Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... H... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2020 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Côte d'Ivoire comme pays de destination.
Par un jugement n° 2009838 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 janvier 2021 et 9 juillet 2021 Mme B..., représentée par Me Cesse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2020 du préfet de la Sarthe ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision a été prise en méconnaissance du droit à être entendu ;
- cette décision a été prise avant que l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile lui ait été notifiée ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît l'article 3 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est en couple avec un compatriote bénéficiant de la protection subsidiaire et l'enfant né de ce père le 26 août 2020 bénéficie également de cette protection depuis le 18 mars 2021 ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ;
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2021, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et s'en rapporte, pour l'essentiel, à ses écritures de première instance.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Brasnu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née en 1989, est entrée sur le territoire français en juin 2018, munie d'un visa de court séjour, et a sollicité le statut de réfugié. Cette demande a été rejetée le 10 décembre 2019 par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Mme B... a formé un recours contre ce rejet devant la Cour nationale du droit d'asile. Ce recours a lui-même été rejeté par cette cour le 4 septembre 2020. Par un arrêté du 7 septembre 2020, le préfet de la Sarthe a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la Côte d'Ivoire comme pays de destination. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 4 mai 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Sarthe a donné délégation à M. G... A..., directeur de cabinet, à l'effet de signer, lorsqu'il assure le service de permanence, notamment, les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. En outre, par un arrêté du même jour régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, délégation de signature a été donnée à M. Thierry Baron, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe, pour signer toutes les décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Sarthe. Cet arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., la délégation de signature est conférée à M. A.... Mme B... ne démontre ni que M. A... n'aurait pas assuré le service de permanence au moment où l'arrêté a été signé, ni que M. C... n'aurait pas été absent ou empêché. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
3. En second lieu, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, Mme B... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de la violation du droit à être entendu et de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.
5. En deuxième lieu, Mme B... ne réside en France que depuis juin 2018 et n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Côte d'Ivoire. Si elle fait valoir que, depuis son arrivée en France, elle a noué une relation avec un compatriote bénéficiaire de la protection subsidiaire et père de son enfant né au Mans le 26 août 2020, et produit des photographies prises à la maternité, une attestation de paiement d'allocations familiales, une attestation d'élection de domicile ainsi qu'une attestation sommaire du père de l'enfant, ces éléments ne permettent toutefois pas d'établir le caractère ancien, stable et intense de cette relation. Les éléments produits ne permettent pas davantage d'établir que le père de l'enfant participerait à son entretien et à son éducation. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 du 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En dernier lieu, Mme B... soutient qu'elle craint, pour elle-même et son enfant, d'être exposée à traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Côte d'Ivoire. Cependant, un tel moyen ne peut utilement être invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
7. Mme B... fait valoir que son enfant D... E... bénéficie désormais de la protection subsidiaire, qui lui a été accordé par une décision du 18 mars 2021. Bien que cette décision soit postérieure à l'arrêté contesté, elle résulte de la protection subsidiaire accordée au père de l'enfant, compatriote de Mme B..., avant la naissance de celui-ci le 26 août 2020 et révèle l'existence, pour l'enfant de la requérante, d'un risque de traitement prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lui-même constitué avant la date d'édiction de l'arrêté contesté. Il suit de là que Mme B... est fondée à soutenir que la décision fixant la Côte d'Ivoire comme pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision doit, par suite, être annulée.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner sur les autres moyens, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 7 septembre 2020 en tant qu'il a fixé la Côte d'Ivoire comme pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'annulation de la décision fixant le pays de destination n'impliquant pas nécessairement de mesure d'exécution, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mme B... à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme B... demande sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 7 septembre 2020 du préfet de la Sarthe est annulé en tant qu'il fixe la Guinée comme pays de destination.
Article 2 : Le jugement n° 2009838 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... H... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.
Le rapporteur
H. BrasnuLa présidente
I. Perrot
La greffière
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT00151