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frank,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Pinatel, représentant M. A..., et de Me Lemire, substituant Me Busson, représentant l'association des Amis des Chemins de Ronde d'Ille-et-Vilaine, l'association Dinard Côte d'Émeraude Environnement et le Cercle des Amis de Saint-Briac et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 4 février 2015, le préfet de la région Bretagne, préfet d'Ille-et-Vilaine, a approuvé l'établissement de la servitude de passage longitudinale instituée au bénéfice des piétons le long du littoral dans la commune de Saint-Briac-sur-Mer. Accueillant partiellement la demande que lui avaient soumise plusieurs propriétaires riverains, dont M. A..., le tribunal administratif de Rennes a, par l'article 2, devenu définitif, d'un jugement n° 1501551 du 15 décembre 2017, annulé cet arrêté en tant seulement qu'il approuve l'établissement de la servitude sur les parcelles cadastrées section BA n° 121, 122, 129 et 130. Sur l'appel de M. A..., la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le rejet du surplus des conclusions de sa demande, par l'article 2 d'un arrêt n° 18NT00698. Par une décision nos 434118 du 29 juin 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de cet arrêt, et a renvoyé à la cour l'affaire dans la mesure de la cassation prononcée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des écritures de première instance que les demandeurs auraient soulevé le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée. Par suite, et alors que ce moyen n'avait pas à être relevé d'office par le tribunal, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu à ce moyen.
3. En deuxième lieu, le tribunal, après avoir retenu le vice de procédure tiré de ce qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les propriétaires en indivision des parcelles cadastrées à la section BA n°121, 122, 129 et 130, et concernés à ce titre par le tracé envisagé de la servitude de passage sur le littoral en litige, auraient été régulièrement convoqués à la visite organisée sur ces parcelles dans le cadre des dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme, a indiqué que ce moyen n'était susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté en litige qu'en tant qu'il porte sur les parcelles pour lesquelles la visite des lieux a été irrégulièrement réalisée. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé, en droit et en fait, en ce qui concerne le caractère partiel de l'annulation prononcée.
4. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le jugement est irrégulier en ce qu'il ne vise pas le mémoire produit par les requérants de première instance, régularisé le 12 septembre 2017, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, manque en fait. Il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peut décider de procéder à une visite des lieux. Dans ce cas, le commissaire enquêteur ou le président de la commission avise le maire et convoque sur place les propriétaires intéressés ainsi que les représentants des administrations. Après les avoir entendus, il dresse procès-verbal de la réunion ". D'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dispositions ont pour seul objet de permettre à chaque propriétaire intéressé de formuler des observations au cours de la visite du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, s'agissant de leur seule propriété, et non s'agissant des propriétés voisines. D'autre part, le principe de continuité du cheminement des piétons le long du littoral ne fait pas obstacle à ce qu'un arrêté approuvant le tracé de la servitude de passage longitudinale instituée au bénéfice des piétons sur les propriétés riveraines du domaine public maritime puisse faire l'objet d'une annulation partielle, en tant que cette décision sur certaines parcelles. Par suite, en estimant que le vice de procédure tiré de ce que les propriétaires en indivision des parcelles cadastrées à la section BA n°121, 122, 129 et 130, et concernés à ce titre par le tracé envisagé de la servitude de passage sur le littoral en litige, n'ont pas été régulièrement convoqués à la visite organisée sur ces parcelles dans le cadre des dispositions de l'article R. 160-18 du code de l'urbanisme, n'entachait la légalité du tracé qu'en tant qu'il concernait les terrains des propriétaires intéressés, et n'était susceptible que d'entraîner une annulation partielle de l'arrêté contesté, le tribunal n'a pas méconnu son office.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :
6. En premier lieu, en application des articles L. 160-6 et R. 160-22 du code de l'urbanisme, dans leur version applicable, un acte approuvant le tracé de la servitude de passage des piétons le long du littoral doit être motivé. Il ressort des pièces du dossier que l'acte d'approbation contesté mentionne qu'il y a lieu de valider le tracé aux fins d'assurer la continuité du cheminement des piétons en prenant en compte la configuration du littoral et les chemins préexistants. L'arrêté comprend en annexe une notice explicative indiquant que le tracé est situé sur la servitude de droit " quand il est possible de passer par la bande des trois mètres par rapport à la limite du rivage ", et sur une servitude modifiée " lorsque l'on doit s'éloigner de la limite du rivage ", ainsi que des plans éclairant les motifs de cette décision. L'acte d'approbation vise et comporte en outre, en annexe, un dossier d'approbation détaillé, au demeurant distinct du seul dossier soumis à l'enquête publique en ce qu'il comporte notamment les conclusions du commissaire enquêteur, qui précise l'ensemble des éléments de fait et de droit pris en compte par le préfet pour déterminer le tracé de la servitude litigieuse. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
7. En deuxième lieu, l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme institue de plein droit, au profit des piétons, une servitude de passage de trois mètres de largeur sur les propriétés riveraines du littoral. L'article R. 160-8 du même code, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article R. 121-9, prévoit que cette bande de trois mètres de largeur doit en principe être calculée à compter de la limite du domaine public maritime.
