La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2021 | FRANCE | N°20NT04068

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 octobre 2021, 20NT04068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Moustapha Mane a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 20 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 5 décembre 2019 du consul général de France à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer au jeune C... Mane un visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2002725 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Moustapha Mane a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 20 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 5 décembre 2019 du consul général de France à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer au jeune C... Mane un visa de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 2002725 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 décembre 2020 et 10 janvier 2021, M. Mane, représenté par Me Ali Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité sous astreinte de 300 euros par jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. Mane soutient que :

- l'auteur de la décision consulaire n'était pas compétent par prendre la décision contestée ; la décision consulaire est insuffisamment motivée ; seul le consul général France à Dakar (Sénégal) a qualité pour prendre une décision de refus de visa long séjour ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- il justifie de ressources stables et suffisantes ; la préfecture de l'Ain a donné une suite favorable à sa demande d'introduction en France de son fils unique ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait la jurisprudence du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel relative du droit pour les étrangers de mener une vie familiale normale ;

- elle méconnaît le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui prévoit que : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ;

- elle méconnaît l'article 7 de la Charte européenne des droits fondamentaux et les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. Mane ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet,

- et les observations de Me Boisrame, substituant Me Issa, pour M. Mane.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. Moustapha Mane, tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 5 décembre 2019 du consul général de France à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer au jeune C... Mane un visa de long séjour au titre du regroupement familial. M. Mane relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

3. Dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur du visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits. En particulier, le caractère inauthentique des actes de naissance produits constitue un motif d'ordre public de nature à justifier le refus de visa.

4. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.

5. Il ressort des écritures en défense du ministre de l'intérieur que, pour rejeter le recours formé par M. Moustapha Mane, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur ce qu'en l'absence de caractère probant des documents d'état-civil produits et d'éléments de possession d'état suffisants, le lien de filiation entre l'intéressé et M. C... Mane n'était pas établi.

6. Pour justifier du lien de filiation, le requérant a versé aux débats l'extrait du registre des actes de naissance du centre de la commune de Kafountine, région de Ziguinchor (Sénégal), établi le 22 décembre 2014 ainsi qu'une copie littérale de l'acte de naissance dressé le 10 juin 2013, faisant mention, sur déclaration de M. F..., de la naissance le 1er janvier 2013 à Abéné du jeune C... Mane, fils de Moustapha Mane et de Mme A... D.... Il produit, également, un jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal d'instance de Bignona lui a accordé l'autorité parentale ainsi que le droit de garde à l'égard de son fils C..., jugement dont le ministre ne soutient nullement qu'il présenterait un caractère frauduleux. Dans ces conditions, et alors que ce dernier se borne à soutenir que M. Moustapha Mane n'ayant produit ni son acte de mariage avec Mme A... D... ni l'acte de reconnaissance de l'enfant, l'acte de naissance du 10 juin 2013 méconnaitrait les articles 4, 51 et 52 du code de la famille sénégalais, ce qui n'est au demeurant pas établi, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, en rejetant le recours pour le motif énoncé au point 5, a fait une inexacte application des dispositions précitées.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Mane est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à C... Mane. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à M. Mane au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour le jeune C... Mane est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer au jeune C... Mane un visa d'entrée et de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. Mane une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-I du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Moustapha Mane et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.

La rapporteure,

C. BUFFETLe président,

F. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT04068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT04068
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : ISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-10-12;20nt04068 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award