8. Prévue par le a) de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, la faculté de modifier le tracé et les caractéristiques de cette servitude sur les propriétés riveraines du domaine public maritime voire d'en grever, exceptionnellement, des propriétés qui n'en sont pas riveraines, n'est ouverte à l'administration que dans la stricte mesure nécessaire au respect des objectifs fixés par la loi. Les deux premiers alinéas de l'article R. 160-11 du même code, dont la teneur a depuis lors été reprise à l'article R. 121-12, disposent à cet égard que : " I.- Le tracé ainsi que les caractéristiques de la servitude de passage instituée par l'article L. 160-6 peuvent être modifiés notamment pour tenir compte de l'évolution prévisible du rivage afin d'assurer la pérennité du sentier permettant le cheminement des piétons. / II.- Le tracé ainsi que les caractéristiques de la servitude de passage sont modifiés dans les conditions définies par les articles R. 160-13 à R. 160-15 et R. 160-17 à R. 160-22. " Aux termes de l'article R. 160-14 du même code, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article R. 121-16 : " En vue de la modification, par application des alinéas 2 et 3 de l'article L. 160-6, du tracé ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques de la servitude, le chef du service maritime adresse au préfet, pour être soumis à enquête, un dossier qui comprend ; / a) Une notice explicative exposant l'objet de l'opération prévue ; / b) Le plan parcellaire des terrains sur lesquels le transfert de la servitude est envisagé, avec l'indication du tracé à établir et celle de la largeur du passage ; / c) La liste par communes des propriétaires concernés par le transfert de la servitude, dressée à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le conservateur des hypothèques au vu du fichier immobilier, ou par tous autres moyens ; / d) L'indication des parties de territoire où il est envisagé de suspendre l'application de la servitude, notamment dans les cas visés à l'article R. 160-12, ainsi que les motifs de cette suspension, et celle des parties de territoire où le tracé de la servitude a été modifié par arrêté préfectoral en application du II de l'article R. 160-11. ".
9. Il résulte de ces dispositions que le dossier qu'il appartient au chef du service maritime, en application de l'article R. 160-14 du code de l'urbanisme, de constituer pour être soumis à enquête publique, doit permettre à la population de connaître les motifs des projets de modification du tracé ou des caractéristiques de la servitude de passage longitudinale. A cette fin, il doit notamment indiquer la nature et la localisation des obstacles qui justifient la modification du tracé.
10. Il ressort des pièces du dossier que la notice explicative du volet B " parcellaire " du dossier soumis à enquête publique se borne, pour de nombreuses sections du tracé de la servitude en litige, à indiquer que les modifications projetées visent à " tenir compte des obstacles de toute nature dus à la configuration des lieux ". Toutefois, le dossier soumis à l'enquête publique comporte, notamment en son volet C intitulé " travaux ", de nombreux documents graphiques, plans, photographies et photographies aériennes, permettant d'identifier la configuration des lieux ainsi que la nature et la localisation des obstacles qui justifient la modification du tracé, obstacles qui consistent en la présence, sur les portions correspondantes du tracé, de massifs rocheux à proximité immédiate du rivage. Dans ces conditions le requérant n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 160-14 du code de l'urbanisme au motif que les informations résultant du dossier soumis à l'enquête publique relativement à la nature des obstacles justifiant les nombreuses propositions du tracé de la servitude ne permettaient pas aux personnes intéressées de formuler, de manière éclairée, un avis sur le point de savoir si ces modifications étaient nécessaires au respect des objectifs fixés par la loi.
11. En quatrième lieu, la circonstance que l'Etat se soit référé au plan élaboré par les services du cadastre et n'ait pas procédé, auprès des services de publicité foncière, à des investigations supplémentaires permettant de vérifier l'identité de tous les propriétaires concernés par la modification de la servitude ne suffit pas, en l'absence de contestation sérieuse sur ce point lors de l'établissement du dossier, à établir que le dossier d'enquête publique était insuffisant.
12. En cinquième lieu si, à la fin de l'année 2018, l'Etat a fait connaître aux propriétaires situés dans le secteur des Essarts son intention de débuter les travaux avec un tracé modifié, il n'est pas établi que les modifications en cause ne seraient pas des adaptations mineures, ne nécessitant pas une nouvelle enquête publique. Par suite, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que le tracé approuvé par l'arrêté préfectoral en cause du 4 février 2015 serait entaché d'erreurs.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :
13. Prises sur le fondement du b) de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme cité au point 15 ci-dessus, les dispositions de l'article R. 160-12 du code, désormais codifiées à l'article R. 121-13, prévoient que : " A titre exceptionnel, la servitude instituée par l'article L. 160-6 peut être suspendue, notamment dans les cas suivants : / (...) e) Si le maintien de la servitude de passage est de nature à compromettre soit la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, soit la stabilité des sols ". Le dernier alinéa du même article précise que cette suspension est prononcée " dans les conditions définies par les articles R. 160-14, R. 160-15 et R. 160-17 à R. 160-22 ", c'est-à-dire, comme en cas de modification du tracé ou des caractéristiques de la servitude, après enquête publique et consultation des conseils municipaux des communes intéressées.
14. Les dispositions de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme instituent un droit de passage le long du littoral au profit des piétons. Dès lors, ainsi qu'il résulte d'ailleurs des termes mêmes du b) de cet article, la suspension de la servitude de passage sur certaines portions du littoral ne saurait être qu'exceptionnelle. Dans l'hypothèse prévue par les dispositions précitées du e) de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme, l'administration ne peut légalement décider de suspendre, jusqu'à nouvel ordre, la servitude, que si elle justifie que ni la définition de la servitude dans les conditions prévues par l'article R. 160-8 du code, ni une modification de son tracé ou de ses caractéristiques dans les conditions et limites prévues par la loi, ne peuvent, même après la réalisation des travaux qu'implique la mise en état du site pour assurer le libre passage et la sécurité des piétons mentionnés à l'article R. 160-25 du code, garantir la conservation d'un site à protéger pour des raisons d'ordre écologique ou archéologique, ou, dans l'intérêt tant de la sécurité publique que de la préservation des équilibres naturels et écologiques, la stabilité des sols.
15. D'une part l'étude produite par le requérant, réalisée par un bureau d'études en géologie, et portant sur le tracé le long de la parcelle cadastrée section BA n°89 indique que " la forte fréquentation du sentier va accélérer les processus d'érosion du sol par creusement et glissement des formations meubles au-dessus d'une falaise altérée, formations meubles qui ne sont maintenues parfois que par la végétation, dont des arbres déjà fortement penchés vers le littoral qui risquent à terme de basculer en entrainant une partie du sentier. Dans l'état actuel, le passage sur ce chemin présente à plusieurs endroits un risque réel pour les promeneurs en cas d'éboulement soudain. (...) L'usage de ce sentier en bordure de falaise dans sa conformation actuelle, sans confortement et aménagement préalable, présente localement un danger réel de chutes lié à des glissements de sols le long d'une forte pente et des éboulements brusques pour les personnes, en particulier en groupe ". Toutefois, le ministre soutient en défense, sans être sérieusement contredit, que les risques et dangers n'existent que dans l'état actuel de la falaise sur la portion concernée et peuvent donc être prévenus par des travaux de confortement réalisés lors de l'aménagement du chemin. Alors qu'il n'est pas établi par les seules photographies et études produites qu'il existerait un risque d'érosion justifiant une suspension de la servitude au niveau de la propriété de M. A..., il ne ressort pas des pièces du dossier que la réalisation de ces travaux mentionnés à l'article R. 160-25 ne permettrait pas d'assurer l'atteinte des objectifs fixés au e) de l'article R. 160-12, en l'espèce la sécurité des personnes circulant sur le chemin. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 160-12 du code de l'urbanisme ont été méconnues, s'agissant du tracé sur les parcelles cadastrées section BA n° 89.
16. D'autre part il ressort des pièces du dossier que la piscine construite par M. A..., au demeurant sans déclaration préalable, ne constitue pas un obstacle au cheminement des piétons, dès lors qu'un passage est possible entre la falaise et la piscine, des rambardes ou clôtures pouvant être installées de part et d'autre. Ce tracé ne méconnait pas, en tout état de cause, les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, M. A... n'étant notamment pas privé de l'usage de sa piscine. Enfin, si la notice explicative indiquait, pour le tronçon L.M, que le tracé était modifié pour tenir compte des obstacles de toute nature dus à la configuration des lieux, la circonstance qu'il n'y ait aucun obstacle au niveau d'une seule parcelle du tronçon, celle appartenant à M. A..., est sans incidence, dès lors qu'il n'est pas établi que tel serait le cas pour les autres parcelles du tronçon en cause.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes, après avoir annulé l'arrêté du 4 février 2015 en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées BA n° 121, 122, 129 et 130, a rejeté le surplus de la demande, tendant à l'annulation totale de cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre de la transition écologique, à l'association des amis des chemins de ronde d'Ille-et-Vilaine, à l'association Dinard côte d'Émeraude Environnement et au cercle des amis de Saint-Briac et de la côte d'Émeraude.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine et à la commune de Saint-Briac-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 octobre 2021.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01